Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.
264
REVUE DES DEUX MONDES.

dans la prison de Gênes dicter cette relation, dont la véracité a été long-temps contestée par l’ignorance, et n’a été reconnue que quand les récits de Messer Milione ont pu être vérifiés par le témoignage que les monumens chinois lui ont rendu.

Le voyageur chinois parle avec admiration de plusieurs monumens d’or, c’est-à-dire dorés. On reconnaît là le goût de ces peuples pour couvrir d’or ou d’argent leurs édifices et leurs statues, goût qui ne leur a point passé : au contraire, il paraît que depuis la découverte de l’Amérique une assez grande partie des métaux précieux du Nouveau-Monde s’écoule dans l’Inde orientale, où ils sont employés avec profusion à dorer ou à argenter des ponts, des tours, des statues colossales de Bouddha ; singulier emploi de ces richesses qui, tirées d’Amérique, après avoir circulé dans toute l’Europe, et presque achevé le tour du monde, vont s’engloutir au-delà du Gange, dans des contrées presque inconnues, pour y faire resplendir des idoles et des pagodes.

Du reste, les observations que renferme ce voyage, quelquefois étranges au point de n’avoir pu être traduites qu’en latin, d’autres fois provoquant un sourire par leur naïveté, sont détaillées et offrent le caractère de la plus stricte véracité. Cet échantillon montre ce qu’on peut puiser de connaissances géographiques dans les écrivains chinois, sur des pays qu’il est plus facile pour eux que pour nous de visiter.

Outre ce que j’ai dit des volcans de l’Asie centrale, ce que M. Rémusat a fait de plus remarquable en ce genre, c’est d’avoir déterminé de son cabinet l’existence douteuse pour les navigateurs d’un groupe d’îles dans la mer du Japon.

M. Rémusat traita l’histoire comme la géographie ; il s’occupa beaucoup moins de l’histoire chinoise que de celle des peuples voisins, encore plus ignorée. C’est surtout celle des nations tartares qu’il s’est efforcé de retrouver, s’aidant tantôt de la comparaison de leurs langues, tantôt de textes chinois. Ces peuples n’ont presque point de monumens un peu anciens ; leurs destinées nomades n’ont pas laissé plus de traces dans l’histoire que n’en laissent leurs tentes voyageuses aux lieux où elles passent. La Chine au contraire, en possession depuis tant de siècles d’une organisation régulière, la Chine, centre fixe de ce monde errant, a sauvé de leurs annales