paraît hors de doute qu’il existe des états qu’aucune considération ne pourra décider à se soumettre à un principe nouveau, d’une si haute importance. Dès-lors, on ne peut se dissimuler qu’il faut chercher dans un système différent le moyen d’extirper le commerce des noirs. » Et à la suite de ces réflexions, le cabinet russe proposait l’établissement, sur la côte d’Afrique, d’une sorte de chevaliers de Malte, recrutés parmi toutes les nations, qui auraient pour mission de courir sus aux bâtimens négriers, et qui, suffisans pour cette tâche, seraient cependant trop faibles pour abuser de leur droit, et pour exciter les ombrages des puissances dont ils tiendraient leur pouvoir[1].
Repoussée à Aix-la-Chapelle, l’Angleterre revint à la charge à Vérone, dans le congrès qui avait pour but les affaires de la Grèce et de l’Espagne. Elle demanda de nouveau que le droit de visite réciproque fût consenti, et ne réussit pas mieux. M. de Châteaubriand répondit pour la France, « que si celle-ci pouvait consentir à ce qui lui était demandé, cette concession aurait les suites les plus funestes. Le caractère national des deux peuples anglais et français s’y opposait ; s’il était besoin de preuve à l’appui de cette opinion, il suffirait de se rappeler que cette année même, en pleine paix, le sang français avait coulé sur le rivage d’Afrique. La France reconnaissait la liberté des mers pour tous les pavillons. Elle ne réclamait pour elle que l’indépendance qu’elle respectait dans les autres, et qui était nécessaire à sa dignité. »
Les États-Unis avaient été sollicités dans le même temps d’accorder leur adhésion, et on put croire un moment qu’ils céderaient. Leur ministre à Londres signa, en 1824, une convention qui consentait, dans certaines zones, le droit de visite réciproque ; mais, quand le traité arriva aux États-Unis, il fut repoussé par l’opinion. La vieille aversion pour le droit de visite se réveilla dans toute sa force, et le sénat, auquel appartenait la ratification du traité, y mit deux conditions : l’une que les mers d’Amérique seraient retranchées de celles où pouvait s’exercer le droit de visite, l’autre que le traité pourrait être toujours résilié à la volonté des parties en prévenant six mois d’avance. De telles restrictions équivalaient à un refus de ratification ; on ne put s’accorder avec le gouvernement anglais, et le traité n’eut pas d’autre suite.
Telle était la situation des choses quand la révolution de 1830 éclata
- ↑ Supplément aux Traités de Martens ; Goettingue, 1842, t. III, p. 100.