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LE ROMANTIQUE.

Eh ! maudit bavard, si c’est là le fond de ton sac, c’était bien la peine que je vinsse te trouver ! Ce que tu me recommandes dans ton discours diffus, il y a long-temps que je le fais sans ton conseil.

LE DOCTEUR.

Quoi ! en vérité, tu aurais déjà…

LE ROMANTIQUE.

Sans doute, ne le sais-tu pas ? Ne me suis-je pas toujours barricadé avec toutes les médiocrités, avec les derniers débris de la société de Dresde, avec ces vieilles femmes qui radotent autour d’une table à thé, plutôt que de m’intéresser jamais à un jeune talent ? N’ai-je pas été l’éditeur de Foerster, le patron de tous les impuissans, plutôt que de protéger jamais les générations nouvelles ? N’ai-je pas parodié Sophocle et mis Shakspeare en ballets, plutôt que d’ouvrir une seule fois ma porte aux jeunes poètes contemporains ou de leur aplanir la route ? Ne les ai-je pas tous repoussés, et ceux-là même qui suivaient mon drapeau et m’encensaient comme le grand Lama ? Quand ai-je parlé avec éloge de la poésie moderne ? Quand ai-je témoigné quelque sympathie à la génération qui se lève ? Quand ai-je négligé de l’accabler sous la raillerie et le dédain ? Je serais ton maître là-dessus. J’ai bien besoin, en vérité, de ta sotte recette ! Donne-la à Gutzkow ; il est envieux, c’est vrai, mais ce n’est qu’un maladroit, etc.


Et le poète s’en va, plein de mépris pour ce timide charlatan à qui il donnerait des leçons. Scène cruelle, détestables injures, affaiblies pourtant par celles qui vont suivre ! Le docteur rentre et se met au travail ; mais le Philosophe, qui est demeuré immobile dans son coin, se présente tout à coup et demande à son tour sa consultation. « Ah ! je t’oubliais, dit le docteur. — Cela m’est arrivé plus d’une fois, reprend le Philosophe ; j’y suis accoutumé, mais cela ne m’inquiète guère ; j’attends patiemment, et, dès que la place de mes rivaux est vide, je ne manque pas l’occasion. — Eh bien ! que veux-tu ? — Je veux que tu m’accouches. — Toi ! un homme ! — Pourquoi pas ? » Et le Philosophe expose très scientifiquement au docteur son étrange situation. Dès ce moment, il est impossible de ne pas reconnaître la personne que le poète a osé mettre sur la scène. Chaque philosophe en Allemagne a une langue qui lui est propre ; celui-ci ne parle que de puissances, de polarités, etc. Ce n’est ni Kant, ni Fichte, ni Hegel. Il cherche donc un accoucheur, car il espère donner enfin le jour à l’enfant qu’il porte depuis trente ans dans son cerveau. Le docteur consent à faire l’opération, si singulière qu’elle lui paraisse, et Kilian apporte une pioche. Oui, une pioche ! A la bonne heure ! L’instrument