Logique intuitionniste

logique formelle constructive

La logique intuitionniste est une logique qui diffère de la logique classique par le fait que la notion de vérité est remplacée par la notion de preuve constructive. En effet, dans le cadre des connaissances mathématiques actuelles, une proposition comme « la constante d'Euler-Mascheroni est rationnelle ou la constante d'Euler-Mascheroni n'est pas rationnelle » n'est pas démontrée de manière constructive[1] car la tautologie classique « P ou non P » (tiers exclu) n'appartient pas à la logique intuitionniste. La logique intuitionniste établit également, parmi d'autres propriétés, un distinguo entre les propositions « être vrai » et « ne pas être faux » (formulation plus faible) car ¬¬P → P n'est pas non plus démontrable en logique intuitionniste.

Histoire

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L'intuitionnisme a d'abord été une position philosophique vis-à-vis des mathématiques proposée par le mathématicien néerlandais Luitzen Egbertus Jan Brouwer[2] comme une possibilité différant de l'approche dite classique ; cela l'a conduit à ne pas inclure certaines formes du raisonnement mathématique traditionnel, qu'il jugeait contre-intuitives :

  • Le tiers exclu, qui consiste à dire qu'étant donnée une proposition  , on a soit   ou alors non   ;
  • L'existentiel non constructif. Brouwer veut que quand un mathématicien affirme il existe   tel que  , il donne aussi un moyen de construire   qui satisfait  .

Brouwer a prôné une mathématique qui rejetterait le tiers exclu et n'accepterait que l'existentiel constructif. Cette attitude a été assez violemment critiquée[3] par des mathématiciens comme David Hilbert tandis que d'autres comme Hermann Weyl y ont souscrit.

Elle a été ensuite formalisée, sous le nom de logique intuitionniste, par ses élèves V. Glivenko[4] et Arend Heyting, ainsi que par Kurt Gödel[5] et Andreï Kolmogorov[6]. L'interprétation de Brouwer-Heyting-Kolmogorov ou simplement interprétation BHK est essentiellement la mise en évidence du caractère constructif de l'implication intuitionniste : Quand un mathématicien intuitionniste affirme  , il veut dire qu'il fournit un procédé de « construction » d'une démonstration de   à partir d'une démonstration de  . Autrement dit, une preuve de   est une fonction qui transforme une preuve de   en une preuve de  .

Cette interprétation calculatoire trouvera son aboutissement dans un des plus importants résultats de l'informatique théorique : la correspondance de Curry-Howard dont le leitmotiv est « prouver, c'est programmer ». Il y a isomorphisme entre les règles de déduction de la logique intuitionniste et les règles de typage du lambda-calcul. En conséquence, une preuve d'une proposition   est assimilable à un (lambda-)terme de type  .

Dès lors, la logique intuitionniste (couplée à la théorie des types) acquiert un statut prépondérant en logique et en informatique théorique, en faisant d'elle historiquement la première des logiques constructives. Ce résultat fondateur engendrera de multiples travaux dérivés[7] ; notamment son extension à la logique d'ordre supérieur qui nécessite l'emploi de types dépendants (le calcul des constructions, par exemple, est la base théorique du logiciel Coq qui est donc, à la fois, un assistant de preuves (constructives), et un outil de création de programmes certifiés[8]).

Syntaxe du langage de la logique intuitionniste

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La syntaxe de la logique intuitionniste propositionnelle est la même que pour la logique propositionnelle classique. La syntaxe de la logique intuitionniste du premier ordre est la même que la syntaxe de la logique classique du premier ordre.

Syntaxe de la logique intuitionniste propositionnelle

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Construction Lecture intuitive en logique classique Lecture intuitive en logique intuitionniste
    est vraie   est prouvable
    est vraie ou   est vraie   est prouvable ou   est prouvable
    est vraie et   est vraie   est prouvable et   est prouvable
  Faux Faux
  Si   est vraie alors   est vraie Si   est prouvable alors   est prouvable
  (abréviation de  )   est fausse   est contradictoire

Syntaxe de la logique intuitionniste du premier ordre

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Construction Lecture intuitive en logique classique Lecture intuitive en logique intuitionniste
  il existe un élément   tel que   est vraie on peut construire un élément   tel que   est prouvable
  pour tout élément  ,   est vraie en prenant un élément quelconque  ,   est prouvable

Non-interdéfinissabilité des opérateurs

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La négation peut se définir à partir de l'implication :   se définit comme  . En logique propositionnelle classique, on peut définir la disjonction (le « ou ») à partir du « et » et de la négation grâce aux lois de De Morgan. Par exemple,   peut se définir comme un raccourci d'écriture pour  . En logique propositionnelle intuitionniste, ce n'est plus le cas et chaque opérateur a une interprétation spécifique (cf. tableau ci-dessus). De même, on ne peut pas définir   comme  [9].

Règles de déduction naturelle

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En logique intuitionniste, les connecteurs ne sont pas inter-définissables[10]. C'est pourquoi nous allons donner des règles pour chaque connecteur binaire, pour le connecteur unaire qu'est la négation et pour le symbole ⊥ représentant le faux ou absurde. Nous donnons une (ou des) règle(s) d'élimination   et une (ou des) règle(s) d'introduction   pour chaque connecteur, typique de la déduction naturelle classique. En déduction naturelle,   se lit « de l'ensemble de propositions   on déduit la proposition   ».

La logique implicative

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La logique minimale implicative a pour seul connecteur l'implication  . En déduction naturelle, ses règles, outre la règle axiome :

 

sont :

 

où la lettre   désigne un ensemble fini de formules, et la notation   désigne  , où   peut être ou non présent dans  .

La règle   s'appelle la règle d'élimination de l'implication. Elle se lit comme suit : si de l'ensemble d'hypothèses   on déduit   et si de plus de l'ensemble d'hypothèses   on déduit   alors de l'ensemble d'hypothèses   on déduit  . L'élimination de l'implication est aussi appelée modus ponens.

La règle   s'appelle la règle d'introduction de l'implication. Elle se lit comme suit : si de l'ensemble d'hypothèses   et de l'hypothèse   on déduit   alors de l'ensemble d'hypothèses   on déduit   (  peut appartenir ou ne pas appartenir à  ).

La loi de Peirce   ou la proposition  , qui sont des tautologies de la logique classique, ne sont pas démontrables dans ce système de déduction. En lui ajoutant, par exemple la loi de Peirce, on obtient un système déductivement complet au sens de la logique classique pour les formules purement implicationnelles (voir Calcul propositionnel implicationnel (en)).

La logique propositionnelle intuitionniste

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La logique intuitionniste comporte les règles de l'implication, de la logique minimale, plus les règles ci-dessous régissant les autres connecteurs.

L'absurde

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Le faux ou absurde, ⊥, est un connecteur zéro-aire, c'est-à-dire qui n'a pas de proposition en argument, il est régi par la règle :

 

Cette règle est nommée principe d'explosion, ou en latin, ex falso quodlibet. Le principe d'explosion signifie que si un ensemble de propositions Γ conduit à l'absurde ⊥, alors de Γ, on peut déduire n'importe quelle proposition  .

La négation

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Traditionnellement, on considère la négation   comme l'abréviation   et on ne donne donc pas habituellement de règles correspondant à la négation. Cependant on pourrait en donner, pour simplifier des démonstrations et elles seraient :

 

Il est à noter que ces règles pour la négation intuitionnistes sont plus faibles que celles de la négation classique, car pour exemple on ne peut pas y déduire   de  .

La conjonction

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Au connecteur   (conjonction), on associe deux règles d'élimination,   et  , et une règle d'introduction.

   se lit « A et B ».

La disjonction

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Au connecteur   (disjonction), on associe une règle d'élimination et deux règles d'introduction :

 .

On remarque que la règle d'élimination de la disjonction est une règle tryadique : elle a trois prémisses.

Le calcul des prédicats intuitionniste

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En plus des règles du calcul propositionnel intuitionniste, le calcul des prédicats intuitionniste contient de nouvelles règles d'introduction et d'élimination pour les quantificateurs « quel que soit » et « il existe ».

Remarque : Nous rappelons que A[t/x] signifie le remplacement de toutes les occurrences librement substituables de la variable x par le terme t ; voir calcul des prédicats pour les notions de « variable », « terme », « substitution » et de « librement substituable ».

Le quantificateur universel

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Le quantificateur existentiel

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Sémantique de la logique intuitionniste

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Modèles de Kripke

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Un modèle de Kripke pour la logique intuitionniste. Plus on avance dans le temps, plus on apprend des variables propositionnelles.

On peut donner une sémantique à la logique intuitionniste qui est une sémantique de Kripke[11]. Un modèle de Kripke   est un graphe où :

  • les nœuds sont des mondes possibles. Selon Kripke, ces mondes représentent des contenus d'information fondés sur des preuves (evidential situations)[11]. Chaque monde est muni d'une valuation classique : intuitivement, pour chaque variable propositionnelle p, p est vraie dans un monde si on a assez d'information pour prouver p et p est fausse sinon ;
  • une relation d'accessibilité de préordre sur les mondes : une relation réflexive et transitive hiérarchise les mondes. Pour Kripke, un arc m → m' signifie que m' est dans le « futur »[11],[12] de m ;
  • la valuation est telle que si une variable propositionnelle p est vraie dans m et que m' est dans le « futur » de m, p est aussi vraie dans m' (on ne perd pas d'information et donc on peut toujours prouver p).

La sémantique d'une formule est donné par rapport à un modèle de Kripke   et un monde désigné comme le monde courant  . On parle alors de modèle de Kripke pointé  . Dans certains ouvrages, on écrit alors   pour dire que la formule   est vraie dans  . On dit aussi que   satisfait formule  . Plus simplement, comme le modèle de Kripke   est fixé, on dit qu'un monde   satisfait une formule  , ou que le monde   force[11],[12] une formule  . La relation forçage de (ou de réalisabilité) est définie par induction structurelle par :

  • le monde   force une variable propositionnelle   si   est vraie dans le monde m ;
  • le monde   force   si   force   et   force   ;
  • le monde   force   si   force   ou   force   ;
  • le monde   force   si pour tout monde   accessible depuis  , si   force   alors   force   (certains auteurs appellent l'ensemble des mondes accessibles depuis un monde un cône[réf. nécessaire]) ;
  • le monde   force   (il s'agit de l'abréviation  ) si pour tout monde   accessible depuis  ,   ne force pas  .

Une formule   est valide si pour tout monde   de tout modèle  ,   force  .

Exemple

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Un modèle de Kripke où le monde de gauche ne force pas le tiers-exclu   et ne force pas la loi de Peirce  .

Le tiers-exclu   n'est pas valide. Pour le voir, donnons un modèle de Kripke pointé qui ne satisfait pas  . Considérons le modèle de Kripke dans la figure à droite. Ce modèle contient deux mondes possibles : l'un (celui de gauche) où   est faux, l'autre (celui de droite) où   est vrai.

Le monde de gauche est le monde pointé ou monde initial. Il ne satisfait pas le tiers exclu  . En effet :

  • d'une part, le monde initial ne force pas   (intuitivement,   n'est pas prouvé car   est fausse donc cela signifie que l'on n'a pas encore assez d'informations)
  • d'autre part, le monde initial ne force pas  . En effet, le monde de droite est accessible depuis le monde initial mais malheureusement il force  . Cette situation signifie intuitivement qu'en fournissant un peu plus d'effort, on peut « gagner plus d'informations » et arriver dans le monde de droite et prouver  .

Aussi :

  •   (loi de Peirce) n'est pas valide : le monde de gauche du modèle de Kripke à droite ne force pas   ;
  •   n'est pas valide.

Correction de la logique intuitionniste

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La logique intuitionniste est correcte vis-à-vis des modèles de Kripke[13], c'est-à-dire que toute formule démontrable (par exemple avec les règles de déduction naturelle de la section précédente) est valide. On peut utiliser ce résultat pour montrer qu'une formule n'est pas démontrable en logique intuitionniste. Par exemple, comme le tiers-exclu   ou la loi de Peirce   ne sont pas valides, elles ne sont pas démontrables.

Complétude de la logique intuitionniste

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Toute formule valide est démontrable[13]. La démonstration se fait de la façon suivante : si   n'est pas démontrable alors on peut construire un contre-modèle (infini) de   c'est-à-dire un modèle   contenant un monde qui ne force pas  .

Relations avec la logique classique

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Exemples de différences avec la logique classique

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Les opérations ne sont pas définies l’une par rapport à l’autre (voir plus loin), et ne sont définies qu’en elles-mêmes. Elles sont définies par l’interprétation qui doit en être faite. Pour cette raison, en plus des règles de calcul, sont données les interprétations qui doivent être faites des expressions de chaque opérateur.

Quelques validités

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Le tableau suivant donne quelques validités de la logique intuitionniste.

Validités en logique intuitionniste Explications pour   Explications pour  
  ✔ Si A est prouvable, alors il est prouvé que A n'est pas contradictoire. ✗ Par exemple, il est prouvé que « il pleut » n'est pas contradictoire (on n'obtient pas de contradiction en supposant « il pleut »). Pourtant, « il pleut » n'est pas prouvable, sauf si on sort et qu'on se fait mouiller.
  ✔ Si A est contradictoire, alors une preuve que   n’est pas contradictoire donne une contradiction. ✔ Si on a une preuve que   n’est pas contradictoire donne une contradiction, alors A est contradictoire.
  ✔ Si A est contradictoire ou B est contradictoire, alors « A et B » est contradictoire. ✗ Par exemple, être grand et petit est contradictoire. Pourtant, être grand n'est pas contradictoire et être petit n'est pas contradictoire.
  ✔ Si on obtient une contradiction d'une preuve de A ou d'une preuve de B, alors A est contradictoire et B est contradictoire. ✔ Si A est contradictoire et B est contradictoire, alors d'une preuve de A ou d'une preuve de B, on obtient une contradiction.
  ✔ Si A est contradictoire ou alors B est prouvable, alors si j'ai une preuve de A (ce qui n'existe pas !), j'ai une preuve de B. ✗ Par exemple, je construis une preuve de « x>0 » qui utilise une preuve « x>1 ». Pourtant, « x>1 » n'est pas contradictoire et « x>0 » n'est pas prouvable.
  ✔ Si « il existe x tel que A(x) » est contradictoire, alors pour tout x, A(x) est contradictoire. ✔ Si pour tout x, A(x) est contradictoire, alors « il existe x tel que A(x) » est contradictoire.
  ✔ Si je peux construire un x tel que A(x) donne une contradiction, alors « pour tout x, A(x) » est contradictoire. ✗ Par exemple, « pour tout x, x est pauvre » est contradictoire (car je vois qu'il existe des richesses). Pourtant, je ne peux pas trouver un individu x (riche) tel que x est pauvre soit contradictoire.

En logique classique, les formules obtenues en remplaçant les implications par des équivalences sont des validités (le tableau contiendrait que des ✔).

Négation

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On peut interpréter   comme : « Il est démontré que   est contradictoire ».

On dispose en logique intuitionniste du théorème suivant :

  •  

Cependant, on ne peut pas en conclure  , car cette équivalence ne peut pas être prouvée en logique intuitionniste.

Double négation

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On peut interpréter   comme : « Il est démontré qu’il est contradictoire d’affirmer que   est contradictoire », c'est-à-dire « Il est démontré que   n’est pas contradictoire ». Mais on ne peut pas en déduire que «   est démontrable ».

Le théorème :

  •  

peut être démontré en logique intuitionniste. Mais la réciproque ne peut pas l'être. On n'a pas  . L’expression   peut s’interpréter comme « d'une démonstration de  , on peut construire une démonstration de   ». Mais le fait que   ne soit pas contradictoire n’est pas suffisant pour établir une démonstration de «   ».

À titre d'exemple, soit x un réel et   la proposition x est rationnel. Démontrer  , c'est donner deux entiers a et b tels que x = a/b. Si   est contradictoire (et donc si on a  ), c'est que x est non rationnel, ou irrationnel. Dire que l'on a  , c'est dire que supposer x irrationnel conduit à une contradiction, et donc conclure que x n'est pas irrationnel. Mais ce n'est pas suffisant pour établir l'existence effective de deux entiers a et b tels que x = a/b. Ainsi, en logique intuitionniste, ne pas être irrationnel est une propriété différente et plus faible que celle d'être rationnel.

Conjonction

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L'interprétation de   est : on dispose d'une preuve de   et d'une preuve de   (comparable à ce qu’il en est en logique classique).

En logique intuitionniste, la proposition suivante est un théorème :

  •  

Mais contrairement à ce qu’il en serait en logique classique,   n’est seulement qu’une conséquence de  , la réciproque étant fausse. En effet, supposer que   est contradictoire, est insuffisant en logique intuitionniste pour conclure si   seul l'est ou   seul ou s'ils le sont tous les deux. Par exemple, supposer qu'un nombre est à la fois rationnel et irrationnel est contradictoire, mais insuffisant pour conclure si ce nombre est irrationnel ou non.

Disjonction

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L'interprétation de   est : on a une preuve de   ou une preuve de  .

On dispose en logique intuitionniste du théorème suivant :

  •  

A et B s’excluent mutuellement et ne sont pas simultanément démontrables. Cette situation est comparable à ce qu’il en serait dans la logique classique de Boole et Karnaugh.

Par contre, le théorème suivant :

  •  

est valide en logique intuitionniste, mais pas sa réciproque. En effet, si x est un nombre réel, on sait que s'il est rationnel alors il n'est pas irrationnel, mais on n'est pas pour autant capable de conclure si ce nombre est irrationnel ou non.

Quantificateur existentiel

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L'interprétation de   est : nous pouvons créer un objet   et prouver que  . L'existence de x est ici effective ou constructive. Il ne s'agit pas d'une existence théorique d'un élément   vérifiant  .

On dispose du théorème suivant :

  •  

S’il n’existe pas de x qui vérifie A(x) alors pour tous les x on ne vérifie pas A(x), d’où l’équivalence (qui correspond à l’intuition et se formule naturellement). Cette propriété est comparable à ce qu’il en serait en logique classique.

Quantificateur universel

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L'interprétation de   est : on a une preuve que pour chaque x appartenant à l’ensemble spécifié, on peut prouver A(x) (comparable à ce qu’il en est en logique classique).

On dispose en logique intuitionniste du théorème suivant :

  •  

Mais contrairement à ce qu’il en serait en logique classique, la réciproque est fausse. En effet, cette réciproque exigerait que, en supposant contradictoire l'universalité de la propriété  , on soit capable d'exhiber explicitement un objet x invalidant  , ce qui est rarement possible.

On peut aussi dire que, en logique intuitionniste, l'affirmation de   est l'affirmation de l'existence effective et constructible d'un objet x validant  , alors que   n'en est que l'existence théorique, exprimant seulement qu'il est contradictoire que   soit universellement contradictoire. La logique classique ne fait aucune distinction entre ces deux existences, alors que la logique intuitionniste considère la deuxième comme plus faible que la première.

Tiers exclu

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La proposition suivante

  •  

est un théorème de la logique classique, mais pas de la logique intuitionniste. Dans cette dernière, elle signifierait que nous pouvons prouver   ou prouver  , ce qui n'est pas toujours possible.

Par exemple, en arithmétique munie de la logique intuitionniste (dite arithmétique de Heyting), l’expression   est valide, car pour tout couple d'entiers, on peut prouver qu'ils sont égaux, ou on peut prouver qu'ils sont différents. Il en est de même pour deux rationnels. Mais pour deux réels en analyse constructive, on ne dispose pas de méthode générale permettant de prouver que   ou de prouver que  . Cette situation correspond bien à ce qu'on rencontre en algorithmique, où l’égalité ou l’inégalité entre deux réels peut être non calculable, c'est-à-dire, non décidable.

Relations entre les règles

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Pour mieux comprendre, on remarquera dans ce qui précède, que contrairement à ce qu’il en est dans la logique de Boole, la conjonction   ne peut pas être reformulée en termes de disjonction   et que le quantificateur existentiel   ne peut pas être reformulé en termes de quantificateur universel   ; ceci en vertu du principe du constructivisme. Dit d’une autre manière et dans des termes peut-être plus proches de l’informatique : il n’est pas permis de réduire les contraintes d’une expression.

Les interprétations des expressions ne se font pas à l'aide de   et  , mais grâce aux concepts Prouvable et Contradictoire.

Plongement de la logique classique dans la logique intuitionniste

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Kurt Gödel a proposé une traduction de la logique classique dans la logique intuitionniste : la « non-non traduction (en) », qui rend démontrable en logique intuitionniste toute formule démontrable en logique classique. Ainsi, en ce sens précis, la logique intuitionniste ne démontre pas moins que la logique classique.

De manière plus économe que la saturation des formules et sous-formules par des doubles négations, Gödel a remarqué que si on considère une fonction   de l'ensemble des formules dans l'ensemble des formules définie par :

  1.  
  2.  , pour une formule atomique   différente de ⊥
  3.  
  4.  
  5.  
  6.  
  7.   ;

  et   sont des formules quelconques et   est une formule ayant   comme paramètre ;

alors on a le théorème suivant :

  •  .

  est la déduction classique et   est la déduction intuitionniste.

Traduction en logique modale classique

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La logique intuitionniste peut être traduite dans la logique modale classique S4[14] munie d'une modalité  . La construction   se lit «   est prouvable »[15]. La traduction est définie par :

  pour toute variable propositionnelle   ;
  ;
  ;
  ;
 .

Une formule   est valide en logique intuitionniste si et seulement si   est valide dans la logique modale S4 classique (c'est-à-dire valide sur les modèles de Kripke réflexifs et transitifs).

Complexité algorithmique des problèmes de décision en logique intuitionniste

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Le problème de la décision de la satisfiabilité et le problème de la décision de la validité en logique propositionnelle intuitionniste sont PSPACE-complets[16]. D'ailleurs, ils demeurent PSPACE-complets même si on restreint les formules à deux variables[17].

Références

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  1. Le caractère non démontré de l'irrationalité de la constante d'Euler-Mascheroni est rappelé dans la conjecture 1.0.1 de (en) Jeffrey Lagarias, Euler's constant: Euler's work and modern developments, 98 pages, 258 références. (2013) [lire en ligne] [PDF]
  2. (en) Stanford Encyclopedia of Philosophy, « Intuitionistic Logic » par Joan Moschovakis.
  3. Brouwer–Hilbert controversy (en)
  4. Glivenko, V., 1928, « Sur la logique de M. Brouwer », Académie Royale de Belgique, Bulletin de la classe des sciences, 14: 225–228.
  5. Kurt Godel, Collected Works, Vol. III, Oxford: Oxford University Press (1995).
  6. Andreï Kolmogorov, « On the principle of the excluded middle » (1925) in Jean van Heijenoort, 1967. A Source Book in Mathematical Logic, 1879–1931. Harvard Univ. Press : 414–37.
  7. Les Métamorphoses du calcul. Une étonnante histoire de mathématiques, Paris, Édition Le Pommier, coll. « Essais », , 223 p. (ISBN 978-2-7465-0324-3)
  8. Il faut comprendre par là, que lorsque le programmeur construit une fonction dont il aura spécifié le type des arguments et du résultat, il s'astreint à respecter cette spécification puisqu'il doit fournir un objet correctement typé. Les types dépendants offrent une typage plus puissant que la plupart des langages, et permettent la spécification complète d'un programme.
  9. Dirk Dalen, Logic and Structure : fifth edition, Springer, , « Chapter 6 -- Intuitionistic Logic », Exercice 29 p. 183.
  10. Sauf la négation ci-dessous qui peut se définit via le faux et l'implication. Autrement dit, on ne peut pas définir, comme en logique classique, tous les connecteurs à partir d'un unique connecteur binaire comme la barre de Sheffer ou deux connecteurs comme la négation et l'implication.
  11. a b c et d Saul A. Kripke, Semantical Analysis of Intuitionistic Logic I, Elsevier, coll. « Formal Systems and Recursive Functions », (lire en ligne), p. 92–130.
  12. a et b R. David, K. Nour, C. Raffalli, Introduction à la logique : Théorie de la démonstration : Cours et exercices corrigés, Dunod, , p. 159 « L'ordre sur le temps ».
  13. a et b Structure and Logic, Springer Universitext, 1980. (ISBN 3-540-20879-8).
  14. Michel Lévy, « Traduction de la logique intuitioniste en logique modele », sur LIG, .
  15. (en) Juliette Kennedy, « Kurt Gödel, 2.5.3 Intuitionistic Propositional Logic is Interpretable in S4 », sur stanford.edu,
  16. (en) Richard Statman, « Intuitionistic propositional logic is polynomial-space complete », Theoretical Computer Science, vol. 9,‎ , p. 67–72 (DOI 10.1016/0304-3975(79)90006-9, lire en ligne, consulté le ).
  17. (en) M. Rybakov, « Complexity of intuitionistic and Visser's basic and formal logics in finitely many variables », Proceedings of Advances in Modal logic,‎ .

Annexes

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Bibliographie

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Ouvrages

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  • Jean Largeault, Intuitionisme et théorie de la démonstration, Paris, J. Vrin, , 566 p. (ISBN 2-7116-1059-4, présentation en ligne)
    Textes de Bernays, Brouwer, Gentzen, Gödel, Hilbert, Kreisel et Weyl réunis, traduits et présentés par Jean Largeault.
  • Arend Heyting Les fondements des mathématiques, intuitionnisme, théorie de la démonstration, Gauthier-Villars, Nauwelaerts, 1955, 91 pages.
  • Jean Largeault, L'Intuitionisme, Paris, Presses universitaires de France, 1992.
  • René David, Karim Nour et Christophe Raffali, Introduction à la logique, Dunod, 2001.
  • Jean-Yves Girard, Le point aveugle, Tome I, Hermann, 2007.
  • A. G. Dragalin (trad. Ben Silver), Mathematical Intuitionism : Introduction to Proof Theory, vol. 67, American Mathematical Society, coll. « Translations of Mathematical Monographs », (lire en ligne)
  • Dirk Dalen, Logic and Structure : fifth edition, Springer, , « Chapter 6 -- Intuitionistic Logic »

Liens externes

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Articles connexes

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