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génie humain, c’est le finale du premier acte. Aujourd’hui il y a pour les finales une sorte de patron sur lequel chacun se règle. Il en est des finales comme des cavatines, ils se divisent en trois points : une introduction où les voix s’engagent, un adagio que chacun dit à tour de rôle, une strette plus ou moins originale, mais toujours bruyante, où les chœurs entrent à grands renforts d’ophicléides, de trombonnes et de timballes. Telle est la forme usitée de notre temps en Italie, en Allemagne, en France. Or, dans les Noces de Figaro, Mozart ne s’y prend pas de la sorte. L’intérêt s’accroît insensiblement ; les personnages entrent l’un après l’autre chacun sur une ritournelle qui le peint d’un trait. C’est prodige comme cette musique se transforme, varie et prend en un clin d’œil le caractère du nouveau venu. Ingénieuse et vive avec Figaro, égrillarde et maligne avec Suzanne, ironique avec le comte, bouffe avec le jardinier ivrogne ; tantôt elle s’embrouille tantôt se dévide et suit l’action avec une exactitude ponctuelle. Ce finale vaut à lui seul toute une partition, tant l’ordonnance en est simple et grandiose, tant les caractères y sont traités avec puissance, tant la vie y circule de toutes parts. Quant à l’orchestre de Mozart, après toutes les extravagances de l’école moderne, on se sent ravi d’aise à l’écouter. On dirait un lac mélodieux où se reflètent toutes les merveilleuses fantaisies de la voix. En un mot, c’est l’orchestre de Mozart ; que peut-on ajouter de plus ? un orchestre dont tout le secret repose dans la rencontre des mélodies, et qui n’a que faire des stériles et laborieuses combinaisons de la science nouvelle.

Tel est le chef-d’œuvre qu’on a voulu reprendre à l’Odéon. La tentative a mal réussi ; on devait s’y attendre. Les chanteurs italiens d’aujourd’hui ne comprennent plus rien à Mozart. Les habitudes de vocalisation extravagante que la facilité vraiment déplorable des maîtres nouveaux leur laisse contracter, leur manière aisée d’en agir avec les inspirations qu’on leur livre, et de les modifier selon qu’il plaît à leur gosier, le besoin excessif d’applaudissemens qui les préoccupe ; tout, enfin, contribue à les pousser à mille lieues des sphères si calmes de cette musique idéale, pure comme l’or, mais qui veut être respectée dans son texte et sa note. Il en est un peu des partitions de Mozart comme des tragédies de Racine ; il faut, pour cette harmonie admirable, une fraîcheur d’organe, un sentiment des choses délicates et simples, qui ne résistent pas au contact des inventions modernes. Il serait aussi fou de vouloir surprendre Mozart dans l’Elisir d’Amore ou Roberto Devereux, que de vouloir trouver les secrets de Racine dans le Tyran de Padoue ou la Tour de Nesle. Pour nous, en France, la dernière dona Anna, la dernière comtesse Almaviva, fut la Sontag. Mais la Sontag était Allemande et savait de cette musique bien des choses que les Italiens ignorent. Au moins en Allemagne les traditions du génie sont conservées, et certes vous ne trouveriez pas une si mince capitale de petit duché où l’on n’exécute plus dignement le chef-d’œuvre de Mozart qu’au Théâtre-Italien de Paris. Si les voix rares et les biens illustres manquent, au moins le sentiment de cette royale musique et les honneurs qu’on lui doit n’y font jamais défaut. En général, lorsqu’il s’agit d’un immortel chef-d’œuvre du génie humain, on ne saurait trop se méfier des voix su-