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Cette journée s’acheva plus tristement encore pour le docteur Herbeau, car c’est toujours à l’aimable docteur qu’il nous faut revenir. Il rentra dans Saint-Léonard, non pas radieux comme la veille, mais sombre, inquiet, jaloux, et tout agité de pressentimens funestes. Il apprit avec une secrète joie que M. Riquemont était retourné seul au château ; il en conclut aussitôt que M. Savenay ne l’avait point accompagné. Mais qu’il était loin de s’attendre au coup terrible que venait de lui porter en ce jour l’apparition du châtelain à Saint-Léonard ! Certes, il eût mieux valu pour Aristide que sa maison eût croulé dans les flammes, ou que ses champs eussent disparu sous les eaux débordées de la Vienne.

On se rappelle que Saint-Léonard s’était vivement préoccupé, plusieurs jours à l’avance, de la consultation qui devait avoir lieu au château de Riquemont ; les amis et les ennemis d’Aristide en attendaient le résultat avec une égale impatience. Dès le soir de cette mémorable journée, la grande nouvelle avait couru de rue en rue et s’était bientôt répandue dans toute la ville. Partout, dans les salons, dans les cafés, au théâtre, — Mme Saqui donnait alors des représentations à Saint-Léonard, — il n’avait été bruit que des avantages remportés par le docteur Herbeau. En moins d’un instant, l’étoile d’Aristide, perçant les nuages qui commençaient à la voiler, avait reparu brillante d’un nouvel éclat, et celle de Savenay, si lumineuse à son lever, s’était éclipsée dans la brume. Décidément, le docteur Herbeau était encore le plus grand médecin qui se put rencontrer, et, quoiqu’on s’intitulât modestement de la faculté de Montpellier, on était de taille à se mesurer avec la faculté de Paris. Il faisait beau voir qu’un blanc-bec comme M. Savenay, à peine échappé des bancs de l’école, osât se poser en rival de ce patriarche de la science. Qu’était-il besoin d’ailleurs d’un nouveau médecin à Saint-Léonard ? M. Herbeau ne suffisait-il pas à toutes les exigences ? Se souvenait-on qu’un malade eût succombé dans la contrée, faute des soins du docteur Herbeau ? Colette n’était pas si vieille qu’on voulait bien le dire ; il est vrai qu’elle boitait, mais s’agissait-il de porter son maître au chevet des souffrans, comme la bienfaisance, Colette avait des ailes.

Et puis, songez qu’il en est d’un médecin comme d’un confesseur, et que la confiance ne se déplace pas en un jour. Livre-t-on au premier venu la santé de son corps plutôt que le salut de son ame ? M. Herbeau connaissait les influences du climat, les variations de la température, la qualité des eaux, la nature du sol, la manière de vivre des indigènes, leurs besoins, leurs mœurs et leurs habitudes.