Château de Hautségur

château fort français

Le château de Hautségur, tour de guet au XIIe siècle, en partie démoli durant les guerres de Religion et rebâti au XVIe siècle[1], est un château privé situé à Meyras, en France.

Château de Hautségur
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Localisation

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Le château est situé 970 impasse de Hautségur sur la commune de Meyras, dans le département français de l'Ardèche. Hautségur surplombe la vallée de l’Ardèche et fait face au hameau de Barutel qui se trouve sur la rive droite de celle-ci.

Historique

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L'édifice est inscrit à l'Inventaire des monuments historiques en 1937[2]. Inhabité pendant de nombreuses années, il a appartenu à divers propriétaires jusqu’à son rachat, en , par Patricia Demangeon qui s’emploie, depuis, à le faire revivre et à lui redonner son aspect initial.

Autrefois dénommé Ruppesegura (Armorial du Vivarais) (XVIe siècle), Altasegura (Mazon), au XVIIe siècle, Rochesegure, Rochesure (Registres paroissiaux, 1668), au XVIIIe siècle Haut Segure (Carte de Cassini)[3] son emplacement au-dessus de la vallée de l’Ardèche, en fit un poste de guet d’importance stratégique.

Hautségur est placé sur le tracé d’une antique voie romaine qui reliait Meyras à la station thermale de Neyrac, déjà connue et appréciée des Romains. En effet, jusqu’à l’ouverture de la grande route d’Alès au Puy, par Aubenas, (actuelle N102)[4] et celle desservant Burzet et la vallée de la Bourges (actuelle départementale 536), Meyras était un nœud de communications important, et le seul point de passage entre les vallées de la Bourges, de la Fontaulière, du Lignon et de l’Ardèche, par lequel transitait tout le trafic entre le Bas-Vivarais et la montagne. Les Romains y établirent même un camp avancé à Champagne (Campus Montispodis) pour surveiller l’accès aux défilés de la montagne.

L’édifice initial n’a pas subi de transformations trop dommageables et reste un témoin d’architecture militaire de grande qualité dans notre région.

Les origines de Hautségur sont encore mal connues[5]. Il est vraisemblable que, comme pour la plupart des châteaux forts, il dut évoluer entre le XIIe siècle (ou peut-être même avant) et le XIVe siècle à partir d’un donjon central qui avait au départ un rôle défensif. Tous les châteaux des environs sont en effet bâtis selon ce principe, que ce soit celui de Ventadour[6], celui d’Aubenas, de Vogüé ou encore de Largentière. Tous comportent, à la base, un donjon massif auquel on accédait par des dispositifs amovibles en bois situés à l’étage. Ces constructions évoluèrent par ajouts successifs, généralement plusieurs tours avancées qui furent reliées entre elles par des murs appelés courtines. Cette évolution permettait d’agrandir la construction qui pouvait ainsi provisoirement abriter les paysans des alentours venus, en cas de conflit, se retrancher avec leurs animaux (d’où le nom de « basse-cour ») à l’intérieur des remparts. Le seigneur et sa famille, quant à eux, se réfugiaient à l’abri du donjon qui servait aussi à protéger le trésor mais surtout les réserves de semences précieusement conservées d’une année sur l’autre pour éviter les famines et faire la soudure. Plus tard, les châteaux évoluèrent pour devenir de véritables lieux de vie, se dotant de larges ouvertures qui permettaient de faire entrer la lumière, de cheminées et d’escaliers pour relier les différents étages et, lorsque les ressources du seigneur étaient suffisantes, de pièces d’apparat destinées à recevoir, voire à impressionner ses hôtes ou ses sujets.

La famille de Langlade

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La famille de Langlade[7], qui a joué un rôle important dans l’histoire de Meyras, et de Hautségur en particulier, est documentée dès 1414 avec un Jean de Langlade, damoiseau.

  • En 1498, on trouve un Gabriel de Anglata, notaire à La Souche. Le notariat était un bon moyen de s’enrichir et d’accéder à la noblesse de robe, sinon d'épée.
  • En 1564, on a connaissance d’un Langlade, seigneur de Trescol, établi à Nîmes. Un Jean de Langlade reçut du sénéchal de Nîmes des lettres patentes qui le faisaient jouir des privilèges de la noblesse, avec permission de porter dague et épée[8].
  • En 1568, Gilbert III de Lévis, duc de Ventadour, confie la garde de son château à François de Langlade, sieur de Laval et de Sanilhac, habitant Jaujac, protestant. Bien que lui-même catholique, il le nomme « rentier général »[9], charge de confiance que ce dernier assura jusqu’à son décès en 1597. Pendant ces 29 années, François s’enrichira considérablement, acquérant Hautségur et La Croizette (Meyras) et devenant seigneur des Eperviers (Saint-Cirgues-en-Montagne), qu’il acquit par achat auprès de Gilbert de Ventadour, le . À cette époque, François de Langlade est dit « noble » car, comme nous l’avons vu, cette noblesse lui avait été conférée dès 1564 mais c’est l’acquisition de la terre et de la seigneurie des Eperviers qui lui permit d’en adopter les armoiries.

Cette cession ne sera cependant définitivement acquise aux Langlade qu’après le versement d’une soulte de 3 000 livres, ce qui se fera, non avec Gilbert de Ventadour, mort entretemps, mais avec son fils, Anne de Lévis-Ventadour, le [10].

  • 1597 : mort de François de Langlade. Son fils et héritier, Jean de Langlade continue d'assurer les fonctions de son père au château de Ventadour. C’est ce même Jean dont le nom est mentionné sur le linteau daté de 1598, déplacé dans la Grand’Rue de Meyras. Le linteau est réputé provenir du château de La Croizette, rasé, selon les Commentaires du Soldat du Vivarais, en 1626[11].
  • 1625 : Le , le fils de Jean, Scipion de Langlade vent les rentes de plusieurs de ses propriétés (La Blachière, Trescol…) à Antoine Tailhand, notaire.
  • 1626 : Lors des affrontements entre catholiques et protestants, le château de La Croizette, qui appartenait aux Langlade, protestants, est rasé par le sieur des Alras, catholique[12]. Ce château était sans doute plus une maison forte qu’un « château » proprement dit et ne devait pas être aussi bien défendu que Ventadour ou même Hautségur.
  • 1655 : Suivant contrat signé au château du Villard (ou des Villards) le , devant Laffare, notaire à Saint-Cirgues-en-Montagne, demoiselle Marie de Langlade d’Hautségure[13], fille de Scipion, baron des Éperviers, et de Louise de Teyssier des Alras[14], épouse Claude de Chanaleilles[15], seigneur des Villards. Elle aurait apporté en dot le château de Ventadour à Claude de Chanaleilles, ainsi que la seigneurie des Eperviers. Avant Scipion, il n’est jamais dit que les Langlade aient été propriétaires de Ventadour. Que s’est-il passé ? En tout cas, pour que Marie de Langlade d’Hautségure transmette Ventadour à son époux, c’est qu’elle avait dû en hériter de son père, Scipion, à un moment ou à un autre.
  • 1680 (vers) : Marie-Anne de Langlade, fille de Paul de Langlade, dernier de son nom et d’Aimée de Bonneval, épouse Annet-François de Chanaleilles, seigneur de la Croze. Faut-il voir dans ce nom une autre forme pour La Croizette ? Si oui, le château (maison-forte) existait donc encore en 1680, à moins qu’il ne s’agisse plus que des terres et des droits y afférents…
  • 1682 : Paul de Langlade demande à être inhumé en l’église de Meyras.
  • 1752 () : Les Chanaleilles, derniers héritiers des Langlade, vendent le château de Hautségur à Jean Neyron, docteur en droit. Ses descendants le conservèrent jusqu’en 1892.

Depuis lors, de nombreuses familles se sont succédé à Hautségur, le château est resté partagé entre plusieurs propriétaires pendant plusieurs siècles, l’année 2012 aura permis sa « réunification », ce qui lui vaudra d’être enfin rétabli dans son ancienne splendeur.

Description

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Chateau de Hautségur.

Le château se compose d’un massif corps carré, flanqué d’une tour ronde à l’ouest et d’une tourelle d’escalier qui dessert les étages. Les quatre angles du massif carré sont flanqués d'un dispositif défensif, quatre poivrières soutenues par de curieux corbeaux en vaugnérite.

Au rez-de-chaussée s’ouvre une vaste pièce voûtée d'environ 100 m2, qui constitue la base du donjon. Sa première destination dut être celle d’une « salle d’hommes » où se tenaient les défenseurs du château. Elle fut par la suite transformée en cuisine avec l’adjonction d’une vaste cheminée qui en occupe le mur du fond.

De cette salle, on peut de nos jours accéder à l’escalier à vis bâti autour d’un pilier central qui dessert les deux étages d’appartements et donne accès au vaste grenier et au belvédère. Mais cette porte ne devait pas exister au début, pas plus d’ailleurs que celles placées de part et d’autre de la vaste pièce. En effet, la communication entre la « salle d’hommes » et l’escalier a été percée en 1597, comme l’indique la date gravée sur le linteau (13 1597 DE). Une autre date, au-dessus de la porte de gauche donnant accès à la grande salle du 1er étage, indique, elle : 1598 20 AOUST ().

L’accès aux étages se fait donc par l’escalier à vis auquel on aborde de l'extérieur par un portail décoré qui est, avec les cheminées, la plus belle pièce sculptée du château.

Ce portail surprend par son ornementation et l’inscription qui y figure. Sur le linteau, inspiré de l’antique, en vogue à la Renaissance (pilastres cannelés soutenant, par le biais de chapiteaux carrés, un entablement décoré de motifs floraux encadrés de triglyphes), une inscription latine est gravée dans un cartouche :

NISI ¤ DOMINUS AEDIFICAVEIT ¤ DOMUM

IN VANUM ¤ LABORAVERUNT QVI AEDIFICA(N)T EAM »

Il s’agit d’une citation du Psaume 126 de la Bible et peut se traduire ainsi :

« Si ce n’est au nom du Seigneur qu’a été bâtie cette maison,

ceux qui l’ont édifiée ont travaillé en vain. »

Au bas et à gauche du linteau, dans l’étroite marge réservée sous le cartouche, se lit aussi en chiffres romains :

M CXXVI

qui est sans doute la référence du verset et non une date comme cela a souvent été avancé[16].

Le style et la phrase de ce linteau sont à rapprocher de celui de la Grand’ Rue de Meyras, seul souvenir du château de La Croisette (ou La Croizette), rasé en 1623 ; il est tout à fait dans l’esprit de la Réforme protestante dont la famille de Langlade était partisane.[réf. nécessaire]

Le texte de ce dernier, en latin, est lui aussi inspiré de la Bible (Psaumes 31:30 et 71 :70) :

IN TE DOMINE SPERAVI

NON CONFUNDAR IN AETERNUM

IOA(NIS) ANGLADIS MDXCVIII

DEDIT AETATIS SUAE

Il se traduit ainsi :

En toi, Seigneur, j’espère

Que jamais je ne sois confondu

Jean Anglade, 1598

Je te confie ma vie et mon bien.

Comme on le voit dans la section historique, Hautségur fut acquis par François de Langlade entre 1568 et 1597. Ce n’était alors qu’une fruste tour de guet surveillant la route de Meyras à Neyrac. C’est lui, ou plutôt son fils Jean, devenu seigneur des Eperviers, qui dut entreprendre les ambitieuses transformations dans le goût de la Renaissance en ajoutant deux étages nobles reliés par un escalier à vis.

Les premiers escaliers à vis, dont l’archétype est celui de Saint-Gilles, remontent au XIIe siècle mais la plupart ne sont pas antérieurs à la Renaissance et suivirent la mode importée d’Italie après les campagnes de François Ier. L'escalier de Hautségur est d’un travail remarquable et son état de conservation est stupéfiant.

Il donne accès, au 1er étage, aux deux grandes salles d’apparat dont les plafonds ont laissé apparaître, après gommage de la suie, des traces d’un décor raffiné à la peinture rouge. À chaque extrémité des salles sont disposées deux cheminées de style Renaissance dont le décor, légèrement différent de l’une à l’autre, rappelle cependant le portail de l’escalier.

Si l’inscription du portail se lit et se transcrit assez facilement, il en est une autre de sept lignes, en écriture gothique, gravée sur un écusson encastré dans la face nord de l’échauguette ouest, dont la lecture est nettement plus problématique. Selon M. A.V.J. Martin[16], les caractères gravés sur cette pierre seraient les suivants :

… OST

FECIT DOMV

DEIFOA

RIESVAIOM

ARINUSQV

ODFAVST

VSIET

Pour les deux premières lignes (le début de l'inscription est lacunaire car la pierre est abîmée dans l’angle gauche) il propose :

- … OST FECIT DOMUM : « … OST (serait la fin d’un nom propre) a fait cette maison »

Renonçant à interpréter les trois lignes intermédiaires, il propose, pour la fin de l’inscription :

- QVOD FAUSTUM STET : « qu’elle demeure heureuse ».

N’ayant pas été nous-mêmes en mesure, malgré l’équipement photographique dont nous disposons, d’obtenir un cliché suffisamment net pour confirmer ou infirmer la transcription donnée par cet auteur, nous ne contesterons pas cette lecture.

La vis d’escalier se termine en un élégant dispositif « en parasol » ou « en palmier » qui s’évase à partir d’une colonnette tronconique supportant un chapiteau de même style que le portail ou les cheminées, dispositif que l’on trouve rarement aussi bien conservé (nous en avons vu un très semblable lors d’une visite privée au château du Bruget à Jaujac. Un autre dispositif du même genre termine l’escalier à vis de l’hôtel Noël Albert à Viviers[17].

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Anonyme – Les commentaires du soldat du Vivarais (1619-1629), dans l’édition de 1811. Rééd. Valence, La Bouquinerie, 1991.
  • Florentin Benoit d’Entrevaux, Armorial du Vivarais, Privas, 1908 (Réimpression : Marseille, Laffitte reprints, 1995).
  • Florentin Benoit d’Entrevaux, Châteaux historiques du Vivarais. Privas, 1914 (réédition : Grenoble, Ed. des Quatre Seigneurs, 1972).
  • Roland Comte, « Nieigles et le château de Ventadour », Cévennes Terre de Lumière, no 4 1997, p. 9–18.
  • Roland Comte, « Visite de Meyras », Cévennes Terre de Lumière, no 2-3, 2012, p. 20–27.
  • Roland Comte, « Meyras, le renouveau du château de Hautségur », Cévennes Terre de Lumière, no 4, 2013, p. 27–28.
  • Georges Grégoire, Le château de Meyras, dit château de Ventadour, Largentière, Impr. Humbert, 1976.
  • Pierre-Yves Laffont, Atlas des châteaux du Vivarais (Xe-XIIIe s.) Lyon, Alpara (coll. Dara, no 25), 2004.
  • A. V. J. Martin, « Le château de Hautségur », Revue du Vivarais, no 652, oct.-déc. 1977, p. 191–193.
  • Gabriel Richalot, « La dame du château de Hautsegur », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • André Rouy, Meyras, un village au pays des quatre vallées. Meyras, chez l’auteur, 2010.

Articles connexes

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Liens externes

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Notes et références

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  1. Guide du patrimoine en France : 2500 monuments et sites ouverts au public, Éditions du patrimoine - Centre des monuments nationaux, , 957 p. (ISBN 978-2-7577-0695-4), p. 27.
  2. « Château de Hautségur », notice no PA00116730, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. P. Charrié, Dictionnaire topographique du département de l'Ardèche, Paris, Guénégaud, , 456 p..
  4. Route d’Auvergne, réalisée sous Louis XV par les États du Languedoc entre 1762 et 1780.
  5. Aucune mention n’en est faite par Pierre-Yves Laffont, Atlas…, qui ne parle que du château de Ventadour.
  6. Roland Comte, « Le château de Ventadour », Cévennes Terre de Lumière trimestriel, no 4,‎ , p. 13-18 (ISSN 0294-1163).
  7. Marc Gauer, Histoire et généalogie de la famille de Langlade des Eperviers (lire en ligne)
  8. Louis de La Roque, Armorial de la noblesse du Languedoc, Paris, (lire en ligne).
  9. Autrement dit "intendant".
  10. La source de ces transactions se trouve dans les archives de Guillaume Robin, notaire à La Voulte, registres 1592-1593, f°537 (Étude Dupin, la Voulte).
  11. Anonyme, Commentaires du soldat du Vivarais (1619-1629), Valence, La Bouquinerie, 1811 (réédition 1991).
  12. Toujours selon les Commentaires du soldat du Vivarais.
  13. Dans les textes de cette époque, Hautségur est toujours écrit avec un « e » final.
  14. Il est tout de même curieux de trouver ce nom dont la famille catholique avait rasé La Croizette, dans la généalogie des Langlade. À moins qu’il ne se soit agi d’une réconciliation, contrainte ou forcée entre les deux familles à l’occasion de ce mariage.
  15. La famille de Chanaleilles est une des autres familles nobles importantes du Vivarais.
  16. a et b A.V.J. Martin, « Le château de Hautségure (sic) à Meyras », Revue du Vivarais, no 652,‎ , p. 191-193 (ISSN 0035-2748).
  17. Roland Comte, « Visite de Viviers », Cévennes Terre de Lumière trimestriel, nos 2-3,‎ , p. 28-41 (ISSN 0294-1163).