Jeanne II d'Auvergne
Jeanne II d'Auvergne | |
Portrait de Jeanne II d'Auvergne (détail) par Hans Holbein le Jeune | |
Titre | |
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Comtesse d'Auvergne | |
– | |
Prédécesseur | Jean II |
Successeur | Marie Ire |
Comtesse de Boulogne | |
– | |
Prédécesseur | Jean II |
Successeur | Marie II |
Duchesse de Berry | |
– (26 ans) |
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Prédécesseur | Jeanne d'Armagnac |
Successeur | Jacqueline de Hainaut |
Duchesse d'Auvergne | |
– (26 ans) |
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Prédécesseur | Jeanne d'Armagnac |
Successeur | Jean Ier de Bourbon |
Comtesse de Guînes | |
– (8 ans) |
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Prédécesseur | Catherine de Savoie |
Successeur | Marguerite d'Amboise |
Biographie | |
Dynastie | Famille d'Auvergne |
Date de naissance | |
Date de décès | |
Sépulture | Sainte-Chapelle de Bourges |
Père | Jean II d'Auvergne |
Mère | Aliénor de Comminges |
Conjoint | Jean Ier de Berry Georges Ier de La Trémoille |
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Jeanne II d'Auvergne née en 1378 et morte en 1424, dite Jeanne de Boulogne, est comtesse d'Auvergne et comtesse de Boulogne par succession paternelle ; aussi duchesse de Berry et d'Auvergne puis comtesse de Guînes par ses deux mariages.
Biographie
[modifier | modifier le code]Une enfance difficile
[modifier | modifier le code]Jeanne est le seul enfant de Jean II comte d'Auvergne, dit le Mauvais Ménager, et d'Aliénor de Comminges. L’entente entre Jean II et son épouse bat rapidement de l’aile. Aliénor quitte le domicile conjugal en 1380. Elle part se réfugier, avec sa fille Jeanne, chez son cousin Gaston Fébus dans la vicomté de Béarn[1]. Selon Froissart, l’épouse du Mauvais Ménager lui reprochait de ne point recouvrer son héritage passé aux mains de Jean II, comte d’Armagnac, et d’être un trop mol chevalier passant son temps à boire et à banqueter. Gaston Fébus, ayant proposé de devenir tuteur et curateur de sa petite cousine, Jeanne resta à l’Hôtel de Foix à Orthez tandis que sa mère rejoignit Avignon.
Le duc de Berry s’approprie l’héritage de Jeanne
[modifier | modifier le code]La rapacité de Jean de Berry, frère du roi de France Charles V, est telle qu’il n’hésite pas à spolier de ses fiefs Jean II, le père de Jeanne. Marcellin Bourdet, historien de l’Auvergne, fait une description apocalyptique de cette extorsion :
Elle commence à Riom, le , dans le palais du duc, en sa présence ; le demi-fou, terrorisé par les menaces, se résout à céder ses deux comtés au prince et son pays de Combrailles[2] au chancelier et chambellan Pierre II de Giac. Elle se continue, en sortant du palais ducal, dans l’Hôtel d’Armand de Langeac, sénéchal d’Auvergne, gendre de Pierre II de Giac, où on l’amène dîner, ahuri de ce qu’il vient de faire. On le conduit dans l’auberge de Hugues Bernard, où la bande se remet à table et achève de l’étourdir, de l’enivrer avec un mélange de boissons. Puis, toute la nuit jusqu’au matin, on lui fait signer une foule de donations et de ventes, portant quittance bien entendu. On lui fit vendre ainsi tout ce qui lui restait et tout quittancer sans versement de fonds ; puis on le laissa sur ce lit d’auberge, vidé, ruiné, inerte, à moitié mort.
Ainsi se fit le partage des dépouilles du comte d’Auvergne entre le duc de Berri et ses officiers. Et il n’y a pas à dire que le duc ne fut pas complice, car cette longue et ignoble scène de Riom se passait à deux pas du palais ; et il fut si bien averti que son neveu, le comte Jean II d’Armagnac, alors son hôte dans ce palais, se rendit à l’hôtellerie Bernard pour arracher le comte d’Auvergne, son cousin, aux spoliateurs ; mais on refusa de le laisser entrer et il ne put que crier de la rue des injures et des menaces de mort. Jean de Berri ratifia tout, naturellement[3].
Le mariage avec Jean de Berry
[modifier | modifier le code]En 1389, à la majorité de Charles VI, l’affaire, qui avait fait scandale, fut portée aux oreilles du roi qui promit d’en faire justice. Pour faire retrouver à Jeanne ses domaines d’Auvergne et de Boulogne un compromis fut trouvé. Âgée de onze ans, elle fut contrainte d’épouser le duc de Berry qui approchait de la cinquantaine, Jeanne récupère donc ses fiefs du Berry mais en apporte la suzeraineté à Jean de Berry par mariage. Jeanne quitte Orthez et rejoint Jean de Berry en Auvergne. Gaston Fébus, qui méprise le duc de Berry, ne manqua pas de présenter la note des frais de sa tutelle.
Le Bal des Ardents
[modifier | modifier le code]Le , le mardi avant la Chandeleur, Jeanne, désormais duchesse d’Auvergne et de Berry, alors âgée de 14 ans, participe au mariage d’une des dames de compagnie de la Reine. Le roi, Charles VI, déjà fragile psychologiquement, participe à cette occasion à un charivari à Paris. Il se déguise en sauvage avec cinq compagnons, des nobles de la cour. Par inadvertance, le frère du roi, Louis d'Orléans enflamme les déguisements avec sa torche[4]. Les justaucorps enduit de poix, de poils et de plumes transforment les participants en torches humaines. Charles VI est sauvé par sa tante, Jeanne qui étouffe les flammes avec ses vêtements. Après cet épisode dit du Bal des Ardents[5]. le roi s'enferme un peu plus dans la folie[6].
Sa statue à Poitiers
[modifier | modifier le code]La statue de Jeanne de Boulogne orne la cheminée de la grande salle du palais du duc de Berry à Poitiers. Elle est très certainement due au ciseau de Jean de Dammartin qui commença à travailler pour le duc vers 1385.
Son second mariage
[modifier | modifier le code]Jeanne devient veuve à la mort de Jean de Berry le . Elle se remarie rapidement, avec Georges de la Trémoille, comte de Guînes. Celui-ci s’emploie à ruiner, maltraiter et dépouiller la jeune veuve. Tant et si bien que Charles VII, futur roi de France, autorise Jeanne à se retirer sur ses terres et à disposer librement de ce qui lui reste de son patrimoine. Jeanne rentre sur ses terres d’Auvergne et s’établit dans le modeste château de Saint-Sulpice dans le Tarn, tandis que Jean sans Peur, duc de Bourgogne, s’empare des terres de son mari. Ruinée, elle est finalement accusée de frapper de la fausse monnaie. Ce crime de lèse-majesté lui vaut d’être dépouillée de toutes ses terres en Languedoc par les officiers du roi. Elle meurt finalement en 1424 et fut inhumée aux côtés de son premier mari dans la Sainte-Chapelle de Bourges.
Notes
[modifier | modifier le code]- Selon Froissart sa première idée avait été de rejoindre le comté d’Urgel et de se placer sous la protection de son oncle et sa tante. Le comte d’Urgel était alors Pierre d’Aragon, fils de Cécile de Comminges, et de Jacques d’Aragon.
- Dans cette affaire Jean de Berry spoliait le comte d’Auvergne mais aussi le vicomte de Turenne. Il faut savoir que le 28 octobre 1375, Jean II avait vendu pour 30 000 francs ses seigneuries de Combrailles à Guillaume II Roger, comte de Beaufort, lors du mariage de son petit-fils Raymond VIII, vicomte de Turenne, avec sa sœur Marie de Boulogne, auquel il les offrit. La baronnie de Combrailles fut revendiquée et retirée à Pierre II de Giac, l’âme damnée du duc de Berri, par Louis II de Bourbon en 1400.
- Extrait de Marcellin Bordet, Thomas de la Marche, Bâtard de France et ses aventures (1318 – 1361), Riom, 1900.
- Froissart note à propos du Bal des Ardents : Et ce jour furent ars le bastard de Foix, le comte de Joigny, messires Hémart de Poitiers et Huguet de Guisay et Nantouillet s’enfuy en la cuisine où il se plongea dans un baquet plein d’eau. Les compagnons du roi étaient Milon, le comte de Joigny, Hugues de Guisay et Ogier de Nantouillet. Le bâtard de Foix était Yvain de Béarn. Tandis qu’Aymard de Poitiers-Valentinois était le neveu d’Aymar V le Gros, comte de Valentinois et recteur du Comtat Venaissin.
- Ces festivités, données en l’honneur des noces de Catherine de Hainserville, dame d’honneur et confidente d’Isabeau de Bavière, auraient eu lieu dans l’Hôtel de la Reine Blanche, situé sur l’emplacement de l’actuel 17, rue des Gobelins, mais certaines sources citent l'hôtel Royal de Saint-Pol.
- Selon les religieux de l’abbaye des Blancs-Manteaux à Paris, auteurs de l’Art de Vérifier les dates, Jean II d'Auvergne, qui passait pour un homme sage et de bon conseil, était auprès de Charles VI, depuis sa crise du 5 août 1392 dans la forêt du Mans. Original pour un individu qui était considéré comme demi-fou depuis 1384 ! Mais faut-il donner un blanc-seing à ces bons moines qui expliquent aussi que le comte, pour s’acquitter de ses dettes, vendit, au grand regret de sa famille, uniquement ses terres de Combrailles à Pierre II de Giac ?
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (es) Françoise Autrand, « Dos duquesas a fines de la Edad Media : Juana de Armagnac, condesa de Poitiers y duquesa de Berry (1359-1388), y Juana de Boulogne, duquesa de Berry (1389-1422) », dans Martin Aurell (dir.), La Dama en la corte bajomedieval, (ISBN 84-313-1878-3), p. 55-76.
- Étienne Baluze, Histoire de la Maison d’Auvergne, Paris, 1708.
- J. Froissart, Chroniques, texte et notes de Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, (1868).
- J. Froissart, Chroniques, texte et notes de Siméon Lucé, Paris, (1873 - 1874).
- Françoise Autrand, Charles VI, Paris, 1986.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Liens internes
[modifier | modifier le code]- Bal des Ardents
- Liste des dames, comtesses et duchesses de Montpensier
- Liste des comtesses et duchesses d’Étampes
Liens externes
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- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Les témoignages d'époque
- "La Comtesse Jeanne de Boulogne accusée d'avoir fabriqué de la fausse monnaie", in "La semaine dans le Boulonnais"