semble de croyances sociales et politiques de l’école doctrinaire, dont M. Royer-Collard est aussi le chef ?
M. de Biran n’avait pas songé à renouveler la philosophie, mais tout simplement à poursuivre pour lui-même le cours de ses études philosophiques. Quand il découvrit son grand principe, et qu’il en aperçut pour la première fois les conséquences, il éprouva peut-être le besoin de communiquer sa découverte à des hommes compétens pour s’y fortifier lui-même et l’approfondir de plus en plus par leur concours ; mais il resta indifférent à l’avenir de ses propres idées, et ne se passionna ni pour leur fortune, ni pour la gloire qu’il pouvait acquérir par leur moyen. Quelque grande qu’ait été son influence, il est certain du moins qu’elle a été tout involontaire. S’il se jugeait bien lui-même, et on ne peut guère en douter, il savait que tout lui manquait pour attirer à lui la foule, et il avait trop de circonspection pour essayer ou même pour désirer l’impossible. Il ne songea pas à chercher dans ses amis le secours qu’il ne pouvait se prêter à lui-même : ils ont propagé ses doctrines avec les leurs ; mais la révolution qu’ils ont ainsi faite, il ne l’a ni provoquée, ni souhaitée. Il aimait la philosophie pour la connaître, et non pas pour la répandre. Jamais peut-être à un amour aussi fervent pour la science ne fut unie une insouciance aussi parfaite à lui gagner des prosélytes.
Dès la première leçon de M. Royer-Collard à la Faculté des Lettres, M. de Biran fit partie de son auditoire qu’il ne quitta plus. Sans la grande et évidente supériorité du maître, ce cours, devenu si célèbre, aurait moins ressemblé à un cours public qu’à une lecture dans une académie. Le professeur n’improvisait pas ; son discours, plein de noblesse, était austère et sans ornement. Il suivait une doctrine toute nouvelle en France ; c’était la philosophie de Reid, mais elle prenait, dans sa bouche, la fermeté et la précision qui lui manquent. Le petit nombre d’auditeurs qui entouraient cette chaire étaient des hommes déjà célèbres, ou qui ne tardèrent pas à le devenir. On voyait bien, à la nouveauté et à la gravité de cet enseignement, qu’il se fondait là une école. Ce qui arrive toujours quand un enseignement a de l’importance, chaque leçon était discutée par les auditeurs au sortir du cours ; et comme ils étaient tous philosophes, ces discussions profitaient à la science et éclairaient le professeur lui-même. M. de Biran, qui voyait là une méthode large et sûre, des observations bien faites, des principes féconds, une exposition grave et lumineuse, était des plus assidus aux leçons, et prenait une part active aux conversations animées dont elles devenaient le texte. Il