dres, pressé par l’agent central de la caisse d’épargne de Paris de s’expliquer sur l’évènement possible d’une révolution, lui donna cette réponse : « Je ne ferai jamais entrer dans mes combinaisons le déluge universel. » Le monde a eu plusieurs déluges, et la France a déjà traversé deux révolutions ; or il est juste de proclamer qu’aucune institution vraiment utile n’a péri dans ces transitions violentes d’un gouvernement à un autre. Pourquoi donc la caisse d’épargne périrait-elle ? Cette providence sociale dont nous avons parlé plus haut, et qui est chargée de veiller sur les destinées des peuples modernes, doit prendre exemple sur la providence divine dont elle émane ; or celle-ci, loin de s’arrêter devant l’œuvre de la création aux idées de cataclysmes qui, à plusieurs fois, ont bouleversé la face du monde terrestre, n’a cessé au contraire d’y répandre à pleines mains les trésors de sa fécondité, sachant bien que derrière ces révolutions et ces désastres de la nature la vie reprendrait son cours, et l’ordre général des choses son immuable puissance.
L’administration de la caisse d’épargne de Paris occupa long-temps une aile de bâtiment qu’elle tenait de la générosité de la banque de France ; en 1841, le nombre toujours croissant des opérations l’obligea d’acheter un immeuble considérable qu’elle paya 460,000 francs. Rue Coq-Héron, en face de la poste aux lettres, s’élève un ancien hôtel, remarquable à l’extérieur par ses grandes proportions ; un corps de logis en pierre de taille développe deux ailes latérales qui se rejoignent par la porte d’entrée ; le style monumental de cet édifice particulier étonne surtout dans un temps comme le nôtre, où l’on ne bâtit plus que de chétives maisons ; son origine doit remonter à la fin du XVIIe siècle. Les titres de propriété constatent que cet hôtel a appartenu a un fermier-général allié, de la famille des Nicolaï ; plus tard, lorsque l’industrie et la spéculation eurent détrôné l’ancien système financier, trois frères vinrent s’installer à la place du fermier-général, et établirent sous ces murs une banque dont l’existence se termina par une ruine. Ces banquiers étaient les frères Enfantin. Dans le même hôtel s’écoulèrent les premières années de l’adolescence et de la jeunesse pour l’apôtre du saint-simonisme ; cet ancien édifice, berceau d’une doctrine qui promettait d’améliorer le sort matériel des classes ouvrières, sert maintenant de résidence à l’une des institutions les plus philanthropiques du XIXe siècle.
Les bureaux de la caisse d’épargne de Paris présentent l’image de l’ordre ; l’administration a trouvé le moyen d’y résoudre ce problème ardu : exécuter des travaux considérables au moyen d’un petit nombre