de la Gironde ; nous allons voir les nouveaux jacobins. Il garde encore du moins ce nom de Dieu qui rassure partout où on le trouve : l’athéisme fut franchement proclamé. C’est dans les Annales de Halle que les jeunes hégeliens développèrent les extrêmes conséquences de leur philosophie. Les Annales de Halle commencèrent à paraître en 1838. Elles n’avaient pas d’abord de tendance très déterminée : rédigées avec un grand talent, elles devinrent bientôt une des revues les plus importantes de l’Allemagne. Les affaires de Cologne leur donnèrent une couleur plus décidée. Görres avait, dans son Athanase, soutenu avec fanatisme les droits de Rome. Léo, professeur d’histoire à Halle, défendit avec non moins de violence le principe protestant. Ruge, directeur des Annales et de la gauche hégelienne, fit une critique de sa brochure ; Léo riposta par un libelle contre les jeunes hégeliens. Ceux-ci se prononcèrent dans les Annales sans plus de réserve, et y attaquèrent ouvertement le christianisme : ce fut un devoir pour qui ne partageait pas ces vues extrêmes de rompre avec eux. Les Annales passèrent dès-lors sous l’influence exclusive de la gauche, et dévièrent de plus en plus vers une polémique aveuglément passionnée.
Il ne fut plus besoin, pour y écrire, d’avoir fait ses preuves dans les lettres ou les sciences : il ne fallait que s’approprier quelques formules de Hégel, jurer foi au drapeau, et s’inspirer de toutes les passions du parti. Le gouvernement prussien s’était d’abord montré favorable à l’école de Hégel ; le ministre d’Altenstein lui avait donné l’hégémonie dans les universités de la Prusse. Mais ces dispositions avaient changé depuis l’avénement du roi actuel : la Prusse ne fut plus dès-lors, pour les Annales, le pays des lumières et de l’intelligence ; elles ne cachèrent pas plus leur pensée sur la monarchie que sur le christianisme, et prirent pour mot d’ordre liberté absolue dans tous les sens. Il survint ainsi des difficultés qui forcèrent le rédacteur à quitter Halle pour Dresde, et la revue devint une feuille quotidienne sous le titre d’Annales allemandes. La nouvelle feuille ne garde plus aucune retenue. Les Annales ne sont guère aujourd’hui qu’un pamphlet périodique ; leur ton est dédaigneux et arrogant, leur critique haineuse et virulente ; c’est de la colère plus que de la science. Il suffit de la chair et du sang pour penser ainsi, il ne faut pas de la philosophie, disait à ce propos Marheineke. Leur parole est juvénile, emportée, hautaine et mordante, je voudrais dire spirituelle ; mais les écrivains des Annales prennent l’insulte pour de la malice, et le pugilat pour la lutte : de la frivolité ils ont la suffisance sans la grace ;