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le rendra plus. Désormais sans contrepoids, M. de Villèle se trouva lui-même plus impuissant à mener son parti, et peu à peu le gouvernement de la restauration dégénéra en une obéissance forcée aux exigences les plus folles. La réaction constitutionnelle de la France en 1827 rendit impossible le maintien de M. de Villèle au pouvoir.

Ainsi les deux hommes principaux de la restauration se trouvaient désarmés : ils ne pouvaient plus rien pour elle. L’un, par une opposition vive, s’était aliéné les bonnes graces de la royauté, l’autre était condamné momentanément à l’inaction. C’est alors qu’on put juger de quel poids peuvent être dans les destinées d’un peuple le caractère et l’esprit d’un roi, même d’un roi constitutionnel, appelé d’intervalle en intervalle à se prononcer entre les mouvemens des partis. Le cours naturel des choses ramenait au pouvoir le centre droit, puis le centre gauche. Maintenir aux affaires M. de Martignac le plus long-temps possible, y appeler M. Casimir Périer quand les exigences constitutionnelles auraient parlé, telle était la conduite indiquée à la couronne tant par la charte que par les intérêts les plus vrais de la monarchie. Mais Charles X, au lieu d’agir en roi, conspira comme un émigré.

Que fût-il advenu si la maison de Bourbon ne se fût pas mise elle-même en dehors de la constitution ? Les douze années écoulées depuis 1830 autorisent ici d’assez plausibles conjectures. Une partie considérable de l’opposition constitutionnelle, et c’était la plus intelligente, adhérait en 1828, avec une loyale franchise, au gouvernement des Bourbons. Beaucoup de ceux qui, six ou sept ans auparavant, avaient pu demander la chute de la dynastie à des associations et à des menées secrètes, avaient renoncé à ces pensées étroites et haineuses ; les esprits s’étaient à la fois élevés et calmés. Il y avait d’ailleurs derrière les chefs de l’opposition constitutionnelle, derrière les orateurs et les publicistes en renom, toute une jeunesse que son âge et son caractère séparaient des préjugés et des complots du vieux libéralisme. Nous n’avions au cœur de haine contre personne, et c’est sans déplaisir aucun que nous voyions sur le trône constitutionnel les descendans de Louis XIV. Nous ne demandions qu’à user librement de nos facultés et de nos droits, à respirer l’air de notre siècle ; mais aussi, quand nous vîmes qu’on voulait nous étouffer entre les souvenirs de Coblentz et les stupides entraves de la congrégation, à notre impartialité succéda une indignation violente.

Si la gauche constitutionnelle eût été appelée au pouvoir par