Leisewitz, Burger, Voss enfin, qui, par ses traductions d’Homère et son poème de Louise, s’efforçait de rattacher l’art antique à l’art moderne. M. Schlegel fut extrêmement frappé de ce mouvement en sens divers qui s’agitait autour de lui. Il trouva à Goettingue la satisfaction de tous ses goûts ; aussi renonça-t-il bientôt à son projet d’étudier la théologie pour se livrer sans réserve à l’amour des lettres et de l’antiquité. Heyne sans doute ne fut pas étranger à cette détermination ; il distingua Guillaume Schlegel et l’associa à ses travaux ; il publiait alors son édition de Virgile : l’élève fut chargé de procurer l’index, qui ne fut pas une sèche nomenclature de mots isolés, mais devint, grace à ses soins intelligens, un tableau complet de la poésie latine au siècle d’Auguste. En même temps, une dissertation sur la géographie d’Homère lui valut une palme académique, et telle était déjà la maturité de ses idées, que les opinions personnelles qu’il émit à cette époque sur l’origine des Pélasges purent trouver place long-temps après dans une appréciation critique du système de Niebuhr. Ces travaux d’érudition et de patience peuvent paraître des débuts un peu sévères ; ils n’étouffèrent pas au moins l’imagination du jeune Schlegel. Dès ce moment, ses essais poétiques insérés dans l’Almanach des Muses de Goettingue et dans l’Académie des Beaux-Arts (Akademie der schoenen Redekuenste) attirèrent l’attention de Burger, qui dirigeait ce dernier recueil. Burger avait retrouvé l’ancienne ballade et l’avait de nouveau rendue populaire ; il encouragea M. Schlegel à naturaliser en Allemagne le sonnet italien dégagé de l’afféterie qui en corrompait la grace. Cette forme était en effet heureusement appropriée à la muse harmonieuse et déjà savante du poète. A ses avis, l’auteur de Lénore avait joint un modèle que M. Schlegel dut avoir souvent présent à la pensée ; c’était un sonnet qui promettait dès-lors l’immortalité à celui qu’il célébrait.
« Au nom de la lyre que j’ai maniée avec gloire, au nom des lauriers qui entourent ma tête, j’ose te dire un mot solennel que j’ai long-temps gardé dans mon cœur.
« Jeune aigle, ton vol royal s’élèvera au-dessus de la région des nuages ; il trouvera le chemin qui conduit au temple du soleil, ou la révélation que m’a faite Apollon est un mensonge.
« Le bruit de tes ailes est harmonieux et sonore comme l’airain qui retentissait à Dodone ; leur battement est léger comme la marche des sphères.
« Pour te consacrer au service du dieu du soleil, je n’estime pas que ma couronne ait trop de prix ; mais attends… une plus belle t’est réservée. »