construction d’un système au travail de la pensée individuelle. Il est vrai que, dans cette transformation, on retrouve encore les traces du vieil homme ; une portion considérable du premier volume, qui présente une explication philosophique de la Trinité, a été visiblement conçue et en partie écrite quand l’auteur appartenait encore à la foi catholique ; on s’en aperçoit même à travers les variantes néo-platoniciennes à l’aide desquelles M. de Lamennais a remanié sa théorie. Mais en avançant l’auteur finit par se prononcer tout-à-fait : il nie le péché originel, il nie les miracles, il nie la divinité du christianisme. L’Esquisse d’une Philosophie, nulle comme édification d’idées positives, est remarquable comme œuvre de destruction ; quand on en a terminé la lecture, on est presque effrayé par le nombre des négations que l’écrivain a accumulées dans son livre ; c’est un amas de ruines. Quelque temps après, M. de Lamennais, dans ses Discussions critiques, prit soin pour ainsi dire de donner lui-même le commentaire de sa métaphysique aux moins clairvoyans. Ce recueil de quelques pensées détachées contient sur le christianisme les paroles les plus outrageantes et les plus amères : M. de Lamennais en accuse les sombres et sinistres doctrines d’être pleines d’absolues contradictions ; et il leur reproche de faire du monde présent comme le vestibule de l’enfer. Suivant lui, le christianisme n’est plus pour le clergé autre chose qu’une forme et qu’un intérêt, et il voit les catholiques, en se rencontrant dans les sentiers déserts du vieux monde, n’ayant rien à se dire que ce mot des trappistes : Frères, il faut mourir. Ainsi s’est accompli, dans M. de Lamennais, le détachement le plus entier d’avec l’antique foi dont il fut le ministre ; enfin tout a disparu, et dans cette ame il n’y a plus qu’un vide immense.
Cependant aujourd’hui M. de Lamennais veut chanter : que nous dira-t-il ? Je le vois qui s’éloigne avec une sorte de précipitation convulsive des autels du Christ ; en apercevant la croix, il a détourné la tête ; il cherche aujourd’hui d’autres dieux. Il promène ses regards sur les symboles et les images de toutes les religions qui ont passé sur le monde ; il y cherche une expression, une forme poétique dont il puisse s’accommoder : tout lui conviendra, hormis ce qui pourrait rappeler l’idéal chrétien. Son choix s’est arrêté sur le magisme. On n’ignore pas que dans l’antique religion des Perses, dont Zoroastre fut plutôt le réformateur que le fondateur, il y avait un empire de la lumière dans lequel régnait Ormuzd, et un empire des ténèbres dont Ahriman était le souverain. Le Zendavesta nous montre autour du trône d’Ormuzd sept amschaspands ou princes de la lumière, auxquels