Aqueduc
Un aqueduc est un ouvrage destiné à l'adduction d'eau pour la consommation d'une ville.
Le mot aqueduc est un emprunt tardif (XVIe siècle) au latin aquae ductus (aussi aquaeductus), de aqua (« eau ») et de ductus (dérivé de ducere, « conduire », lui-même tiré de duco). Aqueduc a pu désigner toutes canalisations destinées à conduire les eaux[1], toutefois ce sens ancien s'est oblitéré, aqueduc ne désignant plus que les ouvrages antiques monumentaux en maçonnerie et les constructions modernes de génie civil destinés principalement à alimenter les villes en eau.
Les premiers aqueducs
[modifier | modifier le code]Les premiers systèmes d'alimentation en eau sont apparus probablement en même temps que les premiers habitats urbanisés situés loin de rivières, ainsi pour alimenter la ville de Cnossos en Crète, au milieu du IIe millénaire av. J.-C.
D'abord simples conduits ou tuyaux permettant d'amener l'eau, les aqueducs vont se développer au fur et à mesure des progrès techniques permettant la construction d'ouvrages d'art :
- tunnels permettant aux canaux de franchir des hauteurs de collines importantes ;
- tranchées faites dans des collines quand leur hauteur n'est pas importante ;
- ponts-aqueducs nécessaires pour franchir des vallons ou des bras de mer en conservant une pente constante ;
- ponts-siphons (siphons inversés) pour passer des vallons importants avec mise en charge des conduites.
On trouve le creusement de tunnels parmi les aménagements hydrauliques faits par les Hébreux pour l'alimentation en eau de la ville forteresse de Megiddo. De même, la Bible raconte les aménagements d'Ézéchias de la source de Gihon avec le percement d'un tunnel pour alimenter le bassin de Silwan, à Jérusalem, en 700 av. J.-C, afin d'assurer la défense de la ville contre Sennachérib.
Sennachérib a fait construire un aqueduc pour alimenter la ville de Ninive pour lequel il a fait construire un pont-aqueduc à Jerwan de 280 m de longueur. Il est le plus ancien connu. Cette technique a été utilisée par les Phéniciens pour amener de l'eau douce du Kasimieh à Tyr. Des Phéniciens, cette technique serait passée aux Grecs et aux Étrusques, puis aux Romains[2].
Les aqueducs romains
[modifier | modifier le code]Les aqueducs anciens utilisaient la simple force de la gravité pour acheminer l'eau : il suffisait de donner un léger dénivelé aux conduites pour que l'eau coule vers sa destination. L'inconvénient était que, pour passer une colline, il fallait soit la contourner, soit creuser un tunnel ; de même, pour passer une vallée, il fallait construire un pont ou utiliser un siphon. Les libratores[3], ingénieurs topographes qui définissaient le cheminement des aqueducs, étaient passés maîtres en la matière et en particulier l'Arlésien Quintus Candidus Benignus[4].
Siphons
[modifier | modifier le code]Le siphon, qui permet de franchir une vallée sans construction d'un pont, fonctionne sur le principe des vases communicants. Il est constitué d’un canal en pierre emboitées ou d'une conduite en plomb avec, en amont un réservoir de chasse et en aval un réservoir de fuite, placé plus bas que le premier. L’eau se déverse dans le réservoir de chasse, passe par le canal ou la conduite qui traverse la vallée, et s'écoule dans le réservoir de fuite grâce à la différence d'altitude. Ce réservoir alimente l'aqueduc qui reprend son écoulement naturel[5].
Pour les quatre aqueducs de Lyon, les Romains ont construit huit siphons, dont un double. Quatre ponts-siphons et six réservoirs subsistent aujourd'hui. Les aqueducs de Rome ne comportaient aucun siphon et seule une trentaine sont connus dans le reste du monde antique, dont trois seulement ont laissé des traces, en Turquie[5].
Vestiges
[modifier | modifier le code]Il subsiste de nombreux vestiges significatifs des aqueducs romains, comme le pont du Gard en France, l'aqueduc de Ségovie en Espagne, l'aqueduc de Carthage en Tunisie, l'aqueduc de Jouy-aux-Arches près de Metz, etc. Cependant, l'essentiel du parcours de ces aqueducs était souterrain (cf. photo) et beaucoup moins spectaculaire.
La canalisation qui fournissait l'eau à Fréjus, dans le Var (41 567 m de long, 515 m de dénivelé, 300 l/s), encore partiellement en service, était souterraine sur la plus grande partie de son trajet, mais empruntait l'aqueduc de Mons peu avant son extrémité, de façon à garder une hauteur suffisante pour alimenter un château d'eau au point le plus haut de la ville.
Les aqueducs modernes
[modifier | modifier le code]Les canaux de transport d'eau modernes s'apparentent plutôt à des pipelines, sur le même modèle que les oléoducs ou que les gazoducs : l'eau est mise en surpression par des pompes, ce qui la propulse dans la conduite de métal, de section circulaire. Ceci permet notamment de s'affranchir d'une partie des accidents de terrain et à l'occasion d'envoyer l'eau à une altitude supérieure à celle où elle est captée[6]. Certains canaux empruntent des ouvrages inspirés de ceux des Romains :
- aqueduc de Mont-Saint-Pont, Braine-l'Alleud (Belgique, 1855) ;
- aqueduc de la Minette, Rennes (1882) ;
- Aqueduc de la Vanne, Paris (fin du XIXe siècle) ;
- aqueduc de l'Avre, Paris (1893) ;
- aqueduc de Los Angeles, Los Angeles (XXe siècle) ;
- aqueduc du Päijänne, Helsinki (1972-1982) ;
- spéléodrome de Nancy, Villers-lès-Nancy (1899-1906).
Aqueducs remarquables
[modifier | modifier le code]- Aqueduc de Roquefavour, à Ventabren (1842-1847), le plus haut pont-aqueduc en pierre du monde.
- Aqueduc de Jerwan, construit par Sennachérib vers -688 pour l'alimentation de Ninive, le plus vieux pont-aqueduc connu.
- La conduite forcée (siphon inversé) de l'aqueduc hellénistique du Madradag qui alimente l'acropole de Pergame (actuellement en Turquie), qui comporte un dénivelé de presque 200 m, le plus important de l'Antiquité, construit dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C.[7].
- Dans la commune de Valle di Maddaloni se trouve l’aqueduc Carolino construit par Luigi Vanvitelli pour apporter l’eau des sources du Mont Taburno jusqu’au Palais Royal de Caserte et inséré dans la liste des patrimoines de l’humanité par l’UNESCO. L’œuvre a nécessité 16 ans de travaux et le soutien des savants et des mathématiciens les plus estimés du royaume de Naples, suscitant, pendant toute la durée de sa réalisation, l’attention de l’Europe entière, Elle est reconnue comme l’une des œuvres architecturales et d’ingénierie les plus importantes du XVIIIe siècle.
Fuites sur aqueducs
[modifier | modifier le code]Des approches soucieuses de l'environnement sont basées sur l'utilisation de gaz traceur, inerte (hélium) et éventuellement renouvelable (hydrogène). Des détecteurs de gaz ultra sensibles permettent de localiser sans difficulté les points d'épanchement. Certains de ces gaz traceurs sont homologués en tant qu'additifs alimentaires E939 et E949, ce qui les rend particulièrement adaptés à ces tâches délicates.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Un exemple de l'usage ancien du terme acqueduc pour un drainage des caves (1689).
- Jacques Bonnin, L'Eau dans l'Antiquité. L'hydraulique avant notre ère, Paris, Eyrolles, 1984.
- https://mediterranees.net/civilisation/Rich/Articles/Eau/Libratores.html
- Hélène Dessales, « Les inventions hydrauliques dans l'antiquité romaine », sur Presses Universitaires du Midi, (consulté le )
- « Les Aqueducs : Lyon patrimoine Unesco, découvrez les aqueducs de Lyon », sur www.patrimoine-lyon.org (consulté le )
- http://www.eaudeparis.fr/uploads/tx_edpevents/Memodo-AqueducBD.pdf
- Viollet 2004, p. 142-145.
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Aqueducs romains, Les Dossiers de l'archéologie, Dijon, .
- Jacques Bonnin, L’eau dans l'antiquité. L'hydraulique avant notre ère, Eyrolles (collection de la Direction des Études et Recherches d'Électricité de France no 47), Paris, 1985, (ISSN 0399-4198)
- Hubert Chanson, « Certains aspects de la conception hydraulique des aqueducs romains », La Houille blanche - Revue internationale de l'eau, Revue générale de l’électricité S.A., nos 6-7, , p. 43-57 (ISSN 0018-6368, lire en ligne).
- Didier Lavrut, « Les aqueducs romains ne servaient à rien ! », L'Histoire, Sophia Publications, no 154, , p. 82-83 (ISSN 0182-2411 et 2108-6753, OCLC 795930714, BNF 34355330, lire en ligne). (lire en ligne).
- Philippe Leveau, « L'archéologie des aqueducs romains ou les aqueducs romains entre projet et usage », sur traianvs.net, (consulté le ).
- Jean Claude Litaudon, « Les aqueducs antiques », sur traianvs.net, (consulté le ).
- Pierre Louis Viollet, L’Hydraulique dans les civilisations anciennes : 5 000 ans d’histoire, Paris, Presse de l’école nationale des Ponts et chaussées, , 2e éd., 384 p. (ISBN 978-2-85978-397-6, BNF 40050043).
- L'or bleu. Les Romains et l'eau, exposition présentée au musée de Rauranum, Rom (Deux-Sèvres), été 2006.
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Conduite forcée
- Glossaire de l'architecture
- Tunnel-canal
- Pipeline
- Oléoduc ;
- Gazoduc ;
- Hydrogénoduc
- Minéroduc (pipeline à lisier / boues) ;
- à pâte à papier ;
- Saumoduc ;
- Lactoduc ;
- Biéroduc
- Irrigation, Qanat, Khattara
- Acequia
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Ressource relative aux beaux-arts :