Épiphore
Une épiphore (substantif féminin), du grec epi (« en plus ») et pherein (« porter, répéter, ajouter ») est une figure de style consistant en la répétition, à la fin de deux ou de plusieurs groupes de phrases ou de vers qui se succèdent, d'un même mot ou d'un même groupe de mots. Figure appartenant à la classe des répétitions, elle est l'équivalent symétrique de l'anaphore. Elle rythme la phrase, souligne un mot, une obsession, ou provoque un effet rythmique, d'où son utilisation fréquente en chanson.
Définition
modifierDéfinition linguistique
modifierL'épiphore est beaucoup plus rare d'utilisation que son célèbre pendant : l'anaphore. Cette figure est une transformation identique répétant un mot ou groupe de mots à la fin de plusieurs membres successifs ou de phrases, selon le schéma : _____A / _____A
L'épiphore désigne un mécanisme de transformation pouvant être nommé par plusieurs autres termes : épistrophe ("retour") lorsqu'elle ne concerne que la poésie ou encore antistrophe ("même sens") lorsqu'on insiste sur sa conservation sémantique. Globalement il s'agit de la même figure désignée. Elle peut se combiner à l'anaphore et former une figure nouvelle : la symploque comme dans l'exemple suivant : « les yeux noirs de Stella, les yeux d’oiseau de Stella, se dilataient dans son visage creusé » (Anne Hébert)
Par convention, on admet la présence d'une épiphore à partir de trois occurrences du même mot ou du même segment.
Définition stylistique
modifierL'épiphore apporte souvent un effet mélancolique. Néanmoins elle peut avoir une fonction poétique de versification en facilitant la recherche de la rime. En général, l'épiphore est une figure complexe s'appuyant sur un ensemble de figures secondaires et sur des procédés et indices stylistiques variés : décroissante de vers (ton descendant, réduction du vers final au seul terme répété (voir l'exemple de Verhaeren), jeu sur les syllabes finales (homéotéleute), jeu sur les rimes féminines ou masculines. Comme l'anaphore, elle permet d'insister sur un propos ou une qualité, surtout dans les textes argumentatifs (voir la lettre de Valmont en exemple).
L'oral peut en user afin d'appuyer et d'insister sur un argument, mis en fin de proposition (« Tu es saoul ? Tu es saoul ! »).
Genres concernés
modifierComme l'anaphore, l'épiphore peut être utilisée par tous les genres littéraires. La poésie en a néanmoins un recours plus privilégié, dans une dimension lyrique, liée à l'évocation de sentiments in petto et souvent mélancoliques.
Elle est très utilisée dans les discours politiques ou les slogans afin d'appuyer et d'insister sur un argument et de communiquer un message simple et frappant comme dans cette célèbre épiphore moderne : « Travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy, qui en a prononcé deux autres plus longues, lors du débat télévisé du second tour de l'élection présidentielle française de 2012, à la suite de l'anaphore de François Hollande ; la chanson l'utilise massivement afin de faciliter l'expression lyrique (Claude François par exemple avec « comm' d'habitude »).
Au cinéma, on peut voir une épiphore dans la répétition d'une même scène ou image en fin de séquence visuelle.
Exemples
modifier
« Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
Interminablement, à travers le jour gris,
Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris,
Infiniment, la pluie,
La longue pluie,
La pluie. »
— Emile Verhaeren, La pluie (Les villages illusoires)
« Moi qui n'ai jamais prié Dieu
Que lorsque j'avais mal aux dents
Moi qui n'ai jamais prié Dieu
Que quand j'ai eu peur de Satan
Moi qui n'ai prié Satan
Que lorsque j'étais amoureux
Moi qui n'ai prié Satan
Que quand j'ai eu peur du Bon Dieu »
— Jacques Brel, La Statue
« [...] On s’ennuie de tout, mon Ange, c’est une loi de la Nature ; ce n’est pas ma faute.
Si donc je m’ennuie aujourd’hui d’une aventure qui m’a occupé entièrement depuis quatre mortels mois, ce n’est pas ma faute.
Si, par exemple, j’ai eu juste autant d’amour que toi de vertu, et c’est sûrement beaucoup dire, il n’est pas étonnant que l’un ait fini en même temps que l’autre. Ce n’est pas ma faute.
Il suit de là, que depuis quelque temps je t’ai trompée : mais aussi, ton impitoyable tendresse m’y forçait en quelque sorte ! Ce n’est pas ma faute.
Aujourd’hui, une femme que j’aime éperdument exige que je te sacrifie. Ce n’est pas ma faute.
Je sens bien que te voilà une belle occasion de crier au parjure : mais si la nature n’a accordé aux hommes que la constance, tandis qu’elle donnait aux femmes l’obstination, ce n’est pas ma faute.
Crois-moi, choisis un autre amant, comme j’ai fait une autre maîtresse. Ce conseil est bon, très bon ; si tu le trouves mauvais, ce n’est pas ma faute.
Adieu, mon ange, je t’ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret : je te reviendrai peut-être. Ainsi va le monde. Ce n’est pas ma faute.[...] »
— Choderlos de Laclos, Les liaisons dangereuses, lettre CXLI
« Je veux que chacune et chacun puisse travailler dans notre pays plus facilement, que les entrepreneurs embauchent plus facilement, que les entrepreneurs investissent plus facilement, mais que chacune et chacun puisse aussi travailler plus facilement et soit mieux récompensé de son travail. »
— Emmanuel Macron, Discours de Clermont-Ferrand, 7 janvier 2017[1]
Figures proches
modifierFigure mère | Figure fille |
---|---|
répétition | symploque |
Antonyme | Paronyme | Synonyme |
---|---|---|
anaphore | épistrophe, antépiphore |
Débats
modifierOn peut définir l'épiphore comme une anaphore terminale[2].
Notes et références
modifier- « Discours de Clermont-Ferrand », sur en-marche.fr (consulté en ).
- http://www.espacefrancais.com/glossaire/index.php?letter=e
Bibliographie
modifier- M.Charolles, L'anaphore: problèmes de définition et de classification, Verbum, 1991, p. 203-215.
- Pierre Pellegrin (dir.) et Myriam Hecquet-Devienne, Aristote : Œuvres complètes, Éditions Flammarion, , 2923 p. (ISBN 978-2081273160), « Réfutations sophistiques », p. 457.
- Quintilien (trad. Jean Cousin), De l'Institution oratoire, t. I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Budé Série Latine », , 392 p. (ISBN 2-2510-1202-8).
- Antoine Fouquelin, La Rhétorique françoise, Paris, A. Wechel, (ASIN B001C9C7IQ).
- César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Impr. de Delalain, (réimpr. Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par l’abbé Batteux), 362 p. (ASIN B001CAQJ52, lire en ligne).
- Pierre Fontanier, Les Figures du discours, Paris, Flammarion, (ISBN 2-0808-1015-4, lire en ligne).
- Patrick Bacry, Les Figures de style et autres procédés stylistiques, Paris, Belin, coll. « Collection Sujets », , 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8).
- Bernard Dupriez, Gradus, les procédés littéraires, Paris, 10/18, coll. « Domaine français », , 540 p. (ISBN 2-2640-3709-1).
- Catherine Fromilhague, Les Figures de style, Paris, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », 2010 (1re éd. nathan, 1995), 128 p. (ISBN 978-2-2003-5236-3).
- Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, Paris, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d’aujourd’hui », , 350 p. (ISBN 2-2531-3017-6).
- Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Armand Colin, , 228 p., 16 cm × 24 cm (ISBN 978-2-2002-5239-7).
- Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier cycle », , 256 p., 15 cm × 22 cm (ISBN 2-1304-3917-9).
- Hendrik Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, , 533 p. (ISBN 978-2-7453-1325-6).
- Groupe µ, Rhétorique générale, Paris, Larousse, coll. « Langue et langage », .
- Nicole Ricalens-Pourchot, Dictionnaire des figures de style, Paris, Armand Colin, , 218 p. (ISBN 2-200-26457-7).
- Michel Jarrety (dir.), Lexique des termes littéraires, Paris, Le Livre de poche, , 475 p. (ISBN 978-2-253-06745-0).