De ludo scachorum
De ludo scachorum (Du jeu d'échecs) est un traité en latin du religieux franciscain et mathématicien italien, Luca Pacioli (1447-1517), originaire de Sansepolcro. Ce traité, rédigé vers 1500, est également connu sous le nom de Chasser l'ennui (italien : Schifanoia).
Les illustrations du traité sont attribuées en partie à Léonard de Vinci (1452-1519), et en partie à Pacioli lui-même, dont notamment la section contenant des problèmes d'échecs[1].
Histoire de la création et destin du traité
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Léonard et Luca Bartolomeo Pacioli se connaissaient tous deux depuis qu'ils ont été au service de la cour du futur duc Ludovic Sforza, à Milan, en 1497. Dans le traité de Luca Pacioli De divina proportione, Léonard est intervenu comme auteur des dessins. Après la prise de Milan par les Français en 1499, Pacioli et Léonard partent pour Mantoue, où ils entrent au service de la marquise Isabelle d'Este (1474-1539). Elle aimait les échecs et organisait des tournois entre les meilleurs joueurs. C'est la marquise qui a commandé à Pacioli un traité sur le jeu d'échecs[4].
Isabelle était la fille aînée d'Hercule Ier d'Este, duc de Ferrare, et d'Éléonore de Naples, fille du roi de Naples Ferdinand Ier de Naples. Elle était liée par parenté ou par mariage avec tous les souverains d'Italie et est connue comme la « première dame » de l'époque de la Renaissance. Elle a reçu une très bonne éducation, jouait du luth et de la flûte, et avait une voix remarquable. Elle connaissait l'histoire grecque, l'histoire romaine et la littérature classique. Elle étudiait aussi les cartes de géographie et s'intéressait à l'astrologie. En 1490, à 16 ans, Isabelle épouse François II de Mantoue, âgé de 25 ans[5].
Pacioli écrit ce recueil de problèmes d'échecs vers 1500. Le critique d'art Franco Rocco date ce recueil entre les années 1497 et 1508[6]. Le professeur Attilio Bartoli Langeli et le professeur associé Enzo Mattezini (de l'Université de Pérouse) ont effectué des analyses de paléographie et de linguistique. À leur estime, le manuscrit a été créé à la fin du XVe siècle, début du XVIe siècle. Une datation en filigrane sur l'une des pages n'est pas antérieure à l'année 1496, alors que la demande d'imprimatur imprimée au doge de Venise Leonardo Loredan date au plus tard du [7].
Le livre a été considéré comme perdu pendant longtemps. C'est l'archiviste italien Duilio Contin qui l'a retrouvé à la fin de l'année 2006, dans la collection du comte Gulielmo Coronini, au palais Coronini à Gorizia. Le comte Coronini l'avait acheté en même temps que d'autres livres, à un poète et bibliophile vénitien dont le nom reste inconnu. L'étude de la collection a été confiée au sculpteur et architecte milanais Franco Rocco. Le professeur Carlo Pedretti, spécialiste de l'œuvre de Léonard de Vinci, a été consulté également. Les critiques d'art ont établi que les illustrations n'étaient pas de la main de l'auteur du traité. Les propriétaires du manuscrit ont invité un expert de Los Angeles, membre du centre d'étude de Léonard de Vinci (de la fondation Armand Hammer), qui doit confirmer ou infirmer les conclusions de Rocco[4].
Les chercheurs ont attribué une partie des illustrations du manuscrit à Léonard de Vinci. Selon Franco Rocco, Pacioli a demandé à Léonard de l'aider dans sa conception du traité. Il est bien connu, d'après des sources écrites, que Léonard a joué aux échecs. Il composait des rébus, comme on appelait alors les problèmes d'échecs[8]. Le peintre et sculpteur autrichien Franz von Matsch (1861-1942) est d'ailleurs l'auteur d'un tableau figurant Léonard de Vinci jouant aux échecs avec sa muse (1890)[9].
Franco Rocco a établi que les dessins du traité ont été composés par deux illustrateurs différents (vraisemblablement Pacioli et Léonard de Vinci). Il estime que près de la moitié des diagrammes a été réalisée par Léonard de Vinci (en utilisant la main gauche)[8].
Le manuscrit a été présenté lors d'une exposition à la bibliothèque du comte Coronini dans la ville de Gorizia au nord de l'Italie (région de Frioul). Le propriétaire du manuscrit est une association sans but lucratif la Coronini Cronberg Foundation (italien : Fondazione Palazzo Coronini Cronberg Onlus), créée en 1990, après la mort du comte Coronini[10]. Le , s'est ouverte à Milan une nouvelle exposition où le manuscrit a été présenté ainsi que le livre de Franco Rocco Leonardo e Luca Pacioli. L’evidenza[8].
Caractéristique du manuscrit
[modifier | modifier le code]Le recueil se compose de 48 feuilles de papier dont les dimensions sont de 150 × 110 mm (selon d'autres données 16 × 11,5 cm[11]). Soit vingt quatre grandes feuilles de 22 cm pliées en deux ce qui en fait 48 de dimension 11,5 cm représentant finalement un total de 96 pages (recto-verso)[12]. L'ouvrage fournit 114 diagrammes d'échecs avec une description d'un certain nombre de mouvements pour chacun d'eux, et présente plusieurs variantes du développement de parties individuelles (en fonction du problème posé, en utilisant soit les règles anciennes, soit les règles modernes). Chaque partie est accompagnée d'un diagramme sur lequel les pièces sont peintes en rouge ou en noir. Elles sont désignées suivant les règles de l'époque par les lettres de l'alphabet latin[4].
Les dessins portent l'empreinte de la personnalité et de l'imagination de l'auteur et en même temps ils sont précis quant aux proportions et quant à la position des pièces dans l'espace. Les symboles sont réalisés de manière élégante et reconnaissable par Léonard de Vinci. Franco Rocco pense que les proportions des figurines sont calculées en fonction du nombre d'or, problème qui passionnait Léonard. Il affirme également que la représentation de la dame (la reine dans la terminologie de l'époque) présente des similitudes avec sa représentation sur les feuilles 212 et 293 du Codex Atlanticus de Léonard [13]. Le jeu d'échecs utilisé par l'artiste lors de la création des illustrations du traité a été reconstitué[14].
Problèmes d'échecs présentés dans le recueil
[modifier | modifier le code]Les théoriciens des échecs ont analysé les parties individuelles du recueil[15]. Parmi eux, le grand maître Raymond Keene, leader de la section d'échecs du The Times. Keene a décrit les problèmes du recueil comme « incroyablement compliqués » et « avancés pour leur époque ». Keen considère que c'est Léonard de Vinci qui a décrit certains problèmes du manuscrit et non Pacioli[16].
Galerie
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Léonard de Vinci. Portrait d'Isabelle d'Este, commanditaire du traité, 1500
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De Ludo Schacorum. Page du texte
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De Ludo Schacorum. Page du texte
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De Ludo Schacorum. Page du texte
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De Ludo Schacorum. Page du texte
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Fraser, Christian, « Pièces dessinées par un grand maître (Chess pieces designed by a great master!) », BBC News, Rome (consulté le )
- (en) O’Fee, James, « The Da Vinci decode mystery », (consulté le )
- (en) « Leonardo Da Vinci’s 1500 year old Chess Puzzle », Chess.com (consulté le )
- (ru) « Razgadan, un autre rébus légendaire de Léonard de Vinci (Разгадан ещё один ребус легендарного Леонардо да Винчи) », 26, Московский комсомолец, (lire en ligne)
- Rousso Maxime (Руссо, Максим ), « Tout est compliqué avec Isabelle d'Este (Всё сложно с Изабеллой д’Эсте ) », Полит.ру, (consulté le )
- (it) Ambrosio, Daniela, « Scaccomatto. La voie geométrique. Da Scaccomatto agli scacchi di Leonardo da Vinci By Franco Rocco », Lampoon, (consulté le )
- « About De Ludo Scachorum », Leonardochess (consulté le )
- (ru) « Léonard de Vinci, artiste, savant et joueur d'échecs », Мир шахмат. Казахстан, (consulté le )
- (en) « Leonardo da Vinci playing chess with his muse. 1890 » [archive du ], BlouinArtinfo.Com (consulté le )
- (ru) « En Italie a été découvert un recueil de problèmes d'échecs avec des illustrations de Léonard de Vinci », NEWSru, (consulté le )
- (en) « Luca Pacioli De Ludo Scachorum. Logical strategies at the time of Leonardo da Vinci », Codices Illustres, (consulté le )
- (en) Ambrosio, Daniela, « Da Vinci link' to chess drawings », Lampoon, (consulté le )
- (ru) « Léonard de Vinci a dessiné les premières pièces du jeu d'échecs (Леонардо да Винчи нарисовал первые шахматные фигуры) » [archive du ], Завтра. Украина, (consulté le )
- (en) [vidéo] « The Leonardo Da Vinci Chess Set - from Luca Pacioli's De Ludo Scachorum - AncientChess.com », sur YouTube
- (en) [vidéo] « Luca Pacioli - De Ludo Scachorum - Review of Chess Puzzles - Da Vinci - AncientChess.com », sur YouTube
- (en) Keene, Raymond, « Renaissance chess master and the Da Vinci decode mystery » (Revue), 10, The Times, (lire en ligne)
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (it) De Ludo Scachorum (Circulating Stacks Edition). Commentary (Italian) by D’Elia, D.; Contin, D.; Bartoli Langeli, A.; Mattesini, E.; Sanvito, A., Aboca Museum, (ISBN 9788895642086)
- (it) De Ludo Scachorum (Special Stacks Edition). Commentary (Italian) by D’Elia, D.; Contin, D.; Bartoli Langeli, A.; Mattesini, E.; Sanvito, A., Aboca Museum, (ISBN 9788895642086)
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en) « Fac-simile du traité De Ludo Scachorum », sur Facsimile Finder - Medieval Manuscript Facsimiles (consulté le )