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LA SOCIÉTÉ ET LE SOCIALISME.

et de couvrir d’un vernis d’érudition les fluctuations et l’indigence de leur pensée.

C’est surtout dans cet état nouveau que le socialiste est devenu dangereux. Les véritables inventeurs, avec la foi qui les anime, appellent la discussion et ne font pas consister leur talent à la fuir. Ils confessent hardiment, clairement, leurs doctrines, et apportent dans le débat une sincérité qui les honore. Il n’en est pas de même des socialistes que nous avons en vue : ils aiment à s’escrimer dans l’ombre, et, quand on les presse trop vivement, ils s’enveloppent de leurs nuages. Leurs adeptes même ne réussissent pas à les tirer de ce silence prudent, lorsque leur impatience les somme enfin de formuler ce qu’ils sont, ce qu’ils veulent. Que prétendent-ils donc ? Réformer la société ? Mais quelle est alors celle qu’ils espèrent mettre à la place ? En prendraient-ils les élémens dans la sphère des médiocrités jalouses, des vanités implacables, des ambitions déréglées, des préventions sans limites ? À la surface de toute civilisation flottent des illusions juvéniles et des éblouissemens de l’orgueil que l’on prend volontiers pour de la force : est-ce sur ces types exceptionnels que l’on se propose de modeler l’établissement humain ? On aura alors un monde de docteurs indisciplinés et de sophistes intraitables. Livrer le gouvernement à des esprits qui ne savent pas se gouverner eux-mêmes, c’est une grave responsabilité et une entreprise pleine de périls. La singulière réforme que celle qui mettrait le vertige en haut de la hiérarchie et donnerait aux populations, comme inspirateurs et comme guides, des hommes ivres de leurs mérites et livrés à tous les écarts de l’amour-propre !

Dans la voie des invectives, les romanciers qui ont suivi le mouvement socialiste n’ont pas moins d’emportement et d’opiniâtreté. C’est là un singulier spectacle. Voici une nation qui se meut dans la sphère de ses droits et de ses devoirs, une nation affairée et attentive à ses intérêts, une nation passionnée et qui n’est étrangère à aucune noble inspiration. Cette nation pense et agit, fonctionne et travaille, obéit aux faits sans négliger les idées ; elle assiste à son propre développement, se rend compte de sa vie ; elle a un sentiment complet de ce que sont chez elle, de ce que valent les lois, les mœurs, les usages, les relations de famille ; elle n’ignore ni les abus ni les inconvéniens de ce régime, et les déplore sans les exagérer. Acteur ou témoin, chacun, dans sa petite sphère, se crée ainsi une opinion suffisante et acquiert la conscience entière de l’ensemble des relations sociales. Eh bien ! à côté de cette grande