Discussion:Paslières

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J'ai retiré de l'article une bonne partie de feue la section « Fragments d'histoire » qui pose des problème des pertinence et de WP:TI. Jastrow| 17 octobre 2007 à 18:07 (CEST)Répondre

* Une prétendue sorcière

Lettre de rémission accordée aux meurtriers d’une présumée sorcière de Paslières (mars 1466)

Le document suivant pourrait se résumer en quelques phrases : accablés par une série de malheurs frappant les personnes et le bétail, quelques paysans de Paslières s’en prennent à une prétendue sorcière de la paroisse : une veuve de mauvaise réputation. Après avoir traînée celle-ci vers un étang, ils la somment d’avouer ses responsabilités, de cesser ses persécutions et de réparer ce qui peut l’être. Mais la femme ne résistera pas aux coups et décédera quelques jours plus tard. Contraints de s’enfuir pour échapper à la justice, les coupables demandent une rémission (pardon) qui leur est accordée. La lettre de rémission ci-après offre quelques précieux renseignements sur une quotidienneté ignorée : celle des anonymes méprisés de l’histoire.


Loys (1), par la grâce de Dieu roy de France.

Savoir faisons à tous presens et à venir nous avoir receû l'umble supplication de Guillaume et Anthoine Dubos dit Courtigier, de la parroisse de Pailhères, et Jehan Beaudan dit Vachié, de la parroisse de Montbranion (2) du païs d'Auvergne, povres gens de labour, chargez de femme et enfans, contenant que, puis trois ans en ça ou environ, grant mortalité et autres accidens sont seûrvenuz sur le bestail des dis Dubost, suppliant, et en diverses manières. Et pour ce que auprès d'eulx demouroit une femme de labour nommée Aelis Perière, vefve de feu Jehannin Paillard, qui estoit de mauvaise vie et renommée d'estre sorcière, les dis Guillaume et Anthoine Dubos eurent grant souspeçon qu'elle feust cause des dis accidens et à ceste cause et pour ce que la dite Haelis avoit plusieurs fois menacés les dis Duboz, supplians, pour ce que ils et autres de leur hostel (3) ne lui avoient voulu donner ce qu'elle leur demandoit, comme de la layne, du pain, du lart, du foin ou gresse de cire et aussi la robe d'ung petit enfant que naguères estoit trespassé en leur hostel, que la femme du dit Antoine Dubos dit Courtigier lui avoit reffusée, comme aussi, pour occasion des dis reffus et en hayne d'iceulx, icelle Aelips dist aus dis Dubost telles parolles ou semblables en substance : « Vous ne me voulez riens donner et jamais n'avez fait chose pour moy que je vous demande. Mais je vous en paieray bien, car, avant qu'il soit peu de temps, vous serez aussi pauvres que hommes de la paroisse et fauldra que voz enfant aillent quérir l'aumosne comme les miens. »

Et pour ce que, depuis les dites menaces, il mourut six ou sept bestes bouvines de celles des dis Dubost, supplians, en leur hostel et que leurs femmes furent fort malades, mesmement celle du dit Guillaume, qui, à ceste cause ou autrement, a eu et est accouchée de deux ou trois enfants avant terme, lesquelz sont trespassez sans batesme, pareillement estoit malade le dit Anthoine, suppliant, auquel sembloit durant sa dite maladie que on le picast de aiguilles parmy le corps, iceulx Guillaume et Anthoine Dubost eurent encores plus grand souspeçon et conceûrent encores plus grant hayne à l'encontre de la dite Alips.

Et pour attaindre et savoir dont procédoient les dis menaces et inconvéniens et s'ils ne pourroient riens savoir par elle, le dit Anthoine Duboz se tira devers la dite Alips et lui dist comment le dit bestail estoit mort et mouroit chascun jour et que lui mesmes étoit très fort malade, en lui priant qu'elle voulsist venir en leur hostel, pour savoir si elle avoit point veü autres fois semblable maladie à autres bestes et leur donner remède, aussi qu'elle donnast remède au dit Anthoine, suppliant, de sa maladie, se point en savoit. Laquelle respondit que, par aventure, quand elle auroit veù le dit bestail, qu'elle en sauroit bien dire quelque chose. Et avec ce dist telles parolles ou semblables en substance : « J'ay ouy dire que vous et les autres de vostre hostel me accusez des dommaiges, qui vous sont advenus. Mais il en y a d'aucuns, qui en sont plus cause que je ne suis. ». Et lors le dit Anthoine, suppliant, lui demanda qu'ils estoient. Lesquelz elle ne voult nommer, mesme lui dict qu'elle le sauroit bien. Et à tant s'en ala la dite Alips sans aler veoir le dit bestail ne asseûrer le dit Anthoine et lui donner remède à sa dite maladie.

Laquelle chose voyant par les dis Guillaume et Anthoine, supplians, et que leur dit bestail se mouroit tousjours, comme il faisoit par avant, et le dit Anthoine, suppliant, tousjours malade, furent très fort esmeûz et desplaisans de ce que dit est, et mesmement de ce que la femme du dit Guillaume estoit ainsi accouchée de trois enfans avant terme. Et par ce parlèrent à aucuns (4) leurs parens et mesmes au dit Jehan Beaudan, suppliant et au dit Fagault, ausquelz ilz récitèrent les dites choses dessus dites, mesmement les dites parolles et autres choses faictes et dictes par la dite Alips, qui estoit fort renommée au païs d'estre sorcière, comme dit est, en leur requérant qu'ilz les voulsissent accompaigner, pour aler menasser et faire peur seulement à la dite Aelips, afin de lui faire confesser le cas et se elle estoit cause des dis inconvéniens. Lesquels, saichans la mauvaise renommée de la dite Alips, entreprindrent avec les dis Duboz, supplians, de aler de nuyt en l'ostel de la dite Alips, situé au villaige des Pasquiaulx, en la jurisdiction du seigneur de Chabannes

Et de fait, le sixième jour de juing derrenier passé, environ une ou deux heures avant le jour, les dis supplians et Fagault se trouvèrent tous ensemble en la court de la maison des dis Guillaume et Anthoine Duboz, supplians, et s'en alèrent ensemble en l'ostel de la dite Alips. Et quand ilz furent devant la porte de son hostel, les ungs se arrestèrent et les autres hurtèrent à l'uys de la dite maison et de la granche d'icelle. Et quand la dite Alips oyt les dessus dis, se leva pour savoir que c'estoit et ouvrit la porte. Et lors le dit Beaudan et autres des dessus dis la prindrent par les bras et la menèrent dedens une place d'estang rompu appelle de Bost Chalvet, auquel estang n'avoit et n'a encores que bien peu de eau. Et lui bandèrent le visaige d'un couvrechief, afin seulement qu'elle eüst peur et qu'elle confessast le dit cas et pour en savoir la vérité. Et pour ce qu'elle ne voulloit riens confesser et voyant par les dis supplians qu'elle en estoit chargé, veû ce que dessus est dit, mesmes les parolles par elle dites dessus alléguées et autres, donnèrent aucuns coups de baston à la dite Alips, sans la vouloir tuer ne murdrir, mais seulement, comme dit est, pour lui faire confesser les dis cas, afin qu'elle les réparast par guarison ou autrement, ce qu'elle ne voult faire pour chose qu'on lui fist. Pour quoy iceulx supplians la laissèrent illec et s'en retournèrent.

Et tantost après, les voisins d'icelle Aelips, qui avoient ouy le bruyt, vindrent devers elle et la trouvèrent dedans le dit estang tumbée et veyrent qu'elle estoit malade et avoit ung bras rompu et la teste percée. Et icelle emportèrent en son hostel. Et icelle aportée ...(5)… esté les dis supplians ... (6)… ainsi l'avoient batue. Et aucun temps après, à l'occasion de la dite bateûre, par faulte de gouvernement ou autrement, icelle Alips ala de vie à trespas.

Et à ceste cause les dis supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez hors du païs, ouquel ne ailleurs en nostre royaume ils ne oseroient jamais bonnement retourner, converser ne demourer, se nostre grâce et miséricorde ne leur estoient sur ce imparties, humblement requérant que, attendu qu'ilz sont très desplaisans du dit cas et qu'ilz ne avoient vouloir ne intention de tuer la dite Alips, mais seulement li faisoient peur pour attaindre la vérité des dis cas et des dis inconvéniens, qu'on disoit procéder et advenir par son moïen soubz umbre de sa mauvaise renommée qui estoit en elle d'estre sorcière, et qu'elle les avoit souvent menacés et en avoient prinse la dite souspicion sur elle, et la grant charge des femmes, enfans et mesnaiges qu'ilz ont, lesquelz, durant leur absence et à l'occasion d'icelle, ont souffert et enduré plusieurs maulx, povretez et néccessitez et sont encores chacun jour, que en tous autres cas iceulx supplians sont bien famez et renommez, non attains ne convaincus d'aucun autre vilain cas, blasme ou reproche, il nous plaise sur ce leur impartir nos dites grâce et miséricorde.

Pour quoy nous... quittons, remettons, pardonnons le fait et cas dessus dit.... Si donnons en mandement par ces dites présentes aux bailliz de Saint Perre le Moustier, de Mont Ferrant ou à leurs lieuxtenans et à tous noz autres justiciers et officiers... que de noz présens grâce, quittance, rémission et pardon ilz facent, souffrent, laissent les dis supplians... joïr et user plainement et paisiblement.... Pourveù que les dis supplians feront ung voyage tous nuz en la prouchaine église fondée de Nostre Dame du lieu où a esté commis le dit cas, chacun une torche au poing, et retourneront en semblable estât au dit lieu de leur demeurance requérir mercy aux parens et amys de la dite deffuncte. Donné comme dessus.

Donné au Montilz lez Tours, au moys de mars l'an de grâce mil CCCCLXVI avant Pasques et de nostre règne le sixiesme.

Ainsi signé : Par le roy tenant ses requestes. De Villechartre. Visa, contentor. Rolant.

(Archives Nationales : JJ 200, N° 171, fol. 93. Document repris par P.J. Fournier : Magie et sorcellerie, page 324/327 : Ipomée, Moulins 1979)


Notes :

(1) Louis XI

(2) Montvianeix (Actuellement Saint-Victor-Montvianeix)

(3) Demeure, maison

(4) Valeur positive = Quelques uns

(5) et (6) Mouillure rendant illisibles une quarantaine de lettres.''



  • 1694 : un printemps calamiteux

Provoquées par une série de mauvaises récoltes aux effets accrus par la spéculation, des famines ravagent périodiquement le Royaume. Pour une population trois fois inférieure à celle d’aujourd’hui, la famine de 1694 (laquelle n’épargne guère que la Bretagne et la Provence) cause près d’un million et demi de morts.

Conservés depuis la fin du dix-septième siècle, les registres paroissiaux de Paslières témoignent de l’effroyable hécatombe. Cette année-là sont enregistrés 171 décès (six fois plus que d’ordinaire), dont 123 pendant les seuls mois d’avril et mai. Dans le monde paysan, on nomme cette fin de printemps la “ soudure ” : période souvent difficile entre la récolte passée en voie d’épuisement et la prochaine encore sur pied. Pendant ces deux mois, il ne se passe guère de jour sans que soient enterrés des “ morts de misère ” ou de “ nécessité ”, dont un grand nombre d'inconnus qui ont fui les villes voisines dans l’espoir de trouver à manger dans les hameaux campagnards. Certains moribonds sont dans un tel état de faiblesse qu'ils en ont perdu jusqu’au souvenir de leur nom. Pour exciter la pitié des riches, les survivants traînent avec eux les cadavres de leurs compagnons morts de faim. La mortalité est telle que certains jours on doit procéder à des enterrements collectifs et anonymes. Voici quelques extraits de ces atroces énumérations, qui remplissent une majeure partie du registre de catholicité consacré à l’année 1694.

« - Le 26 avril, enterré 3 enfants de 8 à 10 ans et 2 grands hommes de 40 à 50 ans, sans y avoir personne pour dire leurs noms.

- Le 27, enterré 2 grandes femmes et 2 petites filles et un petit enfant morts de nécessité

- Le 29, le curé soussigné a enterré 4 personnes dont il ne sait le nom : 3 hommes & une femme & 2 petits enfants…

- Le 30, enterré 4 personnes et 2 petits enfants & encore un homme & une femme sans en savoir le nom.

- Le 11 mai, le curé a enterré dans le cimetière de Paslières des personnes dont il ne sait pas le nom, depuis le 1er mai jusqu'au dixième du même mois, 28 personnes grandes ou petites de différents sexes. »

Autre précieux témoignage, qui permet d’élargir l’angle de vue et de pénétrer dans l’atroce quotidienneté de l’époque : un bourgeois auvergnat relate cette catastrophique année. Il note d’abord la considérable hausse des prix. En particulier, à une époque où le pain fournit l’essentiel de la nourriture paysanne, le “ bled ” (qui valait dix livres le setier en 1693), quadruple l’année suivante. Il en va de même des autres denrées. Aussi, poursuit-il :

« (…) En 1694, les pauvres furent obligés, pour se sauver la vie, de vendre leurs bestiaux, leur meuble de maison, linge, lit, habit, vaisselle, enfin généralement tout ce qu'ils avaient pour garantir leur vie. Enfin je ne crois pas qu'il y ait un homme, si éloquent qu'il puisse être, de pouvoir trouver des termes assez expressifs pour exprimer combien les pauvres peuples souffrirent. (…) Enfin, si les moissons avaient retardé autres quinze jours, il n'y aurait pas eu trois maisons dans cette ville qui eussent mangé du pain, ne pouvant plus trouver du blé à acheter. Il y avait des nombres innombrables de familles dans l’Auvergne qui ne mangèrent pas du pain plus de deux mois, les autres de trois.

Enfin, de plus ou de moins, ceux qui avaient des bestiaux mangeaient le lait ; il y avait grande quantité de lait ; sans cela les paysans (et) bien d'autres seraient morts. On mangeait les fromages que l'on vend, sans pain ; on ne vivait que de caillé de fromage blanc aussitôt que l'on les avait fait. Les pauvres mangeaient de l'herbe dans les près à poignées et surtout de celle qui s'appelle langue de bœuf (buglosse : sorte de bourrache) ; des orties il s'en faisait de la soupe. De voir 1e visage des pauvres il semblait qu'ils avaient demeuré trois mois ensevelis dans la terre ; ils mouraient la plupart de faiblesse dans les rues : l’on fut obligé de taxer les maisons qui étaient en commodité de pouvoir donner 1'aumône dans cette ville, les unes à 10 livres, les autres à 15 livres. (...)

A Clermont (Clermont-Ferrand), on en trouvait dans les corps de garde, tous les jours, 20, 30 de morts sur les fumiers de la ville (décharges publiques), hors la ville, dans les rues ; on administrait les sacrements à ces pauvres qui mouraient de faiblesse. II y avait des charretiers qui ramassaient ces cadavres et, après, ils les portaient dans les corps de garde et l'on les mettait dans le suaire, ensuite de quoi on les ensevelissait. L'on faisait de grandes fosses pour en enterrer plusieurs à la fois. Et quand on donnait à manger à ceux qui demandaient dans les rues, la plupart mouraient d'abord (aussitôt) qu'ils avaient mangé, tellement ils avaient les entrailles serrées. Il faudrait des rames entières de papier pour vous dire et exprimer la terrible misère de cette année.

Du côté d'Ambert, et dans plusieurs autres endroits, l'on faisait sécher la racine de fougère, ensuite on la faisait moudre, et on en faisait du pain que l'on sortait vendre dans la paroisse, les dimanches et autres jours de fête, aux portes des églises ; et les peuples à l'issue de la messe et vêpre, achetaient ledit pain pour s'empêcher de mourir ; on le vendait deux sols pièce ; il pouvait être de la pesanteur d’une livre et demi, car les personnes qui l’ont vu et en ont mangé me l’ont dit à moi-même. (...)

Je vous laisse à penser combien il s'est passé de terribles choses dans les provinces qui souffraient la même misère que nous, et peut-être de plus grandes, comme dans les endroits où l’on ne peut pas nourrir des bestiaux, puisque c'était par le moyen du lait que les trois quarts des peuples des montagnes d'Auvergne se garantirent. II y avait de pauvres petits enfants qui avaient de petits bâtons pointus d'un côté qui désenterraient les fèves et autres légumes après que l'on avait ensemencé les terres. Mais tout le monde était si fortement oppressé par la misère que l’on n'osait pas seulement leur en faire le moindre châtiment ; car les personnes qui l’ont vu dans la Limagne me l'ont assuré, et j'ai trouvé le procédé bien bon de ces personnes que (de) ne pas châtier ces pauvres enfants qui n'avaient (d’) autres intentions que de se pouvoir sauver la vie. (...) »

Manuscrit trouvé dans les papiers de la famille Godivelle de Besse, publié par A. LONGY, Histoire de la ville d'Issoire, Clermont-Ferrand, 1890. (Orthographe rectifiée)

Faut-il rappeler que Charles Perrault publie son conte “ Le Petit Poucet ” à cette époque-là ? “ Il vint une année très fâcheuse, et la famine fut si grande, que ces pauvres gens résolurent de se défaire de leurs enfants… ” Quant au célèbre texte de Jean de La Bruyère (“ L’on voit certains animaux farouches… ”) antérieur à la grande famine de 1694, il dénonce une misère moins exceptionnelle.

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