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POÈTES MODERNES DE L’ITALIE.

lorsqu’elles viendront à manquer, le détestable et inhabitable Recanati m’attend, si je n’ai pas le courage (que j’espère bien avoir) de prendre le seul parti raisonnable et viril qui me reste[1]

« Vous attendez peut-être que je vous dise quelque chose de la philologie romaine. Mais ma santé ici a été jusqu’à présent si mauvaise que je ne puis vous donner aucune information satisfaisante à ce sujet, étant obligé de garder presque toujours la maison. Il est bien vrai que j’ai souvent l’honneur de recevoir des visites littéraires ; mais elles ne sont pas du tout philologiques, et en général on peut dire que, si l’on sait ici un peu plus de latin que dans la haute Italie, le grec est presque ignoré et la philologie presque entièrement abandonnée en faveur de l’archéologie. Comment celle-ci peut-elle se cultiver avec succès sans une profonde connaissance des langues savantes ? je vous le laisse à penser. Il ne se trouve pas cette année à Rome de philologues étrangers de réputation. Je vois assez souvent le bon ministre de Prusse, le chevalier Bunsen, qui était ami du pauvre Niebuhr ; il réunit toutes les semaines chez lui une société de savans, dont je n’ai pu encore profiter à cause de ma santé et de la distance où il demeure… »

Mais voici un passage curieux, dans lequel, à l’occasion d’un article sur lui qu’avait inséré un journal de Stutgard, l’Hesperus, Leopardi, au beau milieu d’une lettre écrite en italien, s’exprime tout d’un coup en français, comme pour rendre plus nettement sa pensée et pour adresser sa profession de foi à plus de monde. Je laisse subsister les deux premières lignes en italien comme elles sont :

(Florence, 24 mai 1832.)

« Ho ricevuto i fogli dell’ Hesperus, dei quali vi ringrazio carissimamente. Voi dite benissimo ch’egli è assurdo l’attribuire ai miei scritti una tendenza religiosa. Quels que soient mes malheurs, qu’on a jugé à propos d’étaler et que peut-être on a un peu exagérés dans ce journal, j’ai eu assez de courage pour ne pas chercher à en diminuer le poids ni par de frivoles espérances d’une prétendue félicité future et inconnue, ni par une lâche résignation. Mes sentimens envers la destinée ont été et sont toujours ceux que j’ai exprimés dans Bruto minore. Ç’a été par suite de ce même courage, qu’étant amené par mes recherches à une philosophie désespérante, je n’ai pas hésité à l’embrasser toute entière ; tandis que, de l’autre côté, ce n’a été que par effet de la lâcheté des hommes, qui ont besoin d’être persuadés du mérite de l’existence, que l’on a voulu considérer mes opinions philosophiques comme le résultat de mes souffrances particulières, et que l’on s’obstine

  1. On devine trop quel est ce parti.