Infrarouge
Le rayonnement infrarouge (IR) est un rayonnement électromagnétique d'une longueur d'onde supérieure à celle de la lumière visible mais plus courte que celle des micro-ondes.
Définition
Le nom signifie « en dessous du rouge » (du latin infra : « plus bas »), car l'infrarouge est une onde électromagnétique de fréquence inférieure à celle de la lumière visible: le rouge. La longueur d'onde des infrarouges est comprise entre le domaine visible (≈ 0,7 μm) et le domaine des micro-ondes (≈ 1 mm).
L'infrarouge est associé à la chaleur car, à température ambiante ordinaire, les objets émettent spontanément des radiations dans le domaine infrarouge ; la relation est modélisée par la loi du rayonnement du corps noir dite aussi loi de Planck. La longueur d'onde du maximum d'émission d'un corps noir porté à une température absolue T (en kelvin) est donnée par la relation 0,002898/T connue sous le nom de loi du déplacement de Wien. Cela signifie qu'à température ambiante ordinaire (T aux environs de 300 K), le maximum d'émission se situe aux alentours de 10 μm, la plage concernée étant 8-13 μm. Placé à la surface terrestre, un télescope observant dans cette gamme de longueur d'onde serait donc aveuglé par le fond thermique émis par les objets environnants, c'est pourquoi on envoie les télescopes infrarouges dans l'espace.
Cette association entre l'infrarouge et la chaleur n'est cependant due qu'à la gamme de température observée à la surface de la Terre. Selon sa température, un objet émettra spontanément des radiations dans différentes bandes du spectre électromagnétique, en dessous des infrarouges ou même au-dessus, par exemple dans le visible. C'est ainsi qu'une lampe à incandescence produit de la lumière. Inversement, il est possible de générer un rayonnement infrarouge qui ne soit pas thermique, c'est-à-dire dont le spectre ne soit pas celui du corps noir ; c'est le cas, par exemple, des diodes électroluminescentes utilisées dans les télécommandes.
L'analyse scientifique et technique de ces rayonnements est dénommée spectroscopie infrarouge.
Histoire
Le rayonnement infrarouge est intuitivement perceptible par la simple exposition de la peau à la chaleur émise par une source chaude dans le noir, mais il ne fut prouvé qu'en 1800 par William Herschel, un astronome anglais d'origine allemande, au moyen d'une expérience très simple : Herschel a eu l'idée de placer un thermomètre à mercure dans le spectre obtenu par un prisme de verre afin de mesurer la chaleur propre à chaque couleur. Le thermomètre indique que la chaleur reçue est la plus forte du côté rouge du spectre, y compris au-delà de la zone de lumière visible, là où il n'y avait plus de lumière[1]
. C'était la première expérience montrant que la chaleur pouvait se transmettre indépendamment d'une lumière visible (ce phénomène était parfois appelé à l'époque la chaleur obscure ou rayonnement sombre).
Il a dans le même temps montré qu'un prisme pouvait dévier un rayon calorique.
Ceci a été complété par l'écossais John Leslie, un mathématicien et physicien qui mit au point le cube de Leslie, un dispositif destiné à démontrer et calculer la valeur d'émissivité thermique de chaque matériau selon sa nature et sa géométrie.
D'après les résultats d'étude de Grazyna Palczewska et al., publiés en [2], l'être humain est capable, à certaines conditions, de voir en infrarouge. Cela peut se produire lorsqu'une paire de photons, appartenant au spectre infrarouge, heurtent (presque) simultanément une même cellule de la rétine d'un œil : « si un unique pigment de la rétine est heurté par deux photons se succédant très rapidement, se caractérisant par une longueur d'onde de 1 000 nanomètres, explique Vladimir J. Kefalov, un des cosignataires de l'étude, alors ces particules lumineuses vont délivrer la même quantité d'énergie qu'un seul photon évoluant sur une longueur d'onde de 500 nanomètres, soit une longueur d'onde appartenant au spectre du visible. C'est pourquoi nous [les êtres humains] sommes capables de détecter de telles émissions lumineuses »[3].
Bandes spectrales des radiations infrarouges
L'infrarouge est subdivisé en IR proche (PIR ou IR-A ou NIR pour Near-IR en anglais), IR moyen (MIR ou IR-B ou MIR pour Mid-IR en anglais) et IR lointain (LIR ou IR-C ou FIR pour Far-IR en anglais). Cette classification n'est cependant pas universelle car les frontières varient d'un domaine d'étude à l'autre sans que l'on ne puisse donner raison à qui que ce soit. Le découpage peut être lié à la longueur d'onde (ou à la fréquence) des émetteurs, des récepteurs (détecteurs), ou encore aux bandes de transmission atmosphérique. Le seul découpage qui a une raison rationnelle est celui marqué par l'opacité aux infrarouges de la vapeur et qui se situe entre 5,5 et 7,5 µm et qui est la frontière entre les ondes moyennes et les ondes longues[4] mais ce n'est néanmoins pas très scientifique, seulement basé sur le fait que dans cette frange de longueurs d'onde l'observation infrarouge et la transmission sont quasiment impossibles parce que l'air y est presque opaque aux rayonnements infrarouges.
Découpage ISO
L'ISO 20473:2007 spécifie la division du rayonnement optique en bandes spectrales pour l'optique et la photonique. Elle ne s'applique pas aux applications d'éclairage ou de télécommunication ou à la protection contre les risques de rayonnement optique dans les zones de travail[5].
Désignation | Abréviation | Longueur d'onde |
---|---|---|
Infrarouge proche | PIR | 0,78 – 3 µm |
Infrarouge moyen | MIR | 3 – 50 µm |
Infrarouge lointain | LIR | 50 µm – 5 mm |
Découpage CIE
La Commission internationale de l'éclairage (CIE) recommande dans le domaine de la photobiologie et de la photochimie le découpage du domaine infra-rouge en trois domaines[6].
Abréviation | Longueur d'onde | Fréquence |
---|---|---|
IR-A | 700 nm – 1 400 nm (0,7 µm – 1,4 µm) | 215 THz - 430 THz |
IR-B | 1 400 nm – 3 000 nm (1,4 µm – 3 µm) | 100 THz - 215 THz |
IR-C | 3 000 nm – 1 mm (3 µm – 1 000 µm) | 300 GHz - 100 THz |
Utilisations
Chauffage
Les lampes à émission infrarouge sont utilisées dans des domaines de la production quotidienne. Les secteurs de l'automobile, l'agroalimentaire, les textiles, la plasturgie, le formatage des matières, les soins du corps, etc. sont concernés par des applications de chauffage de matières. Ces techniques de chaleur particulières et innovatrices permettent un gain de productivité et une économie du coût de production qui se caractérise en temps gagné et en énergie dépensée.[réf. nécessaire]
Vision nocturne
Les équipements de vision de nuit utilisent les infrarouges lorsque la quantité de lumière visible est trop faible pour voir les objets. Le rayonnement est détecté, puis amplifié pour l'afficher sur un écran : les objets les plus chauds semblant être les plus lumineux. Dans certains cas un projecteur d'infrarouge associé au système de vision, permet de visualiser des objets sans chaleur intrinsèque, par réflexion, cette lumière étant émise hors du spectre visible, elle est donc invisible à l’œil nu (actuellement ce sont souvent des spots LED qui sont utilisés).
Thermographie infrarouge
Il faut également ajouter comme utilisation, en plus de la vision de nuit, tout le domaine de la thermographie infrarouge permettant de voir et de mesurer à distance et sans contact la température d'objets cibles.
Photographie infrarouge
Des photographies argentiques et numériques, en couleur ou en noir et blanc, peuvent être faites sur les longueurs d'ondes correspondant à l'infrarouge proche (de 780 nm à 900 nm). Ces photographies ont un intérêt artistique car elles montrent des scènes à l'ambiance étrange, et un intérêt biologique car elles permettent entre autres de repérer l'activité chlorophylienne[9].
Réflectographie infrarouge
La réflectographie infrarouge est une méthode d'investigation basée sur la lumière infrarouge et permettant de visualiser des couches de carbone cachées par des pigments de peinture. Typiquement, elle permet en peinture d'étudier les dessins préparatoires de peintures sur toiles et des repentirs qui sont cachés par la peinture finale.
Guidage
Les infrarouges sont également utilisés dans le domaine militaire pour le guidage des missiles air-air ou sol-air : un détecteur infrarouge guide alors le missile vers la source de chaleur que constitue le (ou les) réacteur de l'avion cible. De tels missiles peuvent être évités par des manœuvres spéciales (alignement avec le Soleil) ou par l'utilisation de leurres thermiques.
Contre-mesure anti-missiles
Il existe également des brouilleurs pour contrer les détecteurs infrarouges des missiles que l'on pose directement sur la carlingue. Ils servent à émettre une grande quantité de rayonnement infrarouge modulé de façon à diminuer les performances des missiles lancés sur leur cible.
Détecteurs d'intrusion
Certains capteurs de proximité (associés aux systèmes de détection d'intrusion) appelés IRP (pour Infra Rouge Passif), utilisent le rayonnement en infrarouge émis par l'ensemble des objets du local surveillé (y compris les murs). La pénétration d'un individu provoque une modification du rayonnement. Lorsque cette modification est constatée sur plusieurs faisceaux (découpage du rayonnement total de la pièce par une lentille de Fresnel), un contact électrique envoie une information d'alarme à la centrale.
Communication
Une utilisation plus commune des rayonnements infrarouges est leur usage dans les commandes à distance (télécommandes), où ils sont préférés aux ondes radio, car ils n'interfèrent pas avec les autres signaux électromagnétiques comme les signaux de télévision. Dans ce domaine, il existe plusieurs codages des informations (RC5 pour Philips, SIRCS pour Sony, etc.). Les infrarouges sont aussi utilisés pour la communication à courte distance entre les ordinateurs et leurs périphériques. Les appareils utilisant ce type de communication sont généralement conformes aux standards IrDA. Ils sont très utilisés dans le domaine de la robotique ou dans les appareils nécessitant des transmissions de données à courte distance sans obstacle.
Spectroscopie
La spectroscopie infrarouge est une des méthodes utilisées pour l'identification des molécules organiques et inorganiques à partir de leurs propriétés vibrationnelles (en complément d'autres méthodes, la RMN et la spectrométrie de masse). En effet, le rayonnement infrarouge excite des modes de vibration (déformation, élongation) spécifiques de liaisons chimiques. La comparaison entre rayonnement incident et transmis à travers l'échantillon suffit par conséquent à déterminer les principales fonctions chimiques présentes dans l'échantillon.
Le proche infrarouge peut être utilisé pour déterminer la teneur en lipides d'aliments ou d'animaux vivants (ex : saumon atlantique d'élevage vivant) par une technique non-destructive [10].
L'astronomie infrarouge est difficile à cause de l'atmosphère terrestre. C'est pour cela que les astronomes envoient des satellites infrarouge :
- IRAS (1983, NASA, Royaume-Uni, Pays-Bas),
- ISO (1995 ; ESA), Wire (1999 ; États-Unis, échec au lancement),
- Spitzer (2003 ; ex-SIRTF, États-Unis), ASTRO-F (2006 ; Japon)
- Herschel (2009 ; ESA).
Banque
Aujourd'hui, les rayons infrarouges sont aussi utilisés pour le contrôle d'authenticité de billets de banque. En effet, ils se prêtent particulièrement à la détection de faux billets.
Laser infrarouge
Les lasers infrarouges peuvent être utilisés pour la gravure, la soudure ou la découpe de matériaux. On les trouve aussi sous formes de diodes dans les lecteurs et graveurs optiques de CD.
Notes et références
- Les Transactions de 1800. En fait, il montre d'une part que les rayons rouges font monter la température trois fois un quart plus que les violets d'une part, et d'autre part que la chaleur et la couleur peuvent être dissociés, certaines couleurs ne produisant pas de chaleur, et la chaleur pouvant ne pas être à l'endroit de la couleur. gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k107653t/f557.image gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k107653t/f558.image
- (en) Grazyna Palczewska et al., « Human infrared vision is triggered by two-photon chromophore isomerization », Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), vol. 111, no 50, , E5445-E5454 (PMID 25453064, DOI 10.1073/pnas.141016211) Les coauteurs de l'article sont, outre Grazyna Palczewska : Frans Vinberg, Patrycjusz Stremplewski, Martin P. Bircher, David Salom, Katarzyna Komar, Jianye Zhang, Michele Cascella, Maciej Wojtkowski, Vladimir J. Kefalov et Krzysztof Palczewski.
L'article a été reçu par la revue Proceedings of the National Academy of Sciences le , accepté par son comité de lecture le et prépublié le . - Alain Tranet, « L'homme est capable de voir en infrarouge ! » [html], sur Journal de la science, mis en ligne le 2 décembre 2014 (consulté le )
- La thermographie du bâtiment, Eyrolles 2012 par Dominique Pajani, p. 37
- « ISO 20473:2007 Optique et photonique -- Bandes spectrales », sur iso.org
- (en) CIE, « 134/1 TC 6-26 report: Standardization of the Terms UV-A1, UV-A2 and UV-B », sur cie.co.at
- Enquête de police et infrarouge
- La librairie de thermographie
- [PDF] « L'image proche infrarouge : une information essentielle », n°25, sur ifn.fr, Inventaire Forestier National (France), (consulté le )
- (en)