pas très sensible au compliment, ou que, pressentant quelque largesse à faire, quelque nouvelle pension émarger (Scarron en touchait déjà une de la reine), il fit la sourde-oreille et trompa les espérances que le poète avait fondées sur sa dédicace.
L’admiration de Scarron pour le grand Jules fut immédiatement calmée, et il se fit dans sa manière d’apprécier le ministre écarlate une révolution complète. Ce fut dans cette disposition d’esprit qu’il fit la Mazarinade ; il est difficile d’aller plus loin en fait d’invectives et d’ordures : c’est du Juvénal, moins l’indignation honnête. À ne la considérer que sous le rapport littéraire, cette pièce, qui est fort longue, contient des morceaux très-remarquables de verve et d’esprit, mais de cet esprit affreux dont Catulle étincelle dans ses épigrammes contre Mamurra. Il lui reproche, entre autres crimes, et c’est sans doute le plus noir à ses yeux, d’avoir sa bourse fermée à ces gueux qu’on appelle poètes, si chéris du feu rouge-bonnet Richelieu, qui craignait sur toute chose de voir ses beaux faits ternis par ces divins affamés, il lui reproche le ballet d’Orphée, où tout le monde dormit, sa musique de châtrés, ses courtisanes, ses gardes, ses deux cents robes de chambre, ses extraits d’ambre et de musc, son jeu de hoc, ses amours doubles, où il se montre
et mille peccadilles du même genre, dont le cardinal, habitué aux licences des pamphlets, ne se fût pas autrement inquiété, lui qui avait pris pour devise : Qu’ils chantent, pourvu qu’ils paient ! Mais Scarron ne s’en était pas tenu là ; il avait raconté une aventure qui touchait au vif le cardinal, c’est-à-dire l’histoire de ses amours avec une fruitière d’Alcala, amours qui lui avaient valu des coups d’étrivières et fait perdre les bonnes graces de son patron le cardinal Colonna. Aucun détail n’est omis ; il raconte comment, chassé d’Alcala, Mazarin se sauve à pied et en fort mince équipage à Barcelone, d’où il regagne son pays comme il peut et recommence sa fortune en occupant la place de Ganimède auprès d’un Jupiter empourpré ; puis il lui jette à la face ses fautes et ses crimes politiques : il le tance de la simonie insolente qu’il fait des bénéfices, de Lerida deux fois manquée, de Courtrai d’où ses menées ont fait sortir la garnison, du fruit du combat de Lens perdu par sa lenteur, de la Catalogne désespérée, du duc de Guise mal logé dans Naples où on l’abandonne, du duc de Beaufort mis en cage, du vol du duché de Cardone, de l’empoisonnement du feu président Barillon, du parlement outragé, des Anglais qu’il laisse