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tionnelles des voix qui leur seraient complètement étrangères. Ne serait-il pas étrange et intolérable que le cabinet le plus étroitement lié au parti conservateur ne se soutînt que par le concours des suffrages les plus hostiles, et qu’il trouvât sa force dans les fautes qui le font considérer par nos ennemis politiques comme le plus propre à soutenir et à faire triompher leur cause ?

Depuis quelque temps, il s’est accrédité une opinion que le maintien du ministère fortifie malheureusement chaque jour, et qui menace notre avenir. C’est celle qui attribue toutes les fautes de notre gouvernement, non à des ministères passagers, mais à ce qu’on est convenu d’appeler le système. M. de Lamartine lui a porté l’appui de sa redoutable éloquence. Il est des hommes que leur dévouement égare au point de leur fermer les yeux sur les périls d’une pareille doctrine. On entend même des conservateurs répéter sans cesse qu’ils ne veulent point de changement de ministère, parce qu’il n’en résulterait aucune modification réelle dans la marche du gouvernement. Eux aussi semblent placer ailleurs la pensée qui régit nos affaires, et cette opinion, bien que fausse, prévaut dans l’esprit de certains députés inexpérimentés. Je désire vivement qu’elle soit démentie et convaincue d’imposture, car je n’en connais pas de plus dangereuse ; elle tend à déplacer la responsabilité, à prêter aux fautes du ministère une origine qu’elles n’ont point, et à porter les esprits logiques à chercher le remède dans les plus extrêmes mesures. La chambre doit s’empresser d’ôter tout prétexte à ces funestes imputations : en refusant au cabinet un vote d’adhésion, elle prouverait qu’à ses yeux lui seul répond de sa politique, et qu’elle compte sur ses successeurs pour rétablir à l’extérieur des relations compromises, à l’intérieur la confiance et l’harmonie si désirables entre les grands pouvoirs.


Un Député.