Hyacinthe

personnage de la mythologie grecque, aimé d'Apollon qui le tua accidentellement

Dans la mythologie grecque, Hyacinthe (en grec ancien Ὑάκινθος / Hyákinthos) est un jeune homme d'une grande beauté, aimé d'Apollon et de Zéphyr. Il trouve la mort car Zéphyr était jaloux qu'Apollon fût aussi amoureux, alors il dévia le disque d'Apollon qui frappa Hyacinthe à la tempe, ce qui le tua. De son sang naît une fleur qui porte son nom, le Hyacinthus. Hyacinthe est un héros laconien[1],[2],[3] dont le tombeau et le culte étaient situés à Amyclées près de Sparte[4].

Hyacinthe
Héros de la mythologie grecque
Hyacinthe chevauchant un cygne. Kylix à figurine rouge attique. Attribué à Apollodore. 500-490 av. J.-C.
Hyacinthe chevauchant un cygne. Kylix à figurine rouge attique. Attribué à Apollodore.
500-490 av. J.-C.
Caractéristiques
Autre(s) nom(s) Hyacinthos
Hyakinthos
Nom grec ancien Ὑάκινθος (Hyákinthos)
Nom latinisé Hyacinthus
Métamorphose(s) fleur
Lieu d'origine Laconie
Associé(s) Apollon
Artémis
Équivalent(s) Hyacinthus (mythologie romaine)
Culte
Lieu principal de célébration Amyclées
Date de célébration Hyacinthies
Famille
Père Amyclas
Mère Diomédé
Premier conjoint Apollon
Deuxième conjoint Zéphyr
• Enfant(s) Hyacinthides

Les Hyacinthies, fête qui lui était dédiée à Amyclées, sont attestées à Cnossos[5] et à Tylissos[5] ainsi que dans beaucoup de cités doriennes[4].

Étymologie

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L'étymologie du grec ancien Ὑάκινθος / Hyákinthos[6] n'est pas établie. Karl Brugmann a proposé le sens de « jeune adolescent »[7]. La proposition a été acceptée par Lewis Richard Farnell[7],[8], mais elle reste discutée.

Pour Otto Haas, la forme préhellénique sur laquelle repose huákinthos est basée sur *swo-gên-to, « né de soi-même », une désignation du Feu[9].

Filiation

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Hyacinthe est le fils du roi Amyclas, personnification d'Amyclée, et de son épouse Diomédé[10],[S 1],[S 2].

D'après une autre tradition, rapportée par le pseudo-Apollodore, Hyacinthe est le fils de Piéros, héros éponyme de la Piérie, et de la muse Clio[10],[S 3].

D'après une tradition rapportée par Lucien de Samosate et Hygin, Hyacinthe est le fils d'Œbale, roi de Sparte[10],[S 4],[S 5].

La tradition laconienne donnait à Hyacinthe un frère, Kunortas, « lever du chien », nom qui fait allusion à la levée de l'étoile du Chien, Sirius[11].

 
La Mort d'Hyacinthe, par Jean Broc, 1801, musée Sainte-Croix (Poitiers)

Le fragment 171 du Catalogue des femmes du pseudo-Hésiode, restitué par Reinhold Merkelbach et Martin L. West, serait la plus ancienne expression littéraire connue du mythe d'Hyacinthe[12],[13].

Hélène, tragédie grecque d'Euripide, est le plus ancien texte connu à rapporter le mythe de Hyacinthe[14],[15].

D'une beauté exceptionnelle, Hyacinthe est aimé d'Apollon et de Zéphyr, ou de Borée. Apollon lui enseigne la musique, l'arc, la divination, la lyre, ainsi que tous les exercices sportifs que devait maîtriser un jeune Lacédémonien. Alors qu'il lui apprend à lancer le disque, Hyacinthe est accidentellement (ou à cause de Zéphyr, selon la version) frappé à la tempe par le disque, et meurt[11]. De son sang naissent des fleurs qu'on appelle, d'après le nom du jeune homme, des ὑάκινθοι / huákinthoi. Les pétales de la fleur portent l'initiale du jeune homme, Υ ou, selon la version, le mot ΑΙ, cri de lamentation d'Apollon.

Chez Ovide, le disque rebondit sur un rocher avant de frapper Hyacinthe à la tête[16],[17]. Chez Commodien, le disque glisse des mains d'Apollon qui ne peut le retenir[18]. Chez Servius comme dans le premier et le second des mythographes du Vatican, le vent qui dévie le disque est imputé à Borée[16],[19].

Le pseudo-Apollodore offre une version différente : l'aède thrace Thamyris s'éprend de Hyacinthe, donnant ainsi naissance à la pédérastie. La version apollodorienne rejoint ensuite la version commune : Hyacinthe est aimé d'Apollon et tué accidentellement par lui, au cours d'un jeu de disque.

Le rapport de la mort du héros et la naissance d'une fleur du même nom n'est attestée qu'à la fin IVe siècle av. J.-C. : sa plus ancienne mention connue se trouve dans les Histoires incroyables de Paleiphatos[20].

Dans la littérature romaine antique, Hyacinthe n'apparaît qu'avec Hygin[21].

 
Zéphyre et Hyacinthe. Coupe attique à figures rouges de Tarquinia, v. 480 av. J.-C. Musée des Beaux-Arts, Boston

Hyacinthe est fêté à Sparte lors de la fête des Hyacinthies et à Milet lors de la fête des Hyacinthotrophies. Il donne également son nom à un mois dorien, hyakinthios[22].

Tarente abritait un tombeau de Hyacinthe. Son existence nous est connue par Polybe[23],[S 6].

Le mois hyakinthios ou ses variantes graphiques — telles Bakinthios et Wakinthios[24] — sont attestées à Gythion, Calmnnos, Cnide, Cos, Rhodes, Théra, Lato et Malia, ainsi peut-être qu'à Byzance[25],[26]. Les auteurs, considérant que les noms des mois sont dérivés du plus important des cultes du mois, en déduisent que des Hyacinthies étaient célébrées dans ces localités[25],[26].

Il a peut-être été honoré à Ténos où une tribu Hyakinthis est attestée[26].

Interprétations

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Le nom d'Hyacinthe est d'origine préhellénique, comme en témoigne le suffixe « -nth ». Selon l'interprétation classique, son mythe, où Apollon est un dieu pré-dorien, est une métaphore classique de la mort et du renouvellement de la nature, comme dans le mythe d'Adonis. Plusieurs auteurs ont ainsi supposé que le disque qui tue Hyacinthe puisse être une métaphore du soleil. Certains éléments des Hyacinthies, telle la « grande galette ronde au miel », suggèrent également que « le soleil, le cycle annuel de l'astre et le moment de l'année, étaient présents dans la trame symbolique de la fête. »[11]

 
Hyacinthe ; François Joseph Bosio, 1817, Louvre

Pour Jean Haudry, si comme le propose Otto Haas, Hyacinthe « né de lui-même », est un ancien Feu, alors le lien avec le vent Zéphyr et Apollon Vent est naturel. Si le vent active le feu, il peut aussi l'éteindre[27].

Hyacinthe est aujourd'hui considéré comme une divinité préhellénique de la végétation[28],[29], évincée par Apollon, auquel elle reste associée dans l'épiclèse d'Apollon Hyakinthos (ou Hyakinthios)[30],[31].

Bernard Sergent, élève de Georges Dumézil, estime qu'il s'agit plutôt d'une légende initiatique, fondatrice de la pédérastie institutionnelle spartiate : Apollon enseigne à Hyacinthe comment devenir un jeune homme accompli. De fait, selon Philostrate, Hyacinthe apprend non seulement le lancer du disque, mais tous les exercices de la palestre, le maniement de l'arc, la musique, l'art divinatoire ou encore le jeu de la lyre. Par ailleurs, Pausanias rapporte qu'Hyacinthe, dans la statuaire, est parfois représenté barbu, parfois imberbe ; il évoque également son apothéose, représentée sur le piédestal de la statue rituelle du jeune homme à Amyclées, son lieu de culte. Le poète Nonnos de Panopolis mentionne la résurrection du jeune homme par Apollon. Pour Sergent, la mort et la résurrection comme l'apothéose représentent le passage à l'âge adulte[11].

Hyacinthe, père des Hyacinthides

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Hyacinthe agenouillé, tenant une jacinthe et une lyre. Statère en argent. Tarente, 510-500 av. J.-C.

Chez le pseudo-Apollodore[32],[33],[S 7] et Harpocration, d'après la Souda[33],[S 8], Hyacinthe est un homme mûr dont les filles — les Hyacinthides (Ὑακινθίδες / Hyakinthídes) — sont sacrifiées sur le tombeau du cyclope Géraistos par les Athéniens à la prière de Minos à Zeus[32]. Pour Pierre Grimal, ce Hyacinthe ne doit pas être associé au héros aimé d'Apollon[32].

Le second[34] décret sur la restauration des sanctuaires en Attique atteste l'existence à Athènes d'un sanctuaire dédié à Hyacinthe : le Hyakinthion[35]. Sa localisation est incertaine, mais il a été proposé de l'identifier au sanctuaire des Nymphes, situé sur la colline du même nom (aujourd'hui colline de l'Observatoire) près de l'église Sainte-Marine[36].

Iconographie

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Aucune représentation antique connue ne montre Hyacinthe et Apollon ensemble — à l'exception peut-être d'une coupe du peintre d'Akestorides, montrant un jeune garçon à califourchon sur un cygne. Philostrate de Lemnos décrit toutefois un tableau, peut-être fictif, les réunissant juste après la métamorphose du jeune homme[37].

En revanche, il est souvent représenté dans la céramique attique en compagnie de Zéphyr, soit qu'il soit enlevé par ce dernier, soit que ce dernier pratique un coït intercrural couché[réf. nécessaire].

Notes et références

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  1. Pseudo-Apollodore, 3, 10, 3-4.
  2. Pausanias, 3, 1, 3
  3. Pseudo-Apollodore, 1, 3, 1-2.
  4. Lucien, 16 (14), 239.
  5. Hygin, 271.
  6. Polybe, 8, 21, 1
  7. Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, III, 15, 8.
  8. Souda, s.v.Hyacinthides.
  1. Brulé 1987, p. 31.
  2. Fougères 1899, p. 304, col. 1.
  3. Knoepfler 2010, p. 167.
  4. a et b Graf 2006.
  5. a et b Malkin 1999, p. 139.
  6. La terminaison -nthe est courante en grec ancien : Corinthe, Labyrinthe, Acanthe, Menthé entre autres
  7. a et b Calame 1977, n. 288, p. 315.
  8. Farnell 1907, p. 126.
  9. Walter Pötscher, Article « Hyakinthia », Der Kleine Pauly. Lexikon der Antike in fünf Bänden., édité et publié par Konrat Ziegler und Walther Sontheimer, Deutscher Taschenbuch Verlag, München 1979, (ISBN 3-423-05963-X), p, 1254
  10. a b et c Mussies 1999, II, p. 434, col. 2.
  11. a b c et d Bernard Sergent, Svantovit et l'Apollon d'Amyklai, Revue de l'histoire des religions, Année 1994, 211-1, pp. 15-58
  12. Moreno Conde 2008, p. 9-10.
  13. Petropoulou 2012, p. 153, col. 1.
  14. Grégoire et al. 1950, p. 110.
  15. Prieur 2014, p. 25.
  16. a et b Moreau 1988, p. 2.
  17. Moreau 1988, n. 9, p. 12.
  18. Moreau 1988, n. 8, p. 12.
  19. Moreau 1988, n. 11, p. 12.
  20. Richer 2004, p. 393.
  21. Moreno Conde 2008, n. 7, p. 10.
  22. Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, 1999 (nouvelle édition mise à jour), article « ὑάκινθος », p. 1150 a.
  23. Mussies 1999, II, p. 436, col. 2.
  24. Pettersson 1992, n. 9, p. 10.
  25. a et b Pettersson 1992, p. 10.
  26. a b et c Richer 2004, n. 3, p. 390.
  27. Jean Haudry, Le feu dans la tradition indo-européenne, Archè, Milan, 2016 (ISBN 978-8872523438), p. 20 et 38
  28. Gernet et Boulanger 1932, p. 13-14.
  29. Stratiki 2002, p. 76.
  30. Cayla 2001, p. 73.
  31. 'Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, 1999 (nouvelle édition mise à jour), article « ὑάκινθος », p. 1149 b.
  32. a b et c Stratiki 2002, n. 51, p. 77.
  33. a et b Leduc 2011, n. 24.
  34. Culley 1977, p. 283.
  35. Culley 1977, p. 286.
  36. Culley 1977, n. 14, p. 286-287.
  37. Philostrate 1881, tableau 24.
  38. Musée Thyssen-Bornemisza

Voir aussi

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Sources antiques

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Valentin de Boulogne, La Mort de Hyacinthe.
Références
  1. a et b Moreno Conde 2008, n. 9, p. 10.
  2. a b c d e f g h i j k l m n o et p Moreno Conde 2008, n. 10, p. 11.

Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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