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Autofiction

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L'autofiction ou roman personnel est un genre littéraire situé au croisement entre un récit réel de la vie de l'auteur et un récit fictif explorant une expérience vécue par celui-ci.

« Autofiction » est employé pour la première fois en 1977 par Serge Doubrovsky, critique littéraire et romancier, pour désigner son roman Fils[1].

Le terme est composé du préfixe auto (du grec αὐτός / autós, « soi-même ») et de fiction.

Périmètre

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Comme l’autobiographie, l’autofiction appartient à l’« écriture de soi »[2]. L’autofiction se définit par un « pacte oxymoronique »[3] ou contradictoire associant deux types de narrations opposés : c'est un récit fondé, comme l'autobiographie, sur le principe des trois identités (l'auteur est aussi le narrateur et le personnage principal), qui se réclame cependant de la fiction dans ses modalités narratives et dans les allégations péritextuelles (titre, quatrième de couverture…).

L'autofiction est le récit d'événements de la vie de l'auteur sous une forme plus ou moins romancée (l'emploi, dans certains cas, d'une narration à la troisième personne du singulier). Les noms des personnages ou des lieux peuvent être modifiés, la factualité mise au second plan au profit de l'économie du souvenir ou des choix narratifs de l'auteur. Affranchie des « censures intérieures »[4], l'autofiction laisse une place prépondérante à l'expression de l'inconscient dans le récit de soi. Pour Serge Doubrovsky, qui a « baptisé » ce genre (des textes d'autofiction existaient bien antérieurement), l'autofiction est une « fiction, d'événements et de faits strictement réels. Si l'on veut, autofiction, d'avoir confié le langage d'une aventure à l'aventure d'un langage en liberté ». La fiction devient ici l'outil affiché d’une quête identitaire (notamment à travers l'utilisation de la psychanalyse).

La théorie littéraire de langue anglaise comporte deux notions proches de l'autofiction : faction (mot-valise regroupant fact et fiction) et autobiographical novel. La faction est tout texte mêlant une technique narrative empruntée à la fiction et un récit portant sur des faits réels ; même si le terme a le mérite de faire référence aux problématiques de l'autofiction, le corpus textuel qu'il désigne semble se rapprocher davantage de la nonfiction novel, voire d’un récit historique fictionnalisé. Autobiographical novel est une expression plus courante pour désigner un récit proche de la vie de l'auteur mais s'affranchissant du pacte autobiographique.

L'usage du terme « autofiction » en milieu universitaire est récent et reste problématique. Les ressorts de l'autofiction sont liés à la discrétion totale sur la vie d’autrui et à la censure quant à sa vie intime, dont seul un pacte fictionnel permettrait de résoudre les problèmes, mais aussi à l’opposition réel / vécu (dans une optique psychanalytique) et à l'équivalence lacanienne entre moi et langage (ce qui expliquerait sa naissance au XXe siècle).

Jacques Lecarme[5] distingue deux usages de la notion : l'autofiction au sens strict du terme (les faits sur lesquels porte le récit sont réels, mais la technique narrative et le récit s’inspirent de la fiction) et l'autofiction au sens élargi, un mélange de souvenirs et d'imaginaire. Vincent Colonna[6] définit un sens étroit — la projection de soi dans un univers fictionnel où l'on aurait pu se trouver, mais où l'on n'a pas vécu réellement — et, par extension, tout roman autobiographique (en considérant qu’il y a toujours une part de fiction dans la confession). Ces dichotomies témoignent en tout cas de l'ambiguïté de la notion.

Une définition tout à fait différente est proposée par Gérard Genette[7], qui la définit tout d'abord d'après le « protocole nominal » de la triple identité (l'auteur est narrateur et protagoniste). La « vraie autofiction » a, selon Genette, un contenu narratif authentiquement fictionnel (cf. certaines nouvelles de L'Aleph de Jorge Luis Borges ou la Divine comédie de Dante) ; les textes portant sur des événements réels ne sont donc que des « fausses autofictions » qu'il qualifie d'« autobiographies honteuses ».

Selon Serge Doubrovsky, l'autofiction est un récit dont les caractéristiques correspondent à celles de l'autobiographie, mais qui proclame son identité avec le roman en reconnaissant intégrer des faits empruntés à la réalité avec des éléments fictifs, que ce soit dans l'édition classique ou sur Internet. Il s'agit donc de la combinaison des signes de l'engagement autobiographique et de stratégies propres au roman, d'un genre qui se situe entre roman et journal intime. Doubrovsky définit ainsi sa propre entreprise : « Fiction d'événements et de faits strictement réels ; si l'on veut, autofiction, d'avoir confié le langage d'une aventure à l'aventure du langage, hors sagesse et hors syntaxe du roman, traditionnel ou nouveau. »

En fait, Vincent Colonna et Serge Doubrovsky sont plus proches qu’ils ne semblent le revendiquer à partir du moment où la fiction est mise au service de la finalité autobiographique (dans le sens éthique de vérité).

La définition de Serge Doubrovsky, en ce qu’elle est trop restreinte, risque à terme de n'illustrer que ses propres livres... Serge Doubrovsky n'en est-il pas le premier conscient lorsqu'il revendique dans sa lignée des livres tels que La Naissance du jour par exemple, récit dans lequel Colette ne respectait pas les faits tels qu'ils se sont passés mais les utilisait à des fins expérimentales ?

Michel Butor aussi se présente comme un pionnier revendiqué de l'autofiction avant la lettre avec son Portrait de l'artiste en jeune singe, paru en 1967, soit dix ans avant que Doubrovsky n'invente le mot. Butor explique : « Le Portrait de l'artiste en jeune singe, c'est une narration. Mais évidemment, on ne peut pas dire que c'est un roman. Ce n'est pas un roman d'abord parce que c'est autobiographique — c'est un peu le seul de mes livres qui soit vraiment autobiographique… autobiographique changé, un peu transformé, exactement comme font les gens maintenant qui font de « l’autofiction », comme on dit… j’ai fait ça bien avant ! »[8]

Mathurin Ovono Ebè propose la notion d'« autopersonnagination », plus expressive de cette sphère de la création littéraire que celle d'autofiction.

Un grand nombre d'auteurs d'autofiction élèvent La Recherche de Marcel Proust en mythe fondateur de ce genre littéraire[9].

L'autofiction a connu en France une vogue, qui a commencé à décliner vers 2012[10], pour laisser la place notamment à l'exofiction (biographie romancée d'une personne réelle autre que l'auteur).

Auteurs représentatifs

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Liste, non exhaustive, de quelques auteurs assimilés par la critique au courant dit « autofictif » ou qui se revendiquent comme « autofictionnalistes » à part entière :

Bibliographie

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  • Manuel Alberca, El pacto ambiguo. De la novela autobiográfica a la autoficción (Biblioteca Nueva, 2007).
  • Vincent Colonna, Autofiction et autres mythomanies littéraires, (Tristram, 2004)
  • Chloé Delaume, La Règle du Je. Autofiction : un essai (PUF, coll. « Travaux pratiques », 2010).
  • Philippe Gasparini, Autofiction - Une aventure du langage (Seuil, 2008),
  • Philippe Gasparini, Est-il Je - Roman autobiographique et autofiction (Seuil, 2004)
  • Arnaud Genon, Autofiction : pratiques et théories. Articles (Mon Petit Éditeur, coll. Essai, 2013).
  • Isabelle Grell, L'Autofiction (Armand Colin, 2014)
  • Claudia Jacobi, Proust dixit? Réceptions de La Recherche dans l'autofiction de Serge Doubrovsky, Carmen Martín Gaite et Walter Siti (Vandenhoek&Ruprecht 2016)
  • Thierry Laurent, L'Œuvre de Patrick Modiano : une autofiction (avec une lettre-préface de Patrick Modiano), Presses universitaires de Lyon, 1997.
  • Stéphanie Michineau, L'Autofiction dans l'œuvre de Colette[12] (Publibook, 2008)
  • Stéphanie Michineau, Construction de l'image maternelle chez Colette de 1922 à 1936[13],[14] (Edilivre, 2009)
  • Régine Robin, Le Golem de l'écriture, De l'autofiction au cybersoi, (XYZ éditeur, 1998)
  • Une bibliographie des livres, thèses, articles disponibles sur l’autofiction est publiée dans Genèse et autofiction, sous la dir. de Catherine Viollet et Jean-Louis Jeannelle, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2007, p. 241-253 et sur le site autofiction.org.

Références

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  1. Serge Doubrovsky, Fils, Paris, Galilée, 1977.
  2. Yves Baudelle, « Le nom de l’auteur dans son texte (autobiographie et autofiction) », Études françaises, vol. 56, no 3,‎ , p. 59 (lire en ligne)
  3. Hélène Jaccomard, Lecteur et lecture dans l’autobiographie française contemporaine : Violette Leduc, Françoise d’Eaubonne, Serge Doubrovsky, Marguerite Yourcenar, Genève, Droz, 1993
  4. Annie Ernaux, « Vers un je transpersonnel », in Autofictions & Cie, Colloque de Nanterre, 1992, dir. Serge Doubrovsky, Jacques Lecarme et Philippe Lejeune, RITM, no 6, p. 220
  5. Jacques Lecarme, L'autofiction : un mauvais genre ?, in Autofictions & Cie. Colloque de Nanterre, 1992,dir. Serge Doubrovsky, Jacques Lecarme et Philippe Lejeune, RITM, no 6
  6. Vincent Colonna, L'Autofiction. Essai sur la fictionnalisation de soi en littérature, Thèse inédite dirigée par Gérard Genette, EHESS, 1989
  7. Gérard Genette, Fiction et diction, Paris, Seuil, 1991
  8. Emmanuel Legeard, Une Conversation avec Michel Butor (2016)
  9. Claudia Jacobi, Proust dixit ? : réceptions de "La Recherche" dans l'autofiction de Serge Doubrovsky, Carmen Martín Gaite et Walter Siti, Gœttingue, V&R unipress, (ISBN 978-3-8471-0570-1 et 9783737005708, lire en ligne)
  10. Les Inrocks
  11. Christine Suard, "Les variantes de l'autobiographie chez Amélie Nothomb", Thèse - San José State university, 2008
  12. Arnaud Genon, L'œuvre de Colette : de l'autobiographique à l'autofictionnel, www.autofiction.org 2009/03/01
  13. Brigitte Aubonnet, autofiction.org 2010/08/30
  14. Nicole Michel Grépat, Du duel au duo : Colette et sa mère, fabula.org

Articles connexes

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