Saint-Dié-des-Vosges Histoire Stanislas, artisan de la première reconstruction
Juillet 1757. L’été est beau, ensoleillé. Dans son atelier de l’actuelle rue Thiers, le fondeur de cloches Nicolas Ferry s’affaire. Les fours chauffés grâce au bois des nombreuses forêts voisines abritent le métal liquide qui monte en température. Une fois arrivé au point de fusion, il sera versé dans des moules en argile. Il fait chaud. Le fondeur est tout à son travail, lui qui est autant métallurgiste que musicien. Quand soudain, le métal brûlant s’échappe, lèche le sol, embrase les alentours. L’incendie dévore la végétation particulièrement sèche. Plus rien ne l’arrêtera. En une fraction de seconde, la ville de Saint-Dié a changé de visage.
Avec plus de 3 400 habitants en 1751, elle a bénéficié de sa position stratégique entre Alsace et Barrois. Des routes pour le passage des troupes mais qui servent aussi les marchands. Une petite ville de montagne, charmante et accueillante. Le 27 juillet, son visage lumineux se change en cendres. L’incendie né dans l’atelier du fondeur ravage la rue Thiers. Plus de 100 maisons sont détruites en une journée, le feu brûle plusieurs semaines. Les dégâts sont considérables. L’hôtel de ville est détruit, tout comme la prison et les commerces alentour. Les archives partent en fumée. Les habitants sont effarés devant l’ampleur du désastre. Prévenu en toute hâte, le duc de Lorraine et ancien roi de Pologne Stanislas Leszczynski, arrivé sur le trône 20 ans plus tôt, met personnellement la main à la poche et offre 100 000 francs de ses deniers à la ville pour sa reconstruction. Duc sans réel pouvoir politique, il n’en a pas moins une vraie influence sur la vie culturelle et intellectuelle de son duché, qui contribue à son rayonnement (lire encadré).
Développement commercial et bourgeoisie commerçante
Féru d’architecture, il dépêche à Saint-Dié Jean-Jacques Baligand, ingénieur des Ponts et Chaussées et l’architecte Jean-Michel Carbonnar. Il faut tout reconstruire. Le duo, aidé par François Malbert, lui aussi des Ponts et Chaussées, en profite pour moderniser la ville. Le tout sous l’œil attentif du chancelier Chaumont de la Galaizière, représentant du roi de France Louis XV en Lorraine.
Première difficulté : trouver des matériaux de reconstruction. Qu’à cela ne tienne, le vieux château du duc Ferry, construit au XIIe siècle, est à moitié en ruines. Ses pierres serviront à édifier de nouveaux bâtiments. Stanislas a une préoccupation : reconstruire, en s’appuyant sur l’existant et en préparant la ville à l’avenir, notamment en vue de son développement commercial et pour favoriser l’installation d’une bourgeoisie commerçante. Il autorise des coupes de bois monumentales dans les forêts lorraines pour fournir les charpentiers.
Les quartiers sont réorganisés pour faciliter la circulation, les métiers regroupés. Un théâtre sort des ruines, à côté du nouvel hôtel de ville et ses arcades. Les cours d’eau sont canalisés. Sur l’actuelle place Jules-Ferry, un quartier entier sort de terre avec orphelinat et presbytère. L’actuelle rue Thiers, alors rue Royale, point de départ de l’incendie de 1757, renaît de ses cendres. Surtout, deux axes sont créés : la rue Dauphine et la rue Saint-Stanislas, son nom de l’époque. Cette dernière permet de faire arriver la route de Nancy directement au cœur de la ville. Un petit signe, discret, pour ne pas froisser Chaumont de la Galaizière mais qui assied définitivement le « bon roi Stanislas » dans le cœur des Déodatiens.
D’autant que les Lorrains mettent la main à la poche, avec un impôt spécialement créé pour participer à la reconstruction, achevée en 1771.
Moins de deux siècles plus tard, c’est aussi le feu, volontaire celui-là, qui ravagea la ville pour la seconde fois avec la fuite des troupes allemandes en 1944. Pas de Stanislas pour reconstruire mais, clin d’œil de l’Histoire, l’obélisque érigé à sa gloire en 1807 a été épargné.
100000 En francs, le don, sur ses deniers personnels, qu’a fait Stanislas à la ville de Saint-Dié pour sa reconstruction.