Quiconque espère en la puissance de son propre bras, sera confondu et n’obtiendra point la victoire : quiconque se repose avec confiance sur la multitude de ses gens, loin d’être à l’abri du danger, tombera en péril de mort. Quiconque s’enorgueillit de ses richesses en or et en argent, subira l’opprobre et la désolation avant que son avarice soit satisfaite. Voilà ce que nous lisons dans les Écritures[1]…
« C’est une victoire sans honneur que de vaincre son frère, que de faire tomber dans l’humiliation une famille de parens, et de ruiner la propriété fondée par nos ancêtres. En se battant l’un contre l’autre, c’est contre eux-mêmes qu’ils combattent, chacun d’eux travaille à détruire sa propre puissance, et l’ennemi qui les regarde et qui approche se réjouit en voyant qu’ils se perdent… Nous lisons que la reine Esther fut l’instrument de Dieu pour le salut de tout un peuple : faites éclater votre prudence et la sincérité de votre foi, en détournant le seigneur roi Sighebert d’une entreprise condamnée par la loi divine, et en faisant que le peuple jouisse du bien de la paix, jusqu’à ce que le juge éternel prononce dans sa justice. L’homme qui mettrait de côté l’affection fraternelle, qui mépriserait les paroles d’une épouse, qui refuserait de se rendre à la vérité, cet homme, tous les prophètes élèvent la voix contre lui, tous les apôtres le maudissent et Dieu lui-même le jugera dans sa toute-puissance[2]. »
Le sentiment de tristesse empreint dans chaque phrase de cette lettre, la gravité un peu hautaine du style, et jusqu’à cette manière dédaigneuse de parler des rois sans les nommer, tout cela avait quelque chose d’imposant ; mais tout cela fut inutile. Brunehilde possédait au plus haut degré ce caractère vindicatif et implacable dont la vieille poésie germanique a personnifié le type dans une
- ↑ Propterea hæc dolens scribo, quia video qualiter præcipitantur et reges et populi, ut Dei incurrant offensam… Script. rerum francic., tom. IV, pag. 81.
- ↑ Inhonesta victoria est fratrem vincere, domesticas domos humiliare, et possessionem à parentibus constructam evertere. Contra semetipsos pugnant, suamque felicitatem exterminant : de suâ perditione gaudet accelerans inimicus. Script. rerum francic., tom. IV, pag. 81.