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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

fera tous ses efforts pour déterminer Méhémet-Ali à se prévaloir de la communication que l’amiral Stopford a ordre de lui porter, et il ne doute pas du succès, si Saint-Jean-d’Acre est tombé ou est à la veille de tomber dans les mains des alliés. »

Ainsi, les puissances nous refusaient tout, et la France ne leur refusait rien ! Ce concours moral de la France, que lord Palmerston avait sollicité le 17 juillet, en communiquant à M. Guizot la nouvelle du traité conclu depuis deux jours, et que M. Guizot lui-même, au nom de M. Thiers, avait déclaré n’être pas une obligation pour nous ; cette influence que M. le ministre des affaires étrangères, agissant cette fois comme membre du gouvernement, se défendait encore, le 6 novembre, d’employer auprès de Méhémet-Ali, à moins qu’une compensation quelconque ne fût offerte à la France, il l’accordait dix jours plus tard sans compensation, au service d’un arrangement qui n’était pas aussi favorable au pacha que le traité de juillet, avant de connaître la prise de Saint-Jean-d’Acre, et après des affronts réitérés ! Dès le 16 novembre, M. Guizot abandonnait la note du 8 octobre et la position prise, dans cette note, par le gouvernement français ! Ce que nous avions maintenu comme un droit, il le demandait comme une faveur, et contraignait Méhémet-Ali à le demander ! Quelle reconnaissance plus formelle des prétentions écrites dans le traité du 15 juillet ! Ce jour-là, M. Guizot a soumis la France à la dictature de la coalition ; il a ratifié lui-même l’abaissement de son pays ! M. Passy était donc dans le secret du ministère actuel, lorsqu’il faisait entendre ces sinistres et humiliantes paroles : « M. Thiers vient de nous dire tout à l’heure : « Posez un principe certain ; déclarez que vous maintiendrez le pacha d’Égypte en possession de l’Égypte même. » Eh bien ! messieurs, quant à moi, je reste convaincu que la chambre ne pourrait pas commettre, dans l’intérêt même du pacha d’Égypte, une plus haute imprudence. »

Au moment où M. Guizot se gardait bien de commettre cette imprudence, Méhémet-Ali, avec une confiance que notre gouvernement ne méritait plus, se mettait à la discrétion de la France. Voici la lettre que le vice-roi écrivait, le 11 novembre, au roi des Français. Ce document historique a une trop grande valeur pour que l’on s’étonne de le trouver reproduit ici textuellement et dans toute son étendue.

« Sire,

« Je sens le besoin d’exprimer à votre majesté la reconnaissance dont je suis pénétré. Depuis long temps le gouvernement du roi m’a témoigné de l’in-