Matériau ancien
Un matériau ancien est un matériau dont la composition et les propriétés sont significativement affectées par sa trajectoire historique. Il est donc souvent, réciproquement, utilisé comme marqueur historique ou environnemental dans des champs scientifiques comme l'archéologie, la paléontologie, l'histoire, l'histoire de l'art ou bien encore l'étude des paléoenvironnements.
Ce terme regroupe donc dans un même cadre des matériaux identifiés dans ces différents champs, en particulier sous les intitulés paléomatériaux, matériaux du patrimoine ou archéomatériaux[1].
Historique du terme
modifierSi le terme est utilisé depuis les années 1930 dans une acception « classique », l'usage du terme dans son sens précis s'est développé dans les années 2000 partant de la constatation que des matériaux issus de ces différents champs scientifiques partageaient des propriétés communes[2]. Ces matériaux peuvent donc être pensés dans un cadre commun. Ils partagent ainsi des aspects concernant, par exemple, leur analyse et leur caractérisation physico-chimique[3],[4],[5],[6],[7],[8], l'analyse des données générées lors de leur caractérisation, le développement de nouveaux procédés paléo-inspirés[9],[10], ou bien encore la compréhension de processus de vieillissement et d'altération sur un temps long[11].
Spécificités
modifierL'utilisation du terme matériau ancien vise à marquer une distance par rapport aux catégories usuelles de la chimie (notamment la distinction entre chimie organique et chimie minérale), de la physique et des sciences des matériaux, pour mettre l'accent sur leur caractère composite ou polycristallin. En effet, les propriétés (optiques, structurales, etc.) des matériaux anciens sont généralement très fortement influencées, voire dominées, par la présence de défauts de structure cristalline, d'éléments traces (voir par exemple le cas des éléments traces métalliques), de phases minérales traces, etc. Ils présentent donc une réactivité et des propriétés notablement différentes des composés purs les plus proches.
Ces spécificités concernent aussi bien des matériaux d'origine biologique, que minérale ou synthétique. Elles sont transverses aux classifications usuelles liées à l'origine de ces matériaux.
Capacités d'enregistrement
modifierLes transformations physico-chimiques au cours du temps, qu'elles soient initiées par les actions humaines (anthropiques ) ou des phénomènes environnementaux, peuvent être enregistrées par ces matériaux. Elles se traduisent alors sous la forme d’hétérogénéités de composition, de structure, de topographie, etc. Ces matériaux archivent donc des informations sur leurs états passés : étapes de production / de formation, mise en forme, usure / usage, altération, éventuels traitements de restauration. Leur analyse chimique permet donc de recueillir des informations sur ces étapes du cycle de vie du matériau. Les spécialistes des paléoclimats peuvent ainsi considérer certains de ces matériaux comme des proxies.
L'étude des matériaux anciens est fortement conditionnée par leurs spécificités en termes de composition et de morphologie[12]. Ces études sont en effet confrontées :
- à une hétérogénéité à différentes échelles spatiales (multi-échelle),
- à la présence de traces de l'altération qu'ils ont subie, tant sur des épisodes courts qu'au temps très long, notamment lors des processus liés à l'enfouissement,
- à des contraintes d'interprétation liées à un échantillonnage limité, ce qui confère aux échantillons un caractère particulièrement rare ou précieux, et requiert des étapes de validation statistique.
Emploi du terme
modifierOutre son emploi croissant dans le cadre des publications scientifiques, le terme a été employé pour désigner des réseaux de recherche comme le domaine d'intérêt majeur Matériaux anciens et patrimoniaux de la Région Île-de-France, un laboratoire comme l'Institut photonique d'analyse non-destructive européen des matériaux anciens (IPANEMA)[13],[14] du CNRS et du ministère de la Culture.
Le terme a également été employé pour désigner plusieurs conférences, événements scientifiques et programmes de recherche[15],[16],[17].
En particulier, l'Académie des sciences a consacré à la thématique Sciences et matériaux anciens[18] un atelier interdisciplinaire en juillet 2017.
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierNotes et références
modifier- Guillaume Dupuis, Martine Regert et Maria Guerra, Physico-chimie des matériaux archéologiques et culturels, (lire en ligne)
- « Les sciences du patrimoine en plein renouveau », sur CNRS Le journal (consulté le )
- Étienne Anheim, Mathieu Thoury et Loïc Bertrand, « Micro-imagerie de matériaux anciens complexes (I) », Revue de Synthèse, vol. 136, nos 3-4, , p. 329–354 (ISSN 0035-1776 et 1955-2343, DOI 10.1007/s11873-014-0249-8, lire en ligne, consulté le )
- (en) Loïc Bertrand, Mathieu Thoury et Etienne Anheim, « Ancient materials specificities for their synchrotron examination and insights into their epistemological implications », Journal of Cultural Heritage, vol. 14, no 4, , p. 277–289 (DOI 10.1016/j.culher.2012.09.003, lire en ligne, consulté le )
- F. Gugliermetti, F. Bisegna et L. Monti, « The “ID card” of ancient materials: spectral signature, colour and thermal analysis. A tool for the monitoring and conservation of the archaeological heritage », JAIC-Journal of the International Colour Association, vol. 8,
- Rémy Chapoulie, Bruno Bousquet, Ferrier Catherine et Delphine Lacanette, « Studying ancient materials with multi-physics for preventive purposes. The case of prehistoric wall paintings. », LAPHIA Cluster of Excellence Symposium, (lire en ligne, consulté le )
- Vanna-Lisa Coli, Didier Binder, Laure Blanc-Féraud et Serge X. Cohen, « Multiscale Tomography. Imaging and Modelling Ancient Materials », Winter school IHP The Mathematics of Imagining, CIRM - Centre International de Rencontres Mathématiques, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Loïc Bertrand, Sebastian Schöeder, Demetrios Anglos et Mark B. H. Breese, « Mitigation strategies for radiation damage in the analysis of ancient materials », TrAC Trends in Analytical Chemistry, vol. 66, , p. 128–145 (ISSN 0165-9936, DOI 10.1016/j.trac.2014.10.005, lire en ligne, consulté le )
- « Les matériaux anciens, au cœur des enjeux environnementaux et sociétaux de demain? », sur Le HuffPost, (consulté le )
- « Paléo-inspiration : quand le passé invente le futur », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- CEA, « Des modèles de corrosion pour prédire le comportement de déchets radioactifs stockés en profondeur », sur CEA/Fabrique de savoirs, (consulté le )
- Loïc Bertrand et Didier Gourier, « Avant-propos : Une physique des matériaux anciens », Reflets de la Physique, vol. 63, , p. 4 (DOI 10.1051/refdp/201963004, lire en ligne, consulté le )
- « 📰 Ipanema, plateforme européenne d'étude des matériaux anciens », sur Techno-Science.net, (consulté le )
- « Au Synchrotron Soleil, dans l’intimité des œuvres d’art », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
- « Lumière sur les matériaux anciens | Centre de rayonnement synchrotron français », sur www.synchrotron-soleil.fr (consulté le )
- tsiory, « Ancient materials Training School », sur g-i-d.org (consulté le )
- (de) « 'New techniques for ancient materials' – Scientific investigation of cultural objects and their degradation processes by synchrotron and simulation techniques », sur www.bfh.ch (consulté le )
- « Atelier Sciences et matériaux anciens | Colloques, conférences et débats | Encourager la vie scientifique », sur www.academie-sciences.fr (consulté le )