et souhaitée avait pris des proportions plus larges et était devenue le travail commun de tous les esprits. Ces années, en effet, ont vu surgir de nombreux poètes. Au théâtre, M. Gil y Zarate a fait Charles II, Rosmunda, Guzman-le-Bon ; M. Hartzenbusch a donné les Amans de Teruel, doña Mencia ; le Troubadour, le Page, de M. Garcia Gutierez, ont été de grands espoirs ; M. Breton de los Herreros a écrit cent pièces pleines de gaieté et de verve ; M. Zorrilla s’est signalé par le Savetier et le Roi, la Nuit de Montiel, la Loyauté d’une Femme. La poésie lyrique ou épique n’a pas été moins féconde. Les Légendes espagnoles, de M. Mora, peuvent être citées avec éloge. Espronceda, l’auteur trop tôt perdu de l’Etudiant de Salamanque et du Diable-Monde, n’a pas craint de lutter dans ses poèmes avec les souvenirs de Byron et de Goethe. M. Pastor Diaz a publié des vers qui dénotent un beau talent lyrique ; M. Zorrilla travaille encore aujourd’hui à un poème historique sur Grenade[1], qui sera la peinture de la défaite de l’islamisme, et ranimera ce monde chevaleresque et passionné où s’agitent catholiques et Maures, les uns haussant la croix triomphante, les autres repliant le drapeau lacéré de Mahomet, et emportant l’impérissable souvenir de l’Alhambrah. -Voilà, sans doute, un ensemble d’ouvrages qui montrent combien la poésie est prompte à renaître en Espagne, et avec quelle ardeur l’école nouvelle a embrassé les doctrines que le duc de Rivas a le premier proclamées
Est-ce à dire, cependant, que ce mouvement littéraire, malgré les meilleurs efforts pour atteindre un tel but, présente une entière et puissante originalité ? Est-ce à dire que ces écrivains, dont les productions brillent parfois d’un si vif éclat, aient vraiment trouvé l’idéal poétique qui convient à l’Espagne de ce siècle ? Non : pourquoi ne l’avouerait-on pas ? Il n’y a là qu’une imparfaite image de ce qu’on peut attendre du génie espagnol renaissant. C’est un réveil plein d’espoir, mais un réveil avec les vues confuses, les naïfs étonnemens, les embarras, les erreurs inséparables de ce premier moment où, après un sommeil prolongé, un peuple rouvre tout à coup les yeux à la lumière intellectuelle. Certes, on l’a pu remarquer, l’imagination espagnole, ébranlée par ce mouvement, s’est déployée avec audace et grandeur. Ses tentatives les plus glorieuses, néanmoins, laissent voir je ne sais quoi d’incertain et de peu profond qui prouve qu’elle
- ↑ La Cruz y la Media luna (mot à mot : la Croix et le Croissant). — L’introduction du poème de M. Zorrilla a été publiée récemment à Madrid dans le journal l'Heraldo : c’est un nouveau témoignage des qualités poétiques qui distinguent le jeune et fécond auteur.