La Vierge aux rochers

peintures de Léonard de Vinci en deux versions

La Vierge aux rochers (italien : Vergine delle rocce), parfois nommé La Vierge, l'enfant Jésus, saint Jean-Baptiste et un ange, désigne indistinctement les deux versions d'un tableau peint par Léonard de Vinci et destiné à occuper la partie centrale du retable de l'Immaculée Conception aujourd'hui disparu. La première version — actuellement conservée au musée du Louvre à Paris — est créée entre 1483 et 1486 et se voit refusée par le commanditaire de l'œuvre ; la seconde, peinte en deux temps, entre 1491 et 1499 puis entre 1506 et 1508, est effectivement exposée dans le retable avant de rejoindre, à la fin du XIXe siècle, la National Gallery de Londres où elle se trouve toujours. S'il est avéré que le tableau conservé au Louvre est de la main de Léonard de Vinci, l'attribution de celui de Londres est contestée : il pourrait notamment avoir été réalisé par Giovanni Ambrogio de Predis, sous la direction de Léonard. Les deux tableaux sont essentiellement semblables dans leur conception générale, mais diffèrent par certains détails de composition et par leur technique d'exécution.

La Vierge aux rochers
Version détenue par le musée du Louvre.
Artiste
Date
Type
Technique
Lieu de création
Dimensions (H × L)
199 × 122 cm
Mouvements
No d’inventaire
INV 777
Localisation
La Vierge aux rochers
Version détenue par la National Gallery.
Artiste
Date
Entre 1491 et 1499 puis entre 1506 et 1508
Type
Technique
Huile sur panneau de peuplier
Lieu de création
Dimensions (H × L)
189,5 × 120 cm
Mouvement
No d’inventaire
NG1093
Localisation

L’œuvre narre la rencontre entre Marie, l'enfant Jésus et saint Jean le Baptiste dans le havre d'une caverne lors de l'épisode de la fuite en Égypte de la Sainte Famille, au moment du massacre des Innocents. En outre, elle met en scène un personnage d'ange — sans doute Uriel — qui est traditionnellement associé avec Jean. La Vierge aux rochers, qui célèbre les mystères de l'Immaculée Conception et de l'Incarnation, se distingue par son contenu symbolique complexe.

Son commanditaire est la confrérie laïque milanaise de l'Immaculée Conception procédant de l'ordre des franciscains : le tableau est commandé pour occuper le centre d'un retable destiné à la décoration d'une chapelle récemment construite au sein de l'église Saint-François-Majeur de Milan. Le cheminement historique des tableaux n'est pas connu de manière précise, mais selon les hypothèses les plus courantes la première version aurait été vendue par Léonard de Vinci à Ludovic le More pour aboutir, par un jeu de dons, dans les collections du roi de France ; quant à la seconde version, exposée à Saint-François-Majeur jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, elle aurait été cédée par un acheteur anglais à la National Gallery.

La composition est au centre d'un conflit juridique entre le peintre et ses commanditaires pendant près de vingt-cinq ans : la première version aurait été rejetée par la confrérie pour son caractère jugé hétérodoxe car Léonard de Vinci y aurait exagérément mis en avant la figure de Jean le Baptiste au détriment de celle du Christ, suivant la lecture d'un ouvrage gnostique du Nouveau Testament. Pour cette raison, le peintre aurait alors dû procéder à la création d'une seconde version plus conforme à la lecture canonique des Saintes Écritures dans laquelle le Christ tient la place centrale.

Dans cette œuvre, l'artiste déploie toute l'originalité et la maîtrise de son talent : la composition, le traitement de la lumière et le soin apporté à une parfaite reproduction de la nature font que La Vierge aux rochers est unanimement reconnue comme révolutionnaire. De fait, l'iconographie, résolument nouvelle, connaît immédiatement un succès immense, attesté par le grand nombre de copies contemporaines du tableau.

L'œuvre

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La Vierge aux rochers présente un épisode apocryphe de la tradition chrétienne issu du Protévangile de Jacques qui narre la rencontre de Jésus de Nazareth et Jean le Baptiste alors qu'ils sont bébés[1],[2] : le roi Hérode ordonnant le meurtre de tous les enfants de moins de deux ans lors de ce qui sera appelé le « massacre des Innocents », la Sainte Famille fuit en Égypte ; en chemin, la famille rencontre Élisabeth, cousine de Marie, accompagnée de son fils Jean[3]. Selon le texte, ce contact a lieu dans le désert, contrairement à la mise en scène du tableau[4],[5] : il est possible que Léonard de Vinci s'inspire d'une tradition médiévale pour justifier le havre caverneux dans lequel les personnages sont réfugiés[1], à moins qu'il ne s'agisse, pour un peintre qui ne connaît pas le désert, de la représentation la plus pertinente pour représenter l'isolement et le manque d'hospitalité des lieux[2]. En outre, le tableau présente Uriel également évoqué dans le Protévangile de Jacques : cet archange y joue en effet un rôle dans le sauvetage de Jean ; dès lors, les deux personnages deviennent traditionnellement liés[6].

Description

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Comparaison indicative de tailles entre une femme de stature moyenne (165 cm) et la version du Louvre (199 × 122 cm).

À l'origine les deux tableaux étaient portés sur un support identique, des panneaux de bois[7],[3]. Néanmoins, la version du Louvre subit une transposition sur toile au début du XIXe siècle[7]. Tous deux utilisent le même procédé : de la peinture à l'huile[7],[3]. Ils sont à base rectangulaire avec un bord supérieur en forme d'arche[8]. Leurs dimensions, très proches, sont respectivement de 199 × 122 cm[7] et 189,5 × 120 cm[3].

Les œuvres sont très similaires dans les sujets et décors représentés. Ils mettent en scène un groupe de quatre personnages figurés en pied. Une femme identifiée avec la Vierge Marie est située au centre de la composition — ce qui l'établit comme personnage principal de l'œuvre[9]. Elle est agenouillée et fait face au spectateur. Sa main droite est posée sur l'épaule d'un très jeune enfant, Jean le Baptiste, vu de profil, en prière et agenouillé. Son visage, encadré de longs cheveux bouclés, est incliné vers l'enfant. Sa main gauche est étendue au-dessus d'un autre bébé vu de profil et assis : Jésus. Celui-ci fait un signe de bénédiction de la main droite en direction de Jean. Derrière et à la droite de Jésus, se tient un personnage ailé — identifié avec l'archange Uriel —, également agenouillé, en léger contrapposto, vu de dos et le visage tourné en direction du spectateur[7],[10],[11].

Au premier plan, le sol rocheux semble s'arrêter brusquement comme si un gouffre s’ouvrait devant le groupe. Autour, se déploie un paysage caverneux au sein duquel pousse une flore riche et variée. En arrière-plan, la caverne présente deux galeries : celle de gauche s'ouvre sur une étendue d'eau au pied de montagnes embrumées ; celle de droite ne laisse voir qu'une éminence rocheuse[12].

Parmi les différences les plus importantes entre les deux tableaux, il est possible de relever deux éléments : d'une part, le geste de l'ange désignant saint Jean de la main droite, geste présent seulement dans la version du Louvre (et participant d'une « extraordinaire chorégraphie des mains » selon Charles Nicholl[13]) ; d'autre part, les attributs — auréoles et lance en forme de croix — portés par la femme et les bébés, visibles seulement dans la version de la National Gallery[14],[13].

Historique de l'œuvre

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Attribution

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L'attribution de la version du Louvre à Léonard de Vinci fait l'objet d'un large consensus parmi la communauté scientifique et ne pose guère de difficultés, tant la documentation contemporaine de sa création, comme le contrat de commande, est abondante[6],[15]. L'analyse stylistique de l'œuvre confirme tout à fait cette attribution : la coloration florentine des débuts du peintre à Milan dans le traitement des figures est ainsi un élément déterminant[16],[17],[18],[14] ; de même la précision scientifique dans le rendu de la botanique et la géologie qui se déploient dans le tableau est, selon la géologue et historienne de l'art de la Renaissance Ann Pizzorusso, tout à fait propre à Léonard de Vinci[19].

Quant à la version de la National Gallery, son attribution suscite encore des débats au sein de la communauté scientifique : si la maîtrise d'œuvre serait bien de Léonard de Vinci, il en aurait délégué tout ou partie de la réalisation à des assistants. Mais il est très difficile d'en déterminer la proportion. Il est un fait que le tableau correspond à l'évolution stylistique du peintre, ce qui le rattacherait à une période plus tardive de sa carrière[14]. Une majorité de chercheurs considèrent ainsi qu'il serait de la main de Léonard de Vinci assisté de Giovanni Ambrogio de Predis[20],[4] ou des membres de son atelier[3],[19], et notamment Marco d'Oggiono et Giovanni Antonio Boltraffio[21]. Quelques éléments de consensus se dégagent : l'esquisse au pinceau puis une première sous-couche pourraient être attribuées à Léonard comme en témoignent les marques de doigts encore visibles, ce qui correspond à sa manière de travailler[22] ; une seconde couche aurait procédé de Giovanni Ambrogio de Predis[20]. Il semble que tout au long de ce processus de délégation, Léonard de Vinci se soit réservé la possibilité d'intervenir sur des parties voire de les modifier du tout au tout[N 1] : ainsi, le visage et la chevelure de la Vierge seraient de sa main, assisté par son élève Antonio Boltraffio[21] ; enfin, les avis s'accordent pour refuser la réalisation de la végétation et des rochers au maître, l'ensemble étant considéré trop grossier et ne correspondant pas à ses qualités de peintre[19]. Pietro Marani les attribue, ainsi que les corps des enfants, à Marco d'Oggiono, autre assistant régulier du maître[24]. Finalement, les imprécisions voire les erreurs manifestes sur ces derniers éléments conduisent certains chercheurs telle Ann Pizzorusso à refuser l'attribution de la version londonienne à Léonard de Vinci[19].

Le tableau ne porte originellement pas de titre précis comme c'est le cas pour toute œuvre antérieure au XIXe siècle ; il est alors nommé selon sa description[N 2] : « Nostra Donna » (« Notre Dame ») dans une lettre de Léonard de Vinci et Giovanni Ambrogio de Predis à Ludovic le More datant des environs de 1491[6] ou, en 1506, « Imago gloriosissime Virginis Marinis Marie cum filio e Sancto Ioanne Baptista » (« Image glorieuse de la Vierge Marie avec le Fils et saint Jean le Baptiste »)[6].

Le titre donné en français de La Vierge aux rochers est récent puisqu'il n'apparaît qu'en 1830 dans le catalogue du musée du Louvre[7],[N 3]. Ce titre cohabite parfois avec sa version descriptive de « La Vierge, l'enfant Jésus, saint Jean-Baptiste et un ange » comme l'indique l'Institut national d'histoire de l'art[27] ou l'historien de l'art Frank Zöllner[28]. À cet exemple, le titre correspondant au français La Vierge aux rochers s'est imposé dans toutes les langues, notamment en anglais, langue de la National Gallery, institution propriétaire de la seconde version de l'œuvre[29] et il cohabite également avec sa description, comme il est possible de le voir dans le cartel internet de l'œuvre : « La Vierge avec l'enfant saint Jean le Baptiste adorant le Christ enfant accompagné par un ange »[30].

Le commanditaire

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Vue aérienne datant de 1640 de l'église Saint-François-Majeur qui abrite alors le retable de la Vierge aux rochers.

Le commanditaire de l'œuvre est parfaitement identifié : il s'agit de la confrérie de l'Immaculée Conception, une confrérie laïque milanaise se rattachant à l'église Saint-François-Majeur (en italien : San Fransesco Grande)[31],[3],[4]. Comme le nom du bâtiment l'indique, elle procède de l'ordre des franciscains, ordre fondé en 1210 par Saint François d'Assise. Quelques années avant la création de La Vierge aux rochers, une chapelle consacrée à la Vierge Marie et en particulier à l'Immaculée Conception a été créée en son sein[32],[3].

Le choix de représenter Saint Jean Baptiste procéderait du commanditaire, même si le contrat du n'en fait pas explicitement mention : il ne serait pas en effet de la seule initiative de Léonard de Vinci mais émanerait plutôt d'une demande orale de la confrérie[33]. Cette représentation s'explique par le lien très fort que l'ordre franciscain établit entre son fondateur et Jean Baptiste : ce dernier est en effet vu par les membres de l'ordre comme le « vieux François » et est confondu avec le fondateur de l'ordre, le prénom de baptême de saint François d'Assise étant Giovanni[34].

La représentation de la Vierge Marie était quant à elle expressément indiquée sur le contrat de commande. Ce choix correspond à une volonté du commanditaire de s'inscrire sous sa protection : en témoigne le geste protecteur de sa main posée sur le dos du petit Jean Baptiste. Or par ce geste, c'est l'ordre des franciscains qui est placé sous son égide et, par ricochet, la confrérie elle-même. C'est ce que souligne en définitive le geste de l'Ange pointant du doigt le même Jean Baptiste[34].

Contexte de création

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Contexte dans la vie de Léonard de Vinci

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Quatre années avant la création de La Vierge aux rochers, Léonard de Vinci a quitté l'atelier de son maître, Verrocchio, chez qui il travaillait depuis 1469 et qui, comme le rapporte l'historien de l'art et biographe Giorgio Vasari, se serait arrêté de peindre, considérant que son élève le surpassait[N 4]. Puis, demeurant à Florence, il a établi son atelier où il a reçu d'importantes commandes et a bénéficié de l'appui de Laurent le Magnifique[36] : ainsi a-t-il déjà peint des tableaux comme L'Annonciation (vers 1472 – 1475) ou L'Adoration des mages (inachevé, vers 1481).

En 1482, il quitte Florence pour rejoindre la cour de Milan : certainement trouve-t-il l'atmosphère autour de celui qui veut faire de sa cité l'« Athènes de l'Italie » plus propice à la création artistique bien qu'il vienne surtout sur la promesse d'y déployer ses talents d'ingénieur et de musicien[37]. De fait, on ne sait pas s'il s'y rend en tant qu'envoyé de Laurent le magnifique ou en tant qu'invité de Ludovic Sforza dit le More[38]. Quoi qu'il en soit, il semble que les parties contractantes de la création de La Vierge aux rochers se soient connues par l'intermédiaire de ce dernier[17]. Le tableau constitue donc la première commande qu'il reçoit après son installation dans la ville[26].

Au moment de la création de La Vierge aux rochers en 1483, Léonard de Vinci a un peu plus de trente ans[N 5]. Si les frères de Predis, qui travaillent avec lui sur le retable, peuvent être considérés comme des artistes à réputation locale, la renommée de Léonard de Vinci rayonne déjà dans toute l'Italie : c'est ainsi qu'il est le seul à porter le titre de « maître » dans le contrat de La Vierge aux rochers[39],[17],[3],[31],[32]. Malgré cette reconnaissance, Léonard de Vinci n'est pas suffisamment installé à Milan et n'a pas encore les relations lui permettant de recevoir commande pour vivre de son art. La relation puis la collaboration est doublement gagnante pour les deux artistes : Ambrogio de Predis permet à Léonard de Vinci de se faire connaître de l'aristocratie locale grâce à son entregent et Léonard de Vinci apporte son expérience artistique[40].

Deux tableaux antérieurs à La Vierge aux rochers.

Repères chronologiques dans la création de l'œuvre

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Les conditions de la commande sont connues car bien documentées. Néanmoins, malgré la richesse des documents en possession des historiens de l'art, de larges zones d'ombre demeurent sur les aléas que subissent les œuvres durant et après leur création[17].

La création de La Vierge aux rochers s'inscrit dans le cadre de la décoration d'une chapelle récemment construite. En effet, en 1475, le maître local de l'ordre des franciscains prêchant à Saint-François propose de créer une chapelle au sein de l'église Saint-François-Majeur (en italien : San Fransesco Grande). Parallèlement, il fonde une confrérie (italien : scola) laïque, ouverte à tous ceux qui souhaiteraient dédier leurs prières à l'Immaculée Conception[39]. La chapelle bâtie, la confrérie passe commande de fresques le afin d'en décorer la voûte. L'année suivante, un retable de grandes dimensions comprenant en particulier la sculpture d'une Madone est commandée au sculpteur sur bois Giacomo del Maino. Le retable est achevé le [41] et la sculpture de la Madone l'est au plus tard le de la même année[41],[31].

Ce n'est qu'au moment de l'achèvement de ce retable que commande est passée auprès de peintres pour créer les peintures destinées à l'orner. Un contrat est signé devant notaire le entre la confrérie d'une part et, d'autre part, Léonard de Vinci et deux portraitistes et miniaturistes, les frères Evangelis et Giovanni Ambrogio de Predis[32],[17]. Dès le , ils reçoivent cent lires en guise d'acompte[41],[17]. Le reste du paiement est constitué d'un versement mensuel de quarante lires dont le premier a lieu en [17].

La date contractuelle d'échéance de livraison est l'objet de discussions entre les chercheurs car si le contrat indique une échéance au «  » — correspondant à la fête de l'Immaculée Conception —, il n'en précise pas l'année : la plupart des historiens de l'art soutiennent qu'il s'agit de l'année du contrat, soit 1483[17],[42]. Néanmoins, Frank Zöllner, rappelant les vingt-quatre à trente mois qui avaient été estimés nécessaires pour la réalisation de l’Adoration des mages quelques années auparavant, considère que ces sept mois constituent un délai insuffisant pour une réalisation d'une telle ampleur ; de plus, « les modalités de paiement des différents versements induisent […] une période de réalisation d'environ 20 mois » : il est donc possible de repousser cette échéance d'une année pour [41]. De fait, le tableau aurait été effectivement totalement achevé début 1485[43],[13] voire en 1486[4],[41],[44].

À partir de ce moment, les documents deviennent plus lacunaires et les dates, plus incertaines : on ne trouve guère qu'une lettre datable d'entre 1491 et 1494 dans laquelle les peintres demandent intercession auprès de Ludovic le More pour obtenir un complément de salaire. Sans succès, semble-t-il car il paraîtrait que le tableau soit vendu à un tiers durant cette même période[31] : l'hypothèse majoritaire et la plus ancienne est qu'il est alors acheté par Ludovic le More à l'occasion du mariage qui a lieu en 1494 entre sa nièce Blanche-Marie Sforza et l'empereur Maximilien Ier[13],[45].

Les commanditaires n'ayant pas reçu l'objet de leur commande, la seconde version du tableau (celle qui est actuellement exposée à Londres) semble être entamée dans cette même décennie : entre 1491 et 1499 selon le propriétaire actuel, la National Gallery[3],[31], entre 1493 et 1495 pour Sara Taglialagamba[14], 1493 et 1499 pour Charles Nicholl[46] et voire à partir de 1495 selon Séverine Laborie[4]. Quoi qu'il en soit, cette seconde version semble encore demeurer à l'état d'ébauche en 1499 au moment où Léonard de Vinci quitte Milan pour Venise[46]. En 1503, bien que toujours inachevée, cette seconde version serait exposée dans la chapelle de l'église Saint-François-Majeur[31]. Les 3 et de cette même année, les artistes déposent une nouvelle requête, adressée au roi de France cette fois, demandant de nouveau un complément de salaire[47]. Néanmoins, le , des arbitres mandatés par la confrérie constatent que l’œuvre n'est pas finie et donnent deux ans aux artistes pour achever leur travail. Cette échéance est respectée puisque, le , ces derniers peuvent enfin signer un certificat de fin de travaux et recevoir un paiement final[3],[31],[42]. Cette seconde version de La Vierge aux rochers demeure exposée à San Francesco Grande jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, lorsqu'elle est vendue et apportée en Angleterre[7],[31],[47]. Quelques années plus tard, en 1806, l'église San Francesco Grande jugée vétuste et dangereuse est détruite et la caserne Garibaldi est érigée à son emplacement[48].

Le contrat

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Schéma du retable selon les hypothèses de Carlo Pedretti[11], de Malaguzzi-Valeri[49], Frank Zöllner[50] et Gerolamo Biscaro[39], d'après le contrat de commande[N 6].

1) Panneau de La Vierge aux rochers
2) Panneaux latéraux représentant des anges musiciens
3) Scènes de la vie de la Vierge[52]
4) Scènes de la vie de la Vierge[39]
5) (Inconnus)[N 7]
6) La Vierge avec une gloire d'anges[6],[39]
7) Représentation de Dieu le Père avec une gloire de Séraphins[52],[39].

Le contrat, daté du , est signé à Milan devant le notaire Antonio di Capitani, juriste habituel de la confrérie depuis la fondation de cette dernière en 1475[39]. Il s'agit d'un document, selon les chercheurs, d'accessibilité assez difficile : en effet, il est physiquement endommagé par une humidification importante de sa partie supérieure ; par ailleurs, il y est fait usage de latin et lombard, ce qui rend sa compréhension parfois incertaine ; de plus, le texte est construit de manière assez désordonnée ; enfin, beaucoup d'informations qu'il aurait dû contenir ne sont évoquées que de façon parcellaire voire tues car elles ont fait l'objet, selon toute vraisemblance, d'une entente orale préalable entre les parties[39],[17],[53].

Comme l'indique la mention permettant l'indexation du document parmi les minutes du cabinet du notaire[N 8], il établit la relation entre la confrérie milanaise de l'Immaculée Conception d'une part et, d'autre part, les artistes Léonard de Vinci et les frères Ambrogio et Evangelista de Predis.

La création de La Vierge aux rochers s'inscrit dans le cadre de la décoration d'une chapelle dédiée à l'Immaculée Conception au sein de l'église Saint-François-Majeur de Milan[39]. En 1482, le sculpteur sur bois Giacomo del Maino (avant 1469 - 1503 ou 1505) livre un retable de grandes dimensions qui reste à décorer[41] : l’intervention de Léonard de Vinci et des frères de Predis consiste ainsi en un travail de dorure et d'ornementation de ses parties sculptées et par la création de peintures sur les panneaux qu'il doit supporter[39],[41]. La répartition des tâches entre les trois artistes ne fait l'objet d'aucune mention particulière dans le texte, mais les historiens de l'art s'accordent unanimement pour estimer que, en tant que « maître », Léonard a dû se charger du panneau principal du retable (le tableau de La Vierge aux rochers)[N 9], qu'à Ambrogio, en tant que peintre de cour, a dû échoir la création des deux panneaux latéraux (les deux Anges musiciens) et qu'Evangelista, miniaturiste considéré par les chercheurs comme moins habile que ses deux collègues, a dû assumer le travail de décoration du cadre[32],[11],[17],[39].

L'aspect financier constitue une part importante du contenu du contrat. C'est ainsi que, d'une part, il détaille la valeur des matériaux devant être utilisés par les artistes : prix et lieu d'achat de l'or pour les dorures et usage de bleu outremer, notamment pour les vêtements de la Vierge[54]. D'autre part, la rétribution des artistes y est précisée : somme qui leur est attribué au total (800 lires), valeur de l'acompte (100 lires), montant et durée des versements mensuels (40 lires jusqu'à fin ). Enfin, promesse est faite aux peintres du paiement d'une cagnotte complémentaire à la fin des travaux[55]. Ce dernier point constitue un élément fondamental de compréhension de l'historique de l'œuvre car cette somme est laissée à l'appréciation des membres de la confrérie, qui sont donc juges et partie dans l'affaire. Or le faible montant effectivement proposé aux artistes semble devoir expliquer le litige opposant par la suite les contractants et éclaire sur la vente de la première version de La Vierge aux rochers à un autre acheteur[17].

Le contrat prescrit comme date d'achèvement du travail la fête de l'Immaculée Conception, soit le [39]. Néanmoins, l'année n'est pas précisée, ce qui autorise à émettre deux hypothèses : 1483 — soit après seulement 7 mois de travail — pour Gerolamo Biscaro ou Charles Nicholl[39],[17] ou 1484 — soit après 19 mois de travail — pour Frank Zöllner[55].

Le contrat est très précis sur les aspects techniques de la création. Ainsi les dimensions des panneaux sont strictes puisque ces derniers doivent s'insérer au sein d'un meuble déjà construit, d'où les dimensions quasi-similaires des deux versions de La Vierge aux rochers[17]. Il prescrit par le détail l'emploi de peinture à l'huile et de vernis, de couleurs particulières pour les vêtements et les carnations ainsi que l'usage et la localisation des matériaux précieux[53]. Enfin, les commanditaires proscrivent de façon expresse l'usage de nouvelles techniques et les peintres s'engagent à garantir que l'œuvre serait en bon état pour les dix années suivantes[39].

Panneaux des Anges musiciens encadrant La Vierge aux rochers sur le retable.
(Entre 1490 et 1499, National Gallery à Londres)

Quant aux figures proprement dites, le contrat prescrit une représentation de la Vierge accompagnée de Jésus bébé (thème récurrent en peinture appelé « Vierge à l'Enfant ») et entourée d'un groupe d'anges et de deux prophètes. Si ces derniers ne sont pas identifiés, Gerolamo Biscaro propose comme hypothèse qu'un d'entre eux serait Isaïe : en effet, ce dernier est traditionnellement associé à la Vierge, puisque la lecture médiévale de la Bible le considère avoir annoncé la naissance du Christ[39] :

« C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe,
Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils. »

— Isaïe 7, 14[60],[N 11].

De fait, les chercheurs n'ont trouvé aucune mention écrite de saint Jean Baptiste. Sur ce point, l'historien de l'art Frank Zöllner pense néanmoins que cette figure — figure tutélaire de la confrérie — fait l'objet d'un accord oral avec le commanditaire[53]. Enfin, le contrat prescrit la représentation de montagnes et de roches parmi lesquelles les personnages évolueront[62].

Une commande non livrée

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Finalement, malgré un achèvement en 1485[43],[13] ou au plus tard en 1486[4],[41] — soit quasiment pour la date prescrite par le contrat —, La Vierge aux rochers n'est pas livrée par Léonard de Vinci. En effet, l'œuvre devient dès cette époque le centre d'un conflit juridique destiné à durer près de vingt-cinq ans[42].

La tradition considère que la confrérie l'aurait refusée car elle aurait été mécontente du non-respect des clauses du contrat[4],[63]. En effet, l'écart est flagrant entre les demandes formulées dans ce dernier et la réalisation effective des peintres : dans La Vierge aux rochers, Léonard de Vinci représente un ange en lieu et place des deux prophètes demandés, de même qu'il ne porte aucune des couleurs prescrites sur les vêtements — en particulier, ceux de la Vierge ; pareillement, sur les panneaux latéraux Ambrogio de Predis ne figure que deux des quatre anges musiciens[63],[17]. Les historiens de l'art avancent plusieurs raisons pour ce non-respect : la liberté artistique à laquelle serait attaché Léonard de Vinci mais aussi le fait que le peintre aurait commencé son travail avant même d'en avoir reçu la commande effective[N 12],[17]. Pour autant, l'explication du mécontentement ne tient pas : de telles différences ne se révèlent pas exceptionnelles dans le cadre de telles réalisations ; par ailleurs, dans nul document, les membres de la confrérie ne s'en plaignent, pas plus qu'ils ne s'en servent comme argument juridique contre les artistes[63].

Il semble que le litige entre les parties relève du refus d'un contenu jugé hétérodoxe par les commanditaires. Plusieurs éléments tendraient à le confirmer : la lésine, d'abord, dont ils font rapidement preuve — à la fin du mois de , les artistes n'ont pas encore reçu la totalité des 800 lires promises mais 730[41] — montrerait en effet leurs hésitations quant à la réception de l'œuvre[5]. Leur refus rapide malgré leur engagement contractuel de réévaluer une somme complémentaire en faveur des artistes le confirme : de fait, les artistes jugent les 25 ducats trop faibles car ceux-ci ne couvrent même pas les frais engagés pour l'achat des matériaux de décoration[3],[64],[13],[47]. L'idée des artistes de vendre l'œuvre à un tiers a donc pu représenter de fait une menace implicite envers les commanditaires pour les obliger à payer les 100 ducats demandés[64]. Dès lors, il est possible de considérer que la question financière aurait constitué un moyen de pression mutuel utilisé par les deux parties[5],[64]. Pourtant cette vente a bien lieu dès 1491 et le fait qu'elle ne fasse l'objet d'aucune contestation de la part de la confrérie pourrait confirmer en creux son refus définitif de cette première version[5]. Enfin, la création de la seconde version modifiant les éléments les plus équivoques de la première constituent un dernier argument convaincant : un point de vue plus resserré sur les protagonistes, la prééminence retrouvée de la figure du Christ, l'élimination du geste de la main de l'ange, l'abandon du sourire ambigu de ce dernier et l'ajout des attributs traditionnels de Jean comme la peau sont autant d'indices a posteriori pour les chercheurs[13],[65],[66].

Devenir des deux œuvres

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Version du Louvre

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Portrait de Ludovic le More à l'époque où il pourrait avoir acquis le tableau (Détail du Madonna con il Bambino, i dottori della Chiesa e la famiglia di Ludovico il Moro, Maître de la Pala Sforzesca, 1494-1495, Milan, pinacothèque de Brera).

Le devenir de La Vierge aux rochers à partir du début des années 1490 fait l'objet d'hypothèses contradictoires : À qui Léonard de Vinci l'a-t-il vendu ? Quel a été le cheminement de l'œuvre pour parvenir dans les collections royales françaises ?

D'emblée, il semble exclu que Léonard de Vinci ait apporté le tableau avec lui dans la France de François Ier en 1516 comme il le fait avec La Joconde, aucun indice ou témoignage ne l'indiquant[67].

Selon l'hypothèse la plus couramment rapportée par la littérature scientifique, Léonard aurait vendu le tableau à Ludovic le More qui l'aurait offert comme cadeau à l'occasion du mariage entre sa nièce Blanche-Marie Sforza et l'empereur Maximilien Ier, à Innsbruck en 1494 : le biographe Antonio Billi, contemporain de Léonard de Vinci, rapporte ainsi que ce dernier a réalisé un retable pour le More à cette période, or le seul retable créé par l'artiste à Milan est précisément La Vierge aux rochers[13]. Trente-cinq ans plus tard, le tableau aurait été offert à Éléonore de Habsbourg, petite-fille de Maximilien Ier, lors de son mariage avec François Ier en 1530[68].

Une deuxième hypothèse propose un achat ou une confiscation par Louis XII pendant les guerres d'Italie : soit début lors de la deuxième guerre d'Italie lorsqu'il conquiert Milan[69] ; soit vers 1500-1503[4] ; soit, enfin, en 1508 au cours de la quatrième guerre d'Italie[70].

Selon une dernière hypothèse, le tableau est confisqué par Charles II d'Amboise en 1508, à un moment où le maréchal de France entretient des rapports d'admiration avec le maître italien[69].

Il est avéré que le tableau appartient aux collections royales françaises dès le XVIe siècle comme tendrait ainsi à le montrer le fait que Maître Claude en dessine une reproduction inventoriée en 1517[70]. Néanmoins, la première preuve de sa présence dans ces collections remonte à 1625 lorsque l'érudit et collectionneur d'art Cassiano dal Pozzo rapporte l'avoir observé au château de Fontainebleau[46],[71] ; puis il est plus officiellement authentifié lorsqu'il est inventorié en 1627 dans les collections du roi de France[4].

Le tableau est, selon les observateurs, dans un état de conservation médiocre : il souffre d'une couche picturale très fine ; source de fragilité, il subit une transposition du bois sur une toile en 1806[7] ; il présente de nombreux repeints, notamment dans les rochers[6] ; et la couche de vernis a, selon Frank Zöllner, « fortement jauni », ce qui rend « plus difficile la lisibilité du tableau »[6]. De fait, ce sont notamment les parties sombres du paysage qui sont en mauvais état ; en revanche, les figures sont plus lisibles car mieux préservées[6].

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Quant à la seconde version de l'œuvre, celle-ci est exposée dans le retable auquel elle était destinée dès 1503, bien qu'elle soit inachevée. Elle se trouve alors dans la chapelle de l'Immaculée Conception de l'église Saint-François-Majeur[31]. En 1576, la chapelle est démolie et le retable entier est déplacé dans l'église et subit concomitamment des modifications de structure[72]. Il y demeure jusqu'en 1781. En effet, à cette date, la confrérie est dissoute et la confrérie Sainte Catherine de la roue hérite de tous ses biens, dont La Vierge aux rochers[71],[31]. En 1785, le tableau est vendu au marchand d'art et peintre néo-classique écossais Gavin Hamilton qui la rapporte en Angleterre[73]. Par la suite, après avoir appartenu aux collections de Lord Landsdown puis des comtes de Suffolk, la National Gallery en fait l'achat en 1880 pour la somme de 9 000 livres[31],[3],[73].

Le tableau est considéré en bon état de conservation par les conservateurs[31]. Au cours de son expertise, l'historien de l'art Pietro Marani relève que deux trous de part et d'autre du cou de la Vierge ont subi un rebouchage au plâtre puis ont été recouverts d'une couche de peinture : ils pourraient ainsi constituer la trace des clous ayant permis de supporter un collier offert à la Confrérie par un particulier dès 1483 à la condition de l'exposer ainsi[74]. Par ailleurs, il est envisagé que certains éléments de l'œuvre — les auréoles et la croix — seraient en fait des rajouts, postérieurs au XVIIe siècle : une copie réputée fidèle réalisée par le peintre Andrea Bianchi, dit « il Vespino », datée du premier quart du XVIIe siècle et exempt de ces symboles, tendrait ainsi à le prouver[75].

Le tableau bénéficie de plusieurs restaurations après son arrivée en Angleterre : une première peu de temps après son acquisition, à la suite de laquelle résulterait un amincissement de la couche de vernis. Une restauration plus poussée et un nettoyage que Pietro Marani qualifie volontiers de « brutal »[76] ont ensuite lieu au cours des années 1948-1949 sous la direction d'Helmut Ruhemann[31]. Enfin, la dernière restauration a lieu entre novembre et sous la direction de Larry Keith, restauration qui poursuit un but uniquement esthétique et prouve a contrario le bon état de conservation de l'œuvre[N 13],[77].

Création

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Sources d'inspiration

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La première source d'inspiration pour Léonard de Vinci semble émaner de la lecture d'un ouvrage gnostique et mystique intitulé l'Apocalypsis Nova (conservé à la bibliothèque Ambrosienne à Milan). Son auteur, Amadeo Mendes da Silva (v.1420-1482), est un religieux portugais catholique, réformateur de l'ordre des franciscains et ayant exercé son ministère à Milan. Il s'agit d'un ouvrage dans lequel l'auteur affirme la primauté des figures de Marie et Jean-Baptiste dans le mystère de l'Immaculée Conception. Outre les parallèles entre les œuvres, les chercheurs s'appuient sur une note laissée par le peintre sur un de ses feuillets de travail pour considérer qu'il a bien eu ce manuscrit entre les mains. Cette lecture, enfin, pourrait lui avoir été conseillée par un membre de la confrérie, Amadeo Mendes da Silva ayant été proche des franciscains comme en témoigne son séjour dans le couvent milanais de l'ordre entre 1454 et 1457[78],[5].

Sur un plan formel, il semble que Léonard de Vinci ait créé la disposition entre Jésus et Jean Baptiste en s'inspirant d'un retable en marbre réalisé par le sculpteur Mino da Fiesole vers 1464-1466 dans la cathédrale de Fiesole à Florence[1]. Quant au paysage rocheux, il pourrait s'inspirer à la fois du tableau L'Adoration dans la forêt de Fra Filippo Lippi (v.1459) et du panneau central d'un retable d'Andrea Mantegna, L'Adoration des Mages (1460), les deux peintres plaçant la Vierge au sein d'une grotte[2].

Études et cartons

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La disposition des personnages dans le tableau se retrouve dans le dessin du centre issu des Études pour une Madone adorant l'Enfant Jésus (Léonard de Vinci, vers 1482-1485, New York, Metropolitan Museum of Art, no  d'inventaire 171421).

L'esprit de Léonard de Vinci est sans cesse en mouvement et ses œuvres s'alimentent souvent les unes des autres. Ainsi, sur le plan de la composition, le peintre utilise une disposition entre les personnages et le jeu des mains qu'il établit pour le projet de création d'une Madone adorant l'Enfant Jésus[1],[79].

Les études subsistantes de la création de la version du Louvre de La Vierge aux rochers.

Seules trois études pour la version du Louvre nous sont parvenues : conservée à la bibliothèque royale de Turin et réalisée entre 1483 et 1485, se trouve une Tête de jeune femme, considérée comme une étude préparatoire à la tête de l'archange Uriel[80],[81]. Une tête d'enfant de trois quarts à droite constituant une étude pour la tête de Jean Baptiste bébé est conservée au département des arts graphiques du musée du Louvre et datée vers 1482/1483. Elle est décrite par son propriétaire actuel comme « piqué pour le transfert » : il se peut donc qu'il s'agisse d'un carton pour la réalisation de l'œuvre aux dimensions de laquelle il correspond[82],[81],[83],[N 14]. Enfin, une étude pour la main droite de l'ange est conservée au château de Windsor dans la Royal Library. Néanmoins, son attribution et sa datation sont discutées par les chercheurs : son propriétaire l'attribue à un suiveur de Léonard de Vinci et la date vers 1517-1520[85], tandis que Franck Zöllner et Johannes Nathan la datent vers 1483 et l'attribuent au peintre[86],[N 15].

Étude pour la création de la version
de la National Gallery de La Vierge aux rochers.
 
Étude de drapé pour l'ange agenouillé (vers 1508, Londres, château de Windsor, Royal Library, inv. RCIN 912521).

De la version de la National Gallery ne nous sont parvenus que très peu d'études. Ainsi les chercheurs n'en recensent avec certitude qu'une seule, un drapé au niveau de la jambe pour l'ange Uriel datant de 1508 et conservée au château de Windsor dans la Royal Library[87],[81],[88].

Processus de création

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Image externe
  Représentation des tracés initiaux, retrouvés sous la couche picturale grâce à l'imagerie scientifique, en 2005 et en 2019 (site de la National Gallery).

Les historiens de l'art présentent volontiers le travail de création de la part de Léonard de Vinci sur ses œuvres en général et sur La Vierge aux rochers en particulier comme extrêmement long : il dépend en effet d'un long processus de conception, car le peintre ne « saisit le pinceau qu'une fois son sujet maîtrisé, repensé, après avoir opéré une révolution en esprit »[89].

Néanmoins, le peintre fait encore preuve d'hésitations sur le chevalet. Ainsi, la version du Louvre est porteuse de nombreux repentirs révélés par l'imagerie scientifique : les plus significatifs concernent le regard de l'ange qui n'était initialement pas tourné vers le spectateur et surtout sa main qui ne désignait pas, dans un premier temps le petit Jésus[90].

Intervient ensuite le long processus de production, marqué par, en particulier, d'importants temps de séchage entre les nombreuses couches[89].

Enfin, l'analyse par imagerie scientifique réalisée en 2005 puis en 2019 sur la version londonienne de l'œuvre montre une intense hésitation sur la composition de cette nouvelle proposition : ainsi, dans un crayonné initial, l'ange enlaçait et couvait du regard l'enfant Jésus sur la partie droite du tableau ; de même, la position de la Vierge était différente du choix ultime. De fait, le maître choisit finalement de reprendre la composition utilisée quelques années plus tôt dans la version du Louvre, sans que les chercheurs sachent exactement pourquoi[91],[92].

Analyse

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Composition

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Composition de La Vierge aux rochers détenue par le musée du Louvre : en bleu, délimitations de la composition « en pyramide » ; en vert, croix résultant des liens entre les mains ; en jaune, regard des protagonistes.

La composition des deux versions de La Vierge aux rochers est dite en « pyramide » par les chercheurs qui la décrivent, une pyramide au sommet de laquelle se trouve la Vierge et dont les côtés sont soulignés par les gestes et regards de cette dernière : son bras droit qui entoure le buste du petit Jean et son bras gauche prolongé par le drapé dans le dos de l'ange[93],[94]. De fait, le dernier sommet de la base de cette pyramide est constitué par l'œil du spectateur, dont le regard est au centre de la perspective[95].

Dans la première version, la composition de la scène se bâtit également sur le jeu des regards et des gestes[93] qui induisent notamment deux lignes fortes : une verticale constituée des trois mains, du bas vers le haut, du petit Jésus, de l'ange et de la Vierge[1],[96] et une horizontale construite par le doigt de l'ange pointé sur Jean[96]. Il en résulte une croix participant du récit de l'œuvre[94],[97].

Les gestuelles et postures donnent une forte dynamique au tableau[93], comme c'est notamment le cas avec Marie dont la rotation du buste suit le mouvement du bras et du regard sur Jean en même temps qu'elle étend sa main gauche sur Jésus[98].

La Madone est placée vers le centre du tableau[1], et en particulier, son visage, qui est également le point de rencontre de plusieurs diagonales[99] ; de même, la broche qu'elle porte est au centre géographique du tableau[99]. Deux autres lignes convergent également vers Jean : les regards de Marie et de Jésus dans sa direction, ce dernier étant souligné par son geste de bénédiction[1],[98]. La composition de cette première version semble donc rejeter la figure de Jésus à la périphérie du centre d'intérêt de l'œuvre[65]. Par l'usage de ces éléments de composition, la volonté du peintre est donc bien de diriger l'attention du spectateur sur les figures de la Vierge et du petit saint Jean-Baptiste, ce qui conforte l'idée d'une création suivant l’Apocalypsis Nova d'Amadeo Mendes da Silva[5].

Dans une volonté manifeste de se conformer à la vision plus orthodoxe de la confrérie, Léonard de Vinci réarrange en profondeur mais de façon subtile la composition de la seconde version du tableau qui demeure pourtant grandement semblable à la première version. Les figures y sont agrandies au sein de la grotte et il élimine les geste et regard de l'ange[65] : de fait, la composition acquiert, selon Alberto Angela, « un aspect plus monumental [que celle du Louvre], presque sculptural » [96] en même temps qu'elle réintègre la figure de Jésus au sein de la narration[65].

Enfin, plusieurs plans de profondeur agencent les deux œuvres : au troisième plan, le décor d'une grotte s'ouvre sur un paysage contenant une étendue d'eau et surmonté d'un ciel bleu[1]. Devant, les quatre personnages habitent tous le même second plan[93]. Dans la version du Louvre, c'est notamment à ce niveau que se trouve l'ange qui, par son regard, invite le spectateur à pénétrer dans la scène[98],[100] et assure ainsi une transition entre l'intérieur et l'extérieur du tableau[99]. Enfin, au premier plan, les tableaux présentent un gouffre présentant paradoxalement une césure entre la scène et le spectateur[12].

Sfumato et couleurs : une œuvre révolutionnaire

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La Vierge aux rochers est un tableau considéré comme révolutionnaire par nombre d'observateurs, notamment par les techniques de rendu de la lumière et des couleurs. En effet, le peintre choisit de faire abstraction des coloris les plus vifs qu'adoptaient volontiers ses devanciers primitifs. Ainsi choisit-il d'user de couleurs plus neutres et plus nuancées — couleurs pâles et tirant sur le gris, nuances d'ocres et de gris notamment[101] —, conférant à l'œuvre une atmosphère crépusculaire[102]. De plus, cette production joue sur les ombres et non sur le contour, selon ce que l'artiste théorisera par la suite sous le nom de « sfumato »[3],[N 16]. L'invention de Léonard de Vinci « qui consiste à plonger la scène dans l'ombre »[26], lui permet ainsi de rompre avec la production en vogue à Florence : le modelé léonardien au moyen des ombres et de la tonalité prend le pas sur le trait — le « sentiment » florentin[101]. C'est ainsi qu'Eugène Müntz s'enthousiasme volontiers devant cette « science du modelé et […] du coloris » qui transparaît dans l'œuvre[93]. Il en résulte une implication du spectateur que l'historienne de l'art Katy Blatt rapproche volontiers de l'expérience moderne de l'immersion en réalité virtuelle. En effet, le tableau possède la qualité jamais vue auparavant de le faire pénétrer dans la scène par le rendu du modelé tout à fait réaliste des chairs des personnages, de leurs vêtements ou de la matière composant les rochers et les autres éléments naturels[104], ainsi que par l'impression de profondeur dans le paysage rendu par la perspective aérienne mise en œuvre[105],[N 17]. De plus, il convient d'appréhender l'environnement de l'œuvre : celle-ci est exposée au sein d'une chapelle qu'il faut volontiers imaginer obscure, éclairée par des bougies, et qu'il est possible de considérer comme le prolongement du décor caverneux dans lequel la scène est plongée[104].

Quant à la version londonienne, Léonard de Vinci procède selon un même contraste entre tons et lumières : mais là où la version du Louvre présentait des carnations aux couleurs chaudes s'opposant aux couleurs froides du fond, celle de Londres propose des carnations aux couleurs froides sur un fond porteur de couleurs chaudes[96], ce qui attribue au coloris « le tranchant du clair de lune. »[102]. De fait, le tableau de la National Gallery confirme l'évolution technique et artistique du peintre : au même titre qu'il amende sa composition, Léonard y révise ses tonalités [75],[94] et, finalement, cette évolution se traduisant par des couleurs plus vives, plus fluides et plus naturelles participe d'une narration renouvelée[106].

Une représentation fidèle de la nature

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Le tableau de La Vierge aux rochers, et notamment sa version du Louvre, est unanimement reconnu par les observateurs pour sa représentation fidèle, quasi-scientifique, de la nature[107]. Il présente en effet un paysage fouillé qui respecte parfaitement l'implantation naturelle des éléments floraux selon la géologie, l'étagement et l'humidité qu'il est possible de trouver au sein d'une grotte[19],[4]. Ainsi, les roches entourant les personnages sont tout à fait reconnaissables : diabase et grès formant un chaos granitique[19]. Parmi les fleurs, il est possible d'identifier une ancolie commune (Aquilegia vulgaris), un gaillet, des cyclamens, une primevère, de l'Acanthe à feuilles molles, du millepertuis[9] ainsi que des iris et de la polémoine bleue[19]. La version de la National Gallery comporte d'autres plantes, telles l'ornithogale d’Arabie, connue sous le nom d'étoile de Bethléem, la pensée sauvage ou des feuilles de palmier[3].

 
Un exemple d'étude pour plante postérieure à la création de l'œuvre, ici, en haut, de l'ornithogale d’Arabie dite aussi « étoile de Bethléem » et, en bas, une Euphorbia sp. (cf. E. biumbellata), illustrant la précision à laquelle s'astreint le peintre (entre 1505 et 1507, mine et encre rouge sur papier, Londres, Royal Library).

Cette attention correspond en effet aux prescriptions du maître quant à la haute précision de la représentation de la nature à laquelle le peintre doit s'astreindre pour prétendre réussir son œuvre : « Peintre, tu devrais savoir que tu ne peux pas être bon si tu n'es pas un maître assez universel pour imiter avec ton art toute sorte de forme naturelle. »[108],[109]. C'est ainsi que le biographe et historien de l'art presque contemporain de Léonard de Vinci, Giorgio Vasari, rapporte le soin avec lequel celui-ci dépeint les éléments naturels : « On confia à Léonard un carton d'après lequel on devait exécuter en Flandre une portière, tissée de soie et d'or, destinée au roi du Portugal. Ce carton représentait Adam et Ève dans le paradis terrestre, au moment de leur désobéissance. Léonard dessina en grisaille, et à la brosse, plusieurs animaux dans une prairie émaillée de mille fleurs, qu'il rendit avec une précision et une vérité inouïes. »[110]. Ce goût proviendrait d'une vénération particulière de la part du peintre de la nature qu'il nomme volontiers « maître des maîtres »[9]. Ces représentations sont issues de longues séances d'observations des plantes dans la région de Milan et dans les Alpes italiennes[109].

Néanmoins, la version de Londres contiendrait des plantes dont la représentation est inexacte ou qui n'existent simplement pas[19] telle cette jonquille dont la fleur est conforme à la réalité mais dont la plante qui la porte est morphologiquement inexacte[19]. De fait, il s'agit d'un indicateur sur lequel s'appuient les chercheurs pour authentifier la version du Louvre et, à l'inverse, pour disqualifier une production d'une main entièrement léonardienne de la seconde version. C'est ce qu'affirme ainsi dans ses recherches récentes la géologue et historienne de l'art Ann Pizzorusso pour qui le contraste entre le réalisme et la précision de la version du Louvre et les inexactitudes de celle de Londres implique que Léonard de Vinci ne peut être l'auteur de cette dernière[19]. De son côté, la National Gallery explique ces différences entre les deux tableaux par « des procédés totalement naturalistes pour donner au tableau [du Louvre] une saveur spirituelle », tandis que le moindre réalisme de la version londonienne correspondrait à « un monde idéal créé avant la création physique de notre propre cosmos imparfait. »[111].

Narration

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Partie de la narration commune aux deux versions

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La Vierge aux rochers évoque entre-autres la Crucifixion du Christ (Le Pérugin, Crucifixion, vers 1482, Washington D.C., National Gallery of Art).

En cohérence avec les demandes faites dans le contrat par le commanditaire, le tableau narre ce moment où la Sainte Famille et celle de Jean se réfugient pour la nuit après leur rencontre dans le désert, lors de la Fuite en Égypte au moment du massacre des Innocents[1],[2],[N 18]. Pour ce faire, le peintre insiste sur l'isolement des personnages, thème qui devient par là même dominant dans l'œuvre : cet isolement se manifeste notamment au travers de ce fond caverneux les entourant et ce précipice à leurs pieds[12].

Pour autant, un ensemble complexe de symboles et de métaphores dont les significations, parfaitement transparentes pour les plus cultivés des contemporains du peintre, ouvre à d'autres lectures possibles de La Vierge aux rochers[3],[9]. Le tableau convoquerait ainsi le thème de l'Immaculée Conception[1],[N 19] : le peintre attribue pour cela à la figure de la Vierge Marie une place prépondérante dans la composition, au centre du tableau et au sommet du triangle formé par les quatre personnages[1]. Toute une symbolique florale se déploie alors dont le but est de souligner sa pureté et sa gloire : de l'ancolie « colombine » est représentée dans la version du Louvre, qui évoque la colombe du Saint-Esprit présente lors de l'Annonciation[9] ; de même, dans la version de la National Gallery, de l'étoile de Bethléem apparaît, qui symbolise pureté et expiation, de même des feuilles de palmier sont visibles au niveau de la tête de Jean-Baptiste, qui, à la fois, se rapportent à Marie et constituent un symbole de victoire[3]. Par ailleurs, la caverne et les montagnes aux roches façonnées et modelées par la nature confirment ces qualités mariales : les roches sont en effet comprises à cette époque comme la métaphore de Marie puisque celle-ci est considérée alors comme une « pierre scindée par une main non humaine » (en latin : lapis sine manu caesus, lapis abscissus de monte) et comme la « montagne éminente, intacte, cristalline et la cavité dans les montagnes » (en latin : montagna excelsa, intatta, cristallina, cavità nella montagna)[12],[3]. Enfin l'eau renverrait à la Vierge et à sa pureté, le latin « mare » étant alors parfois proposée par certains exégètes contemporains de Léonard de Vinci comme étymologie du nom « Marie »[12].

Le tableau constituerait enfin une réflexion sur le mystère de l’Incarnation et une évocation de la Passion future du Christ — même si dans la version du Louvre celui-ci semble quelque peu rejeté hors du centre d'intérêt du spectateur[4]. Elle apparaîtrait en effet notamment à travers la représentation du personnage jambes croisées, les pieds posés l'un sur l'autre, évoquant ainsi l'image de la crucifixion[98]. La présence d'un précipice aux pieds des personnages semble augurer le drame à venir[4]. Cela apparaît formellement dans l'œuvre du Louvre à travers la croix formée par le geste horizontal de l'ange et la ligne verticale formée par les mains de la Vierge, l'ange et Jésus[94],[97]. La présence de la figure de Jean tend dès lors à confirmer cette lecture : en tant que Précurseur du Messie[N 20], il est celui qui entrevoit déjà la Passion que vivra son compagnon[4].

Une mise en avant de la figure de Jean dans la version du Louvre

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La figure de Jean le Baptiste demeure encore une source d'inspiration pour Léonard de Vinci des années après La Vierge aux rochers (Léonard de Vinci, Saint Jean Baptiste, 1513-1516, Paris, musée du Louvre, inv. 775).

Les chercheurs s'accordent : le tableau est censé illustrer le mystère de l'Immaculée Conception. Cela explique pourquoi la figure de Marie est prépondérante au sein de la composition[18],[48]. Néanmoins, tous observent également que, dans la version du Louvre, la figure de Jean prend le pas sur celle de Jésus : par l'usage des éléments de composition, d'abord, en décentrant la figure de ce dernier[65] et en le plaçant plus bas que Jean[98] ; par le geste explicite de l'ange également qui désigne du doigt le petit Jean[48],[98]. À l'inverse, plusieurs symboles renforcent l'importance de ce dernier comme le millepertuis représenté à ses pieds et dont les petits points rouges sur les pétales jaunes symbolisent le sang de sa tête tranchée[9]. De fait, cette figure est à tel point centrale que la National Gallery affirme que la version parisienne de La Vierge aux Rochers ne s'intéresserait pas tant au thème de l'Immaculée Conception qu'au seul Jean, dont les légendes entourant la figure sont alors très populaires à Florence[3].

Derrière la représentation du mystère de l'Immaculée Conception, c'est donc peut-être une autre histoire que le peintre narre et au centre de laquelle se situe Jean le Baptiste : en effet, l'objet du tableau consisterait à placer le commanditaire — la confrérie de l'Immaculée Conception — sous la protection de la Vierge par un système complexe de mise en abyme. Le geste protecteur de la Vierge lorsqu'elle étend sa main droite au-dessus de la tête de Jean est à ce titre explicite[34] ; de même que le fait d'envelopper ce dernier sous le manteau marial[34],[98]. Le choix, enfin, de placer la rencontre des deux familles dans le refuge fermé et enveloppant de la grotte confirme cette idée de protection[34].

La Vierge protège donc Jean le Baptiste. Or l'ordre franciscain considère qu'il existe un très fort lien entre le fondateur de l'ordre, saint François d'Assise, et le compagnon de Jésus, souvent qualifié de « vieux François » par les membres de l'ordre : en effet, dans ses écrits, François se dit inspiré par Jean-Baptiste et les deux hommes sont liés par la même symbolique de la montagne et du désert[113]. De fait, à travers Jean, c'est François d'Assise et l'ordre qu'il a fondé qui sont placés sous la protection de la Vierge : par voie de conséquence, la confrérie de l'Immaculée Conception — émanation de l'ordre franciscain — expose au moyen du tableau de La Vierge aux rochers sa volonté de se placer sous le patronage de la Vierge Marie qu'elle vénère particulièrement[34].

Pourtant, malgré cette représentation qui lui est favorable, la confrérie rejette l'œuvre, car elle la juge hétérodoxe : Léonard de Vinci est allé trop loin dans la mise à l'écart de la figure de Jésus ; il se serait trop conformé à l'esprit de l'ouvrage gnostique l’Apocalypsis Nova selon lequel la finalité du Nouveau Testament conduirait non pas à Jésus mais à Marie et Jean le Baptiste[5].

La Vierge aux Rochers dans le contexte de l'Apocalypsis Nova

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Récemment, une nouvelle recherche émerge pour mettre fin au débat intense entre les historiens de l'art concernant La Vierge aux Rochers, en particulier en ce qui concerne la date de création de la première version et le motif représenté dans les versions du Louvre et de la National Gallery. Cette recherche, présentée dans le livre "LA VISITATION selon Léonard de Vinci d’après l’Apocalypsis Nova" par Ramón Moreno López de Ayala[114], propose une interprétation révolutionnaire qui éclaire la datation de l'œuvre et sa signification spirituelle.

La théorie traditionnelle soutient que la version du Louvre a été peinte par Léonard pour répondre à une commande en 1483 de la Scuola della Concezione, suivie de la vente du tableau à un autre client et de la création de la version de la National Gallery en remplacement. Cependant, la recherche récente avance que l'œuvre a été réalisée après 1482, rejetant les théories qui la situaient avant cette date.

Selon cette nouvelle approche, le contexte spirituel de l’époque de Léonard est essentiel pour comprendre la peinture. Ce contexte est directement lié à l’ermite franciscain Amadeo de Silva (es), béat par l'Église catholique apostolique et romaine, décédé à Milan le 10 août 1482, peu avant que Léonard n’arrive de Florence pour travailler à la cour des Sforza. Le religieux a été enterré à Santa Maria della Pace de Milan, tenant contre sa poitrine un manuscrit portant la note "Aperietur in tempore"[115] (‘Il s’ouvrira en temps voulu’). Le tombeau de saint Pierre in Montorio à Rome, aujourd’hui célèbre grâce au monument érigé par Donato Bramante, connu sous le nom de Tempietto, relie également ces récits.

Jean-Baptiste et Jésus ont servi d'inspiration pour La Vierge aux Rochers. Le détail clé pour associer les deux récits réside dans l'étonnant raccourci du jeune Jésus, qui est assis et bénit l'enfant Jean agenouillé, tandis que l'archange Gabriel adresse un regard complice au spectateur, désignant le serviteur choisi par Jésus. La preuve centrale tirée de l’«Apocalypsis Nova», conservée, entre autres, à la Bibliothèque Royale du Monastère de San Lorenzo de l'Escurial (es), Espagne (Patrimoine National), cote «RBMECAT H-III-1», et correspondant à la page 71r, est le texte latin suivant:

Iesus vero quasi sedebat et, manu dextra erecta, versus ipsum Ioannem extensa, illum his verbis et eadem lingua benedicebat per modum cantici: ... (« Jésus, cependant, alors qu'il était assis, et, avec sa main droite levée et étendue vers Jean, le bénissait avec ces paroles et, dans la même langue, à la manière d'un cantique: ... »)[116]

 
"B. Amadei [=Joannis Menesii de Sylva, O. M.] ‘Apocalypsis nova’", signature «RBMECAT H-III-1». Pg. 71r. Royal Library of the Royal Site of the Monastery of San Lorenzo de El Escorial, Spain. (National Heritage)


Selon cette théorie, Léonard a peint une scène complexe qui transcende la représentation conventionnelle de la Visitation. Dans cette nouvelle interprétation, La Vierge aux Rochers représente le moment biblique de la Visitation d'une perspective mystique, marquant le début du chemin de salut de l'humanité. La scène met l’accent sur le dialogue spirituel entre Jésus et Jean-Baptiste, mais encore non conçus. L’interaction entre ces figures non nées ajoute une dimension théologique et mystique profonde à la peinture, montrant les personnages principaux libérés du péché originel.

L’œuvre invite le spectateur à contempler la transcendance et le mystère de la foi. Ainsi, la connexion théologique et mystique entre ces deux figures, encore non nées pendant la Visitation, devient le cœur de l'œuvre, où leur interaction reflète la vision de l'«Apocalypsis Nova» du bienheureux Amédée de Silva dans son cinquième ravissement.

Ainsi, La Vierge aux Rochers de Léonard de Vinci, où les rôles principaux sont joués par l'Enfant Jésus, Marie et l'enfant Jean-Baptiste, représente le moment exact où commence le chemin du salut de l'humanité.

Il est important de souligner qu'Amédée était le frère de sainte Béatrice de Silva, fondatrice de l'Ordre de l'Immaculée Conception.

En conclusion, cette recherche éclaire l'origine et la signification spirituelle du chef-d'œuvre de Léonard de Vinci, remettant en question les théories traditionnelles et enrichissant notre compréhension de ce travail iconique et énigmatique de la Renaissance.

Postérité

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La Vierge aux rochers, objet de multiples copies de suiveurs.

L'œuvre est reconnue dès sa création comme novatrice. En effet, « la manière dont Léonard crée des personnages en totale fusion avec la nature et une profondeur d'espace et d'atmosphère insondable […] est tout à fait révolutionnaire » et constitue donc une source d'inspiration selon l'historien de l'art Pietro Marani[97]. Elle fait ainsi rapidement l'objet de copies, du vivant même du maître[4]. De fait, dès le tournant des années 1500, il est possible d'en compter une douzaine réalisées à partir de la première version[117] dont une réalisée vers 1510 par un élève du peintre, Marco d'Oggiono. Peu de temps après, c'est au tour de la seconde version d'être ainsi copiée, comme le fait entre 1520 et 1525 le peintre lombard léonardesque Cesare Magni[117]. Celle d'Andrea Bianchi dit « il Vespino » datée vers 1611-1614 possède le grand intérêt — son commanditaire ayant exigé la copie exacte du tableau — de reproduire cette version sans présenter de croix et d'auréoles : cela autorise à penser que la représentation de ces attributs serait un ajout postérieur au XVIIe siècle[5]. Des copies sont également créées sur des supports différents comme ce devant d'autel brodé pour le mont sacré du Rosaire (en italien : Sacro Monte) de Varèse[118].

La Vierge aux rochers comme source d'inspiration.

Par delà les nombreuses copies dont l'œuvre fait l'objet, La Vierge aux rochers constitue une source d'inspiration pour d'autres peintres dans leurs œuvres. Ainsi, la composition en pyramide qu'elle déploie est reprise par Raphaël dans plusieurs de ses tableaux[93]. Par ailleurs, elle sert de modèle dans le livre d'heures destiné à la reine Claude de France pour une miniature présentant des personnages proches et ayant pour décor une grotte[119]. L'œuvre inspire par les attitudes de ses personnages, tel un des anges de La gloire de Saint Charles Borromée (entre 1609 et 1612) du peintre Giulio Cesare Procaccini dont le sourire ambigu n'est pas sans évoquer celui du tableau du Louvre[120] ; le port de tête de ce dernier se retrouve également chez le David vainqueur du géant Goliath dans David et la tête de Goliath du peintre Tanzio da Varallo[120]. De plus, les recherches concernant le rendu minutieux et biologiquement exact des plantes sur le tableau possèdent une influence certaine sur la représentation de la nature en tant que domaine pictural autonome[120]. L'inspiration qu'elle produit se situe parfois en dehors du domaine de la peinture : ainsi la version de Paris suscite ce quatrain chez Charles Baudelaire :

Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays

— Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, Les phares

Enfin, l'œuvre constitue un jalon certain de la création artistique dans le sens où, pour la première fois dans l'histoire de l'art, un peintre parvient à arracher de sa finalité sacrée une peinture religieuse pour la faire entrer dans la modernité où domine le seul jugement artistique et esthétique[64].

Appréciations

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Le tableau fait partie du musée imaginaire de l'historien français Paul Veyne, qui le décrit dans son ouvrage justement intitulé Mon musée imaginaire[121].

Notes et références

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  1. L'étude des conditions de production de copies d'ateliers de La Joconde et de La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne est à ce titre tout à fait éclairante : le maître florentin en délègue volontiers la création à ses élèves, notamment dans un but pédagogique, laissant à ces derniers la liberté de s'écarter du modèle, que ce soit dans les choix de couleurs ou dans la réalisation d'éléments composant le paysage à l'arrière-plan[23].
  2. Avant le XIXe siècle, le nom donné à une œuvre correspond plus à sa description qu'à un titre au sens actuel du terme : « Jusqu'à l'invention des Salons, à la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, les peintures n'ont pas de titre au sens où nous entendons ce mot. Au moment où un marché de l'art apparaît, expositions et catalogues rendent nécessaires qu'une composition se reconnaisse par un titre. […] Pour les peintures plus anciennes, avant l'invention des catalogues, les dénominations correspondent quelquefois à une habitude de désignation orale dont on trouve la trace écrite, par exemple au fil d'un ancien inventaire. » in Nadeije Laneyrie-Dagen, Lire la peinture : dans l'intimité des œuvres, Paris, Éditions Larousse, coll. « Comprendre et reconnaître / Peinture et beaux arts », , XV-272 p., 25 cm (ISBN 978-2-0359-1695-2), p. 5-6.
  3. Le titre fait l'objet d'une division chez les chercheurs quant à l'emploi du déterminant « Le » : Frank Zöllner et Charles Nicholls nomment le tableau Vierge aux rochers[6],[8] tandis que Carlo Pedretti, Sara Taglialagamba et Alessandro Vezzosi le nomment La Vierge aux rochers[25],[26]. Néanmoins, il s'agit d'auteurs étrangers dont le travail fait donc l'objet de traduction. Il paraît ainsi plus aisé de se tourner vers le propriétaire français de l'œuvre, le musée du Louvre, qui utilise le déterminant[7] ; de même, la National Gallery emploie l'article « The » dans The Virgin of the rocks[3]. Chacun des deux faisant autorité, il semble cohérent d'admettre pour titre La Vierge aux rochers avec le déterminant.
  4. « Ainsi [ Andrea del Verrocchio ] peignit […] un Baptême du Christ. Son élève, Léonard de Vinci, alors très jeune, y fit un ange tellement supérieur à toutes les autres figures, qu'Andrea, honteux d'être surpassé par un enfant, ne voulut plus jamais toucher à ses pinceaux[35]. »
  5. L'Anonimo Gaddiano précise en effet que le peintre arrive à Milan en 1482 « dans sa trentième année »[15].
  6. Bien qu'elle demeure majoritaire parmi les recherches, l'hypothèse selon laquelle les deux panneaux des Anges musiciens encadreraient le tableau de La Vierge aux rochers sur le retable est parfois contestée. Ainsi Rachel Billinge, Luke Syson et Marika Spring, s'appuyant sur la thèse de doctorat d'Hannelore Glasser[51], suggèrent que, initialement et jusqu'en 1579, les deux tableaux se trouvaient au-dessus de celui de Léonard de Vinci, arguant que l'énumération des demandes dans le contrat se ferait du haut vers le bas du retable. En outre, ils présentent l'exemple d'une telle disposition dans le Retable de la Vierge conservé à l'église Saint-Maurice à Ponte in Valtellina (Billinge, Syson et Spring 2011, p. 59).
  7. Les représentations ornementales numérotées « 5 » dans ce schéma du retable ne paraissent pas connues.
  8. « Accords entre les premiers prieurs et membres de la confrérie de la Conception et le maître florentin Léonard de Vinci et les frères Evangelista et Jean Ambrogio de Predis » (« Pacta inter dominos priorem et scollares conceptionis et magistrum Leonardum de Vintiis florentinum et Evangelistam et Johannem Ambrosium fratres de Prederiis »)[39].
  9. Selon Frank Zöllner, il se peut que ce panneau ait été amovible et ait pu cacher une sculpture votive destinée à être dévoilée lors de la fête de l'Immaculée Conception, chaque .[1].
  10. Si cet instrument appartient en effet à la famille de la vièle, il s'en différencie par la présence en parallèle du manche d'une ou deux cordes servant de bourdon. Sur l'œuvre, une telle corde est parfaitement visible sous le pouce gauche du personnage[56]. Il est à noter que Léonard de Vinci est décrit par le biographe du peintre Giorgio Vasari dans ses Vite comme un excellent joueur de lira da braccio[57]. C'est donc de façon impropre que les historiens de l'art spécialisés en peinture identifient l'instrument avec une vièle ; le titre Ange musicien en vert jouant de la vièle s'est néanmoins imposé, aussi bien en français qu'en anglais[58],[59].
  11. Le texte biblique en cours à l'époque médiévale traduit le mot hébreu « jeune femme » par le mot « vierge », ce qui permet dès lors d'assimiler cette vierge et son fils à Marie et Jésus[61].
  12. C'est ainsi que le tableau aurait pour base certaines recherches que le peintre a effectuées pour de précédentes productions[3].
  13. Pour un rapport détaillé sur cette dernière restauration et les découvertes qu'elle a induites, il est possible de se reporter à Keith et al. 2011, p. 32 à 56.
  14. Mais il peut tout autant avoir été l'objet d'un transfert sur un autre support et avoir ainsi servi d'étude pour un élève de Léonard de Vinci[84].
  15. Pour sa part, l'historien de l'art Carlo Pedretti demeure très partagé comme il l'indique dans Bambach 2003, p. 158-159. C'est pourquoi il considère qu'il ne persiste que deux études pour cette version du tableau et non trois[81].
  16. Le « sfumato » est une technique picturale que Léonard de Vinci théorise ainsi dans son Traité de la peinture : « Veille à ce que tes ombres et lumières se fondent sans traits ni lignes comme une fumée[103]. »
  17. Les notes de Léonard de Vinci sur la perspective aérienne en comprennent tous les aspects : voir Léonard de Vinci (trad. de l'italien par Roland Fréart de Chambray), Traité de la peinture [« Trattato_della_pittura »] (Monographie imprimée), Paris, J. Langlois, , 128 p., 1 vol. ; in-fol (lire en ligne), chap. CII (« De la viarieté qui se remarque aux couleurs, selon qu'elles sont plus esloignées ou plus proches »), p. 32-33.
  18. Noter l'absence du tableau des figures de Joseph, le père de Jésus de Nazareth, et de sainte Élisabeth, la mère de saint Jean-Baptiste.
  19. Dogme selon lequel Marie, recevant par anticipation les fruits de la résurrection de son fils Jésus-Christ, a été conçue exempte du péché originel : elle n'a pas été corrompue par cette faute originelle qui fait que tout être humain connaît depuis une tendance à commettre le mal. Le dogme de l'Immaculée Conception est à distinguer de la conception virginale selon laquelle Marie a conçu le Christ tout en restant vierge[112].
  20. C'est sous ce nom de « précurseur » (en grec ancien, πρόδρομος / pródromos) que Jean est désigné dans l'Évangile selon Marc (Mc 9, 9-13) et celui de Matthieu (Mt 17, 9-13), ce qui lui vaut d'être nommé le « Prodrome » par les orthodoxes.

Références

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  120. Paul Veyne, Mon musée imaginaire, ou les chefs-d'œuvre de la peinture italienne, Paris, Albin Michel, , 504 p. (ISBN 9782226208194), p. 220-221.

Annexes

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Bibliographie

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Ouvrages

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  • (en) Francis Ames-Lewis, « Leonardo's techniques », dans Claire Farago (dir.) et al., An Overview of Leonardo's Career and Projects Until c. 1500 [« Un aperçu de la carrière et des projets de Léonard jusqu'aux environs de 1500 »], New York ; London, Garland Publishing, coll. « Leonardo da Vinci, selected scholarship / 2 », , XVI-509 p., 24 cm (ISBN 0-8153-2934-2 et 978-0-8153-2934-3, présentation en ligne), p. 56-68.
  • Alberto Angela (trad. de l'italien par Sophie Bajard, préf. Mario Pasa), Le regard de la Joconde : La Renaissance et Léonard de Vinci racontés par un tableau [« Gli occhi della Gioconda. Il genio di Leonardo raccontato da Monna Lisa »], Paris, Payot & Rivages, , 333 p., 23 cm (ISBN 978-2-2289-2175-6), 4. Dans les pas de Léonard, « Les débuts de l'aventure milanaise », p. 139-148.
  • (en) Carmen C. Bambach, « Introduction to Leonardo and his drawings », dans Carmen C. Bambach (éd. scientifique), Carlo Vecce, Carlo Pedretti, François Viatte, Alessandro Cecchi, Martin Kemp, Pietro C. Marani, Claire Farago, Varena Forcione, Anne-Marie Logan et Linda Wolk-Simon (assistance : Alison Manges et Rachel Stern), Leonardo da Vinci, master draftsman [« Léonard de Vinci, maître du dessin du corps humain »] (catalogue de l’exposition du Metropolitan Museum of Art, New York, du au ), New York ; New Haven, Metropolitan Museum of Art ; Yale University Press, , xiv-786, 29 cm (ISBN 978-1-5883-9034-9), p. 3-30.
  • (it) Gerolamo Biscaro, La commissione della 'Vergine delle roccie' a Leonardo da Vinci secondo i documenti originali (25 aprile 1483) [« La commande de La Vierge aux rochers à Léonard de Vinci selon les documents originaux () »] (extrait des Archivio storico Lombardo, Milan, année XXXVII, fasc. XXV, 1910), Milan, Tip. L.F. Cogliati, , 41 p., 25 cm (OCLC 27348576, lire en ligne).
  • (en) Katy Blatt, Leonardo da Vinci and The Virgin of the Rocks : one painter, two virgins, twenty-five years [« Léonard de Vinci et la Vierge aux rochers : un peintre, deux vierges, vingt cinq ans »], Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, , XVII-180 p., 21 cm (ISBN 978-1-5275-0644-2, OCLC 1019751278).
  • Serge Bramly, Léonard de Vinci : Une biographie, Paris, Jean-Claude Lattès, coll. « Essais et documents », , 500 p., 23 cm (ISBN 978-2-7096-6323-6), chap. 6 (« La plume et le canif »), p. 249-310.
  • (it) Simona Cremante (préf. Carlo Pedretti), Leonardo da Vinci : Artista, Scienziato, Inventore [« Léonard de Vinci : artiste, scientifique, inventeur »], Firenze ; Milano, Giunti, , 639 p., 16 cm (ISBN 978-8-8090-3811-0, lire en ligne), « Vergine delle rocce (Parigi) ; Vergine delle roce (Londra) », p. 134-143, 144-153.
  • Pietro Marani et Edoardo Villata (trad. de l'italien par Anne Guglielmetti), Léonard de Vinci : Une carrière de peintre [« Leonardo, una carriera di pittore »], Arles ; Milan, Actes Sud ; Motta, , 383 p., 34 cm (ISBN 2-7427-2409-5), p. 126-148.
  • Eugène Müntz, Léonard de Vinci : l'artiste, le penseur, le savant, Paris, Librairie Hachette, , VI-553 p., gr. in-8° (BNF 30996899), « La Vierge aux rochers et le chef-d'œuvre de Sainte-Marie-des-Grâces », p. 156-221.
    La traduction en anglais de l'ouvrage, paru en deux volumes, est consultable en ligne. Il s'agit de (en) Eugène Müntz (trad. du français), Leonardo da Vinci : Artist, thinker and man of science, vol. 1, , XII-256 p. (lire en ligne) et de Leonardo da Vinci : Artist, thinker and man of science, vol. 2, London ; New York, William Heinemann ; Charles Scribner’s sons, , XI-287 p., 32 cm (lire en ligne).
  • Murielle Neveux, Léonard de Vinci : Les secrets d'un génie, Gennevilliers ; Paris, GEO Art (Prisma Media) ; Le Monde, coll. « Le musée idéal », (1re éd. 2017), 112 p., 31 cm (ISBN 2-8104-2341-5, EAN 978-2810423415), chap. 2 (« Léonard à la cour du duc de Milan »), p. 34-65.
  • Charles Nicholl (trad. de l'anglais par Christine Piot), Léonard de Vinci : biographie [« Leonardo da Vinci, the flights of the minds »], Arles, Actes Sud, , 701 p., 24 cm (ISBN 2-7427-6237-X et 978-2-7427-6237-8), Quatrième partie : De nouveaux horizons : 1482-1490, chap. 3 (« La Vierge aux rochers »), p. 238-244.
  • (en) Carlo Pedretti, « The critical fortune of Leonardo's drawings », dans Carmen C. Bambach (éd. scientifique), Carlo Vecce, Carlo Pedretti, François Viatte, Alessandro Cecchi, Martin Kemp, Pietro C. Marani, Claire Farago, Varena Forcione, Anne-Marie Logan et Linda Wolk-Simon (assistance : Alison Manges et Rachel Stern), Leonardo da Vinci, master draftsman [« Léonard de Vinci, maître du dessin du corps humain »] (catalogue de l’exposition du Metropolitan Museum of Art, New York, du au ), New York ; New Haven, Metropolitan Museum of Art ; Yale University Press, , xiv-786, 29 cm (ISBN 978-1-5883-9034-9), p. 79-110.
  • Carlo Pedretti et Sara Taglialagamba (trad. de l'italien par Renaud Temperini), Léonard de Vinci : L'art du dessin [« Leonardo, l'arte del disegno »], Paris, Citadelles et Mazenod, , 240 p., 29 cm (ISBN 978-2-8508-8725-3), II. Du dessin au tableau, « Les deux vierges », p. 204-211.
  • (en) Jean-Paul Richter, The Literary Works of Leonardo da Vinci, vol. 1, Londres, Sampson Low, , 544 p. (lire en ligne).
  • (en) Luke Syson et Larry Keith, Leonardo da Vinci : Painter at the court of Milan [« Léonard de Vinci, peintre à la cour de Milan »], New Haven, London National Gallery Company, distributed by Yale University Press, , 319 p., 33 cm (ISBN 978-1-8570-9491-6, OCLC 983812733), « Representing the Divine - The Virgin of the rocks », p. 161-175.
  • Alessandro Vezzosi (trad. de l'italien par Françoise Liffran), Léonard de Vinci : Art et science de l'univers, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / peinture » (no 293), , 160 p., 18 cm (ISBN 978-2-0703-4880-0), chap. 3 (« À Milan au temps des Sforza »), p. 51-81.
  • Frank Zöllner (trad. de l'allemand), Léonard de Vinci, 1452-1519 : Tout l'œuvre peint, Cologne, Taschen, coll. « Bibliotheca universalis », , 488 p. (ISBN 978-3-8365-6296-6).

Articles

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  • (en) Dalya Alberge, « The daffodil code: doubts revived over Leonardo’s Virgin of the Rocks in London » [« La construction de la jonquille : Les doutes sont relancés à propos de La Vierge aux rochers de Léonard à Londres »], The Guardian, London, Groupe Guardian Media,‎ (lire en ligne).
  • (en) Rachel Billinge, Luke Syson et Marika Spring, « Altered Angels : Two panels from the Immaculate Conception Altarpiece once in San Francesco Grande, Milan » [« Les anges retouchés : deux panneaux du retable de l'Immaculée Conception à l'église Saint-François-Majeur de Milan »], National Gallery Technical Bulletin, vol. 32,‎ , p. 57-77 (lire en ligne).
  • (en) Larry Keith, Ashok Roy, Rachel Morrison et Peter Schade, « Leonardo da Vinci’s Virgin of the Rocks : Treatment, Technique and Display », National Gallery Technical Bulletin, vol. 32,‎ , p. 32-56 (lire en ligne).

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