Amadou (matière)

matière végétale spongieuse issue d'un champignon

L'amadou est un matériau spongieux constituant la partie supérieure de la chair de certains champignons, sorte de feutre naturel utilisé séché depuis la Préhistoire, principalement pour allumer le feu, mais aussi pour favoriser la dessiccation des plaies en médecine et des mouches de pêche, ou encore comme succédané du tabac et du cuir. On utilise le plus souvent la chair des polypores qui se développent sur les arbres, essentiellement l'amadouvier (Fomes fomentarius), mais aussi d'autres espèces fongiques employées localement pour des propriétés comparables. Ce matériau traditionnel fait partie des mycomatériaux.

Tranche d'amadou brute.

Espèces utilisées

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Amadouvier sec (Fomes fomentarius).

Le plus utilisé, apprécié pour l'épaisseur de sa chair :

D'autres espèces de champignons ont pu être utilisées pour obtenir de l'amadou, bien que donnant une matière moins performante :

Préparation

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Coupe de Fomes fomentarius.
 
Amadou prêt à l'usage.

La préparation à partir de l'amadouvier consiste à prélever la partie fibreuse intérieure, sans les tubes, puis à la découper en tranches fines qui seront conservée au sec. On peut les aplanir et les faire feutrer en les battant avec un maillet en bois sur un billot[2].

Pour allumer le feu plus facilement ou pour obtenir un cuir résistant, il faut en outre imprégner ces tranches d'une substance qui rend l'amadou encore plus performant[6]. Généralement par trempage dans un bain additionné de salpêtre, plus rarement de poudre à canon, suint de laine de mouton, cendre, etc.[7],[2].

Les artisans spécialisés dans cette fabrication s'appelaient des « amadoueurs », un métier qui perdure jusqu'au début du XXe siècle. Toutefois, à la campagne, les gens fabriquaient eux-mêmes leur amadou pour un usage domestique. Au XIXe siècle, il existe en Europe des centres de fabrication presque industriels : en Allemagne principalement dans le Bade-Wurtemberg où se trouve la Forêt-Noire ; en France dans la Gironde ainsi qu'à Niaux (Ariège) ; dans les Carpates en Europe de l'Est, ainsi qu'en Suède. En 1914, 50 tonnes d'amadou sortaient encore par an de la manufacture d'Ulm (Allemagne)[7].

Utilisation

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Au XVIIIe siècle on distingue l'amadou roux, destiné aux usages ordinaires, et l'amadou blanc, plus doux et plus fin, qui a la préférence des médecins[8].

Allume-feu

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L'amadou constituait un matériau important pour les humains préhistoriques car il leur permettait d'allumer un feu à partir de la percussion d'un fragment de pyrite ou de marcassite avec un morceau de silex. Cela est attesté par la découverte dans le bagage d'Ötzi, un homme décédé dans un glacier il y a environ 5 000 ans, de tous ces éléments nécessaires à l'allumage d'un feu[9].

À l'origine des briquets, il y eut la méthode consistant à « battre le briquet » sur un morceau de silex, en maintenant la fibre inflammable à proximité de l'impact qui produit l'étincelle sous le choc du « briquet » en fer[10]. On se servait ensuite de l'amadou incandescent pour enflammer une « allumette », petite buchette ou tige boisée, remplacée ensuite par des bâtonnets à l'extrémité soufrée. L'amadou doit être conservé bien au sec, avec le silex, parfois dans une petite logette associée au briquet[11].

Vers 1840, les briquets dits « à amadou » modernes apparaissent. Ils sont en fait constitués d'une mèche en coton, trempée dans un bain chimique pour les rendre très inflammables[7],[6]. Cet amadou « chimique » est obtenu par trempage dans du salpêtre ou du chromate de plomb. À cause de sa toxicité, ce dernier a été par la suite remplacé par de l'oxyde de manganèse[12].

Pour produire directement une flamme, sans passer par l'étape de combustion lente, il faut attendre la généralisation du briquet à essence au cours de la première moitié du XXe siècle[13].

L'amadou peut être remplacé par de l'étoupe. Au Congo certaines ethnies utilisent des matières déjà un peu carbonisées comme les peaux de bananes ou des fibres de palmier, tandis qu'au Pakistan c'est un tissu imprégné de suint de laine de mouton qui sert d'allume-feu[11].

Usage médical

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Echantillon d'amadouvier, droguier de la faculté de Pharmacie de Montpellier

À chaud : l'usage de l'amadou en médecine est attesté dès le Ve siècle av. J.-C., dans l'ouvrage d'Hippocrate qui préconise de placer sur la peau de l'amadou incandescent, à proximité des parties malades.

Au VIIe siècle Paul d'Égine s'en sert pour cautériser les plaies.

À froid : vers 1750, les médecins préconisent de s'en servir pour arrêter les hémorragies artérielles sans recourir à une ligature ou pour stopper les épanchements de sang, même si dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle cette propriété est contestée par certains et expliquée uniquement par le bénéfice de la compression. Il sert aussi aux dentistes, aux pédicures, etc. En médecine populaire, l'amadou est utilisé comme pansement et le matériau est mentionné à cet usage dans la pharmacopée française jusqu'en 1908[3].

Traité au salpêtre, il sert de moxa jusqu'au XIXe siècle, pour la moxibustion. Moins chaud, il sert aussi de compresse sur les parties du corps qui en ont besoin[3].

En fumigations, il a servi de remède contre des pathologies diverses, comme les hémorroïdes, les maladies nerveuses ou l'asthme[3].

Tabac à priser

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L'amadou a servi comme substitut du tabac à priser[2].

Séchage

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L'amadou absorbe bien l'humidité. Il est notamment utilisé pour sécher les appâts destinés à la pêche à la mouche[14],[15]. On se sert de ses propriétés hydrophiles pour assécher très rapidement les mouches artificielles, dites « mouches sèches » ou « cul de canard », afin qu'elles restent flottantes[16].

Cuir vestimentaire

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Il est aujourd'hui possible de transformer l'amadou feutré en cuir très souple[17].

Il est utilisé dans la fabrication de chapeaux[18],[19]. Auparavant, il doit être aplati, bouilli et trempé dans une solution de nitrate de potassium. Une des méthodes de préparation commence par le trempage dans une solution de soude pendant une semaine, tout en le battant délicatement de temps et temps, puis en le séchant. Une fois sec, il est dur et doit être pilé avec un objet contondant permettant de le ramollir et de l'aplatir[15].

En Roumanie, l'amadouvier est toujours utilisé en artisanat (technique du feutrage), notamment pour la fabrication de chapeaux, de casquettes et de sacs[20].

Notes et références

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  1. De haut en bas de l'image : briquet historique en acier (copie), silex, amadou, minerais de fer (pyrite, marcassite).

Références

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  1. a b et c François Fulgis Chevallier, Flore générale des environs de Paris, selon la méthode naturelle : Description de toutes les plantes agames, cryptogames et phanérogames qui y croissent spontanément; leurs propriétés, leur usage dans la médecine, les arts, et l'économie domestique; avec une classification naturelle des agames et des cryptogames, basée sur l'organisation de ces végétaux, Chez Ferra Jeune, (lire en ligne)
  2. a b c d et e Christiaan Hendrik Persoon, Traité sur les champignons comestibles, contenant l'indication des espèces nuisibles : précédé d'une introduction a l'histoire des champignons, Belin-Leprieur, (lire en ligne)
  3. a b c d e et f Bertrand Roussel, Sylvie Rapior, Colette Charlot et Christian-Louis Masson, « Histoire des utilisations thérapeutiques de l'amadouvier [Fomes fomentarius (L. : Fr.) Fr. ] », Revue d'Histoire de la Pharmacie, vol. 90, no 336,‎ , p. 599–614 (DOI 10.3406/pharm.2002.5432, lire en ligne, consulté le )
  4. « Substitutes for Tinder Fungus », sur www.primitiveways.com (consulté le )
  5. Paul Stamets, Mycelium running : how mushrooms can help save the world, Ten Speed Press, (ISBN 978-1-58008-579-3)
  6. a et b op. cit. B. Roussel (2002) p. 10.
  7. a b et c Futura, « De l'amadou pour produire le feu », sur Futura (consulté le )
  8. Traité des Champignons, ouvrage dans lequel on trouve après l'histoire analyt. et chronologique des découvertes et des travaux sur ces plantes, suivie de leur synonymie botanique, Imprimerie Royale, (lire en ligne), Pages 84-96
  9. Cotter T., Organic Mushroom Farming and Mycoremediation : Simple to Advanced and Experimental Techniques for Indoor and Outdoor Cultivation, Chelsea Green Publishing, , 400 p. (ISBN 978-1-60358-456-2, lire en ligne), p. 281.
  10. Faustine Sappa et Bertrand Roussel, « Les techniques d'allumage du feu des origines à nos jours », euroREA,‎ , p. 30-40 (lire en ligne [PDF])
  11. a et b Jacques Collina-Girard, Le feu avant les allumettes : Expérimentation et mythes techniques, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, , 152 p. (ISBN 978-2-7351-1936-3, lire en ligne).
  12. Jacques Collina-Girard, Le feu avant les allumettes : expérimentation et mythes techniques, Paris, Maison des sciences de l'homme, , 146 p. (ISBN 978-2-7351-0765-0, lire en ligne), p. 16.
  13. « La production du feu - Bertrand Roussel - Hominidés », sur www.hominides.com (consulté le ).
  14. John Van Vliet, Fly Fishing Equipment & Skills, Creative Publishing, , 144 p. (ISBN 0-86573-100-4)
  15. a et b Jon Beer, « Reel life: fomes fomentarius », The Telegraph,
  16. Bernard Breton, Tajana Gérard et Régis Gérard, Toutes les pêches à la mouche, Editions Jean-paul Gisserot, , 125 p. (ISBN 978-2-87747-476-4, lire en ligne), p. 82
  17. « Le champignon, ce nouveau cuir végétal | Décisions durables », sur www.decisionsdurables.com (consulté le )
  18. Greenberg J., Rivers of Sand : Fly Fishing Michigan and the Great Lakes Region, Lyons Press, , 232 p. (ISBN 978-1-4930-0783-7, lire en ligne), p. 93
  19. Pegler D., « Useful fungi of the world: Amadou and Chaga », Mycologist, vol. 15, no 4,‎ , p. 153–154 (DOI 10.1016/S0269-915X(01)80004-5) :

    « "In Germany, this soft, pliable 'felt' has been harvested for many years for a secondary function, namely in the manufacture of hats, dress adornments and purses." »

  20. op. cit. B. Roussel (2002) p. 33.

Sources

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  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Bertrand Roussel et al. (2002), L’Amadouvier, grande et petite histoire d’un champignon. Supplément hors-série des Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, 48 p. :  
  • Daniel Thoen, « Usages et légendes liés aux Polypores. Note d'ethnomycologie n。 1 - III », Bull. trim. Soc. Mycol. Fr., no 98 (3),‎ , p. 289-318 (lire en ligne)  

Annexes

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Liens externes

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