plement d’arranger avec art la phraséologie apprise dans les écoles, ils exprimaient les souffrances de leur amour en comptant les flèches que leur avait lancées Cupidon. On ne cessait de parler alors des dieux de l’olympe et des héros de la Grèce, mais ces héros et ces dieux arrivaient en Allemagne comme des fils de bonne maison qui venaient de faire leur éducation en France et qui en rapportaient les formes de langage les plus raffinées et les modes les plus récentes. Homère et Sophocle, en les voyant passer, ne les auraient pas reconnus.
On sait quelle réforme éclatante Klopstock, Voss, Lessing, Wieland, opérèrent, vers le milieu du XVIIIe siècle, dans cette prétendue imitation de l’antiquité. Après eux vinrent Goethe et Schiller, ces deux nobles poètes qui surent si bien allier le génie de l’école grecque avec celui des temps modernes. Déjà on commençait à revenir des préjugés qui avaient détourné l’attention des œuvres du moyen-âge ; mais ce mouvement d’études rétrospectives se manifesta surtout lorsque l’Allemagne, lasse de courber la tête sous la main de fer qui l’avait long-temps asservie, se leva tout à coup, engagea la lutte, et prit pour appui le passé. Gœrres, nouveau prophète, frappa la roche des siècles germaniques et en fit jaillir une nouvelle source vivifiante. L’impulsion une fois donnée, tous les poètes, tous les patriotes allemands se précipitèrent vers cette époque si oubliée, si méprisée naguère, et qui apparaissait tout à coup si brillante et si riche. Alors on entendit la harpe des Minnesinger chanter comme autrefois les beautés de la nature et les charmes de l’amour mystique. Alors l’épopée des Niebelungen sortit de son cercueil de fer, et le glaive à la main, le casque sur la tête, fit résonner dans toute l’Allemagne l’éclat de sa voix farouche et le lamentable récit de son drame de sang. Oh ! ce fut une grande et noble époque, celle où le patriotisme germanique éveillait dans leur tombe tous ces empereurs et tous ces héros pour les conduire sur un nouveau champ de bataille, pour se fortifier par le souvenir de leur gloire et de leurs exploits. En quelques jours, l’Allemagne avait franchi six siècles. La veille, encore, elle essayait de se faire légère et rieuse ; elle imitait les galanteries de la France et rimait des madrigaux ; le lendemain, elle rejetait l’habit à paillettes pour la cotte de mailles ; elle venait de prendre, comme Vonved, le héros des chants danois, l’épée de ses aïeux dans les entrailles de la terre, et la bannière des Hohenstaufen dans les arceaux des cathédrales.
Quand on voit comment l’école du moyen-âge s’est formée et sur quelles bases elle repose, on comprend l’éclat qui l’entoure et l’ascendant qu’elle exerce. Cette école tient à tout ce qu’il y a de plus profond et de plus vivace dans le caractère des Allemands, à leur gloire littéraire et historique, à leur sentiment de nationalité. Elle compte, du reste, parmi ses prosélytes, les hommes les plus distingués de l’Allemagne moderne. Grimm, Van der Hagen, Gœrres, ont mis à son service le fruit de leurs laborieuses études ; Burger lui a donné deux de ses chants les plus populaires ; Goethe et Schiller lui doivent quelques-unes de leurs plus charmantes inspirations ; Auguste et Frédéric