Grand remplacement
Le grand remplacement est un néologisme politique introduit par l'écrivain français d’extrême droite Renaud Camus en 2010. Il exprime une idée que l'AFP résume en trois points : « les Noirs et les Arabes vont remplacer les Français de « souche » ; ils veulent saper la « civilisation » française ; il suffit d'ouvrir les yeux pour s'en rendre compte mais les élites nient cette réalité[1]. » La formule « grand remplacement », dont se réclame également la mouvance identitaire, a depuis été reprise par certains membres du Front national, dont Jean-Marie Le Pen[1], par des journalistes comme Éric Zemmour et Ivan Rioufol, ou encore par des magazines comme Valeurs actuelles et Causeur.
Reprise de la formule dans le monde politique et des médias
Auteur de la formule, Renaud Camus est à l'initiative des deux principales utilisations directement politiques de la thèse du grand remplacement. D'abord au travers de son parti politique, le Parti de l'In-nocence, puis en 2013 par le NON au Changement de Peuple et de Civilisation (NCPC).
D'autres personnalités politiques adhèrent à cette théorie ou la relaient, notamment des membres du Front National, comme Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch, Julien Rochedy ou Philippe Martel[1], ancien aide de camp d'Alain Juppé passé de l'UMP au Front national en novembre 2013[2]. Selon le journal Le Monde, Charles Beigbeder, ancien secrétaire national de l'UMP, associe le grand remplacement à « l'inquiétude identitaire des marcheurs de La Manif pour tous »[3].
Plusieurs articles, par ailleurs très critiques à l'égard des thèses de Renaud Camus, notent que la théorie du grand remplacement occupe une place importante dans les préoccupations de l'extrême droite et d'une partie de la droite françaises en 2014[3],[1],[4]. Le Monde souligne ainsi que « les groupes identitaires l'exaltent, le Front national la reprend, la blogosphère d'extrême droite la soutient, des magazines comme Valeurs actuelles et Causeur la relaient. Elle est évoquée avec chaleur par des intellectuels ou des journalistes qui dénoncent la dissolution de l'« identité française », comme Éric Zemmour »[3]. Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite, considère que Jean-Marie Le Pen, en parlant du grand remplacement, « exprime quelque chose de central, partagé par beaucoup de militants »[1]. Le Nouvel Observateur considère pour sa part que le grand remplacement « devient le cri de ralliement de la sphère identitaire »[4].
Il existe également une certaine adhésion aux thèses de Renaud Camus dans la sphère médiatique, comme chez les journalistes Éric Zemmour, déjà cité, et Ivan Rioufol, qui utilisent régulièrement le terme « grand remplacement » lors de leurs interventions médiatiques[5], ou chez Dominique Venner, essayiste et historien classé à l'extrême droite qui s'est donnée la mort le 21 mai 2013 et qui fait deux fois mention au remplacement ou grand remplacement dans ses derniers écrits[6],[7].
Un article du Monde fait le lien entre L'Identité malheureuse, ouvrage d'Alain Finkielkraut paru en 2013[8] et les thèses de Renaud Camus, parlant notamment de « la même obsession d'une double décadence : celle de « La Grande Déculturation » (par l'école) et celle du « Grand Remplacement » (par « l'immigration de peuplement »)[9]. »
Critiques
La thèse du grand remplacement est très critiquée depuis 2010, par exemple dans Le Nouvel Observateur qui parle de la « bouillie xénophobe de Renaud Camus »[10], dans Libération qui pointe une « théorie fantasmatique »[11], et dans un article du Monde (accompagné d'un entretien avec Nicolas Bancel[12]) qui parle du « grand boniment »[3].
Selon Raphaël Liogier, l'expression « grand remplacement » est l'une des reprises de la thèse Eurabia développée en 2005 par Gisèle Orebi, « initialement confinée à quelques groupes extrémistes » et banalisée par quelques écrivains, dont Renaud Camus, dans un livre du même nom ayant rencontré un vif succès en librairie. La thèse d'origine prédit que la « civilisation arabo-musulmane » fera la conquête de l'Europe[13].
Le sociologue Yannick Cahuzac, spécialiste de l'extrême droite sur Internet, relève de même que « le rejet de l'immigration, particulièrement de l'immigration dite musulmane, s'articule sur les sites les plus radicaux sous les traits de la théorie du complot Eurabia, faisant de l'immigration arabo-musulmane un plan des élites pour arabiser — et aujourd'hui islamiser — l'Occident. Cette théorie rencontre un certain écho dans l'idée du « grand remplacement » théorisé par Renaud Camus, une idée par ailleurs commune dans l'extrême droite depuis 40 ans »[14].
Notes et références
- AFP 2014
- Emmanuel Galiero, « Un proche d'Alain Juppé rejoint Marine Le Pen », sur Le Figaro.fr, (consulté le ).
- Joignot 23 01 2014
- Caviglioli 2013.
- Le Blevennec 2014.
- AFP, « Le FN «respecte» le suicidé d'extrême droite de Notre-Dame », sur Libération.fr, (consulté le ).
- Dominique Venner, « La dernière lettre de Dominique Venner : les raisons d’une mort volontaire », sur Boulevard Voltaire, (consulté le ).
- Alain Finkielkraut, L'Identité malheureuse, Stock, , 228 p., 22 cm (ISBN 978-2-234-07336-4, BNF 43687425, lire en ligne). Il est à noter qu'Alain Finkielkraut cite Renaud Camus dans son livre, mais ne cite pas explicitement la notion de grand remplacement, ni celle de grande déculturation.
- Jean Birnbaum, « Alain Finkielkraut joue avec le feu », sur Le Monde.fr, (consulté le ).
- Leménager 2011.
- Le Mrap envoie Renaud Camus au tribunal, Libération, 20 février 2014.
- Joignot 24 01 2014.
- Liogier 2014.
- Estelle Gross, « Réacosphère : « Le conspirationnisme est au coeur de la dynamique » », sur Le Nouvel Observateur.com, (consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
Utilisée pour la rédaction de l'article
- Matthieu Falcone, « Que signifie le Grand Remplacement selon Renaud Camus ? », Culture Mag, (lire en ligne, consulté le ).
- Grégoire Leménager, « La bouillie xénophobe de Renaud Camus », Le Nouvel Observateur.com, (lire en ligne, consulté le ).
- David Caviglioli, « Renaud Camus, le maître à tweeter du Printemps français », Le Nouvel Observateur.com, (lire en ligne, consulté le ).
- Frédéric Joignot, « Le grand boniment », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- Frédéric Joignot, « « Un inquiétant imaginaire de purification ethnique et culturelle » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- Raphaël Liogier, « Le mythe de l’invasion arabo-musulmane », Le Monde diplomatique, no 722, (résumé, lire en ligne, consulté le ).
- AFP, « FN : Jean-Marie Le Pen se rallie à la thèse du « Grand remplacement » », RTL.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- Nolwenn Le Blevennec, « Le « grand remplacement » : l’idée raciste qui se propage », Rue89, (lire en ligne, consulté le ).
Complémentaire
Ouvrages de Renaud Camus
- Renaud Camus, Abécédaire De L'In-nocence, David Reinharc, coll. « Abécédaire », , 573 p., 24 cm (ISBN 978-2-35869-015-7, BNF 42414956, présentation en ligne).
- Renaud Camus, La Grande Déculturation, Fayard, , 151 p., 22 cm (ISBN 978-2-213-63693-1, BNF 41255200, lire en ligne).
- Renaud Camus, Le Grand Remplacement : Suivi de Discours d'Orange, chez l'auteur, (1re éd. 2011), 164 p., 21 cm (ISBN 979-10-91681-02-5, BNF 43610580) — 1re édition David Reinharc.
- Renaud Camus, Le Changement de peuple, chez l'auteur, , 103 p., 21 cm (ISBN 979-10-91681-06-3, BNF 43679269, présentation en ligne).
Autres ouvrages
- Raphaël Liogier, Le Mythe de l'islamisation: Essai sur une obsession collective, Seuil, 2012, 223 p.
- Abdellali Hajjat, Marwan Mohammed, Islamophobie: Comment les élites françaises fabriquent le "problème musulman", La Découverte, 2013, 298 p.
- Luc Boltanski, Arnaud Esquerre, Vers l'extrême : Extension des domaines de la droite, Dehors, 2014, 80 p.
Articles connexes
- Incitation à la haine raciale
- Immigration en France
- Politique de l'immigration de l'Union européenne
- Migration de remplacement
- Migration de peuplement
- Politiques d'intégration en France
- Renaud Camus
- Lois contre le racisme et les discours de haine
- Théorie du complot
- Eurabia