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obtenir une charte turco-russe que nous avons combattu tant d’années ? Est-ce pour cette œuvre de l’étranger qu’en 1835 nous avons marché sur Kragouïevats, et que, depuis une année, nous aiguisons nos sabres ? Nous aurions bien su nous venger ; qu’était-il besoin d’invoquer Mahmoud ou Nicolas, et de faire venir un consul russe ? C’étaient nous seuls qu’il fallait appeler contre le tyran. — En même temps, leurs regards se tournaient pleins de mépris vers Miloch, qui avait attiré à son pays la honte d’une intervention étrangère ; le prince lui-même se sentait humilié, et la rage, plutôt que le repentir, lui arrachait des larmes.

Laissant le visir et les beys turcs sous leurs tentes aux brillantes couleurs, le peuple rentra dans Belgrad, s’attroupa spontanément autour de la cathédrale, et demanda qu’on mît la charte des tsars en délibération : lui, peuple indépendant, voulait s’assurer si sa conscience lui permettait de la ratifier. Ce fier langage effraya les knèzes, qui accoururent haranguer les paysans, s’efforçant de leur prouver combien la charte était libérale. Voulant s’en convaincre par lui-même, le peuple exigea qu’on lui en distribuât des exemplaires ; puis, se disséminant en divers groupes, il se fit relire toute la constitution, article par article, approuvant celui-ci, rejetant celui-là et demandant qu’il fût effacé. « Mais les tsars ! criaient les sénateurs. — Ils n’ont rien à faire ici, répondaient les généreux montagnards. Évidemment les sénateurs n’étaient pas à la hauteur d’un tel peuple : la plupart des sovietniks, vieillards ou riches propriétaires, lassés d’une lutte de tant d’années, ne demandaient plus qu’à mourir en paix, heureux de pouvoir léguer à leurs fils les espérances d’une plus complète émancipation. D’un autre côté, les représentans du peuple étaient en trop petit nombre pour l’emporter ; malgré leurs protestations, on regarda la charte comme approuvée, et les amis du sénat firent insérer dans la Gazette d’Augsbourg que l’âge d’or commençait en Serbie, que quinze mille Serbes armés avaient écouté et couvert d’applaudissemens la charte des empereurs, que la loi avait tout réglé, la quotité de l’impôt, les appointemens de chaque employé depuis le ministre jusqu’au dernier secrétaire, enfin que l’assemblée nationale reprenait ses droits méconnus, etc. Or rien de tout cela n’était vrai, la skoupchtina de quinze mille Serbes se composait en réalité de douze ou quinze cents hommes du peuple fort mécontens ; les appointemens des fonctionnaires restaient soumis à l’arbitraire des ministres, et la charte nou-