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Crash du B-24 de Władysław Sikorski

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Écrasement du B-24 de Władysław Sikorski
Mémorial au général Sikorski à Europa Point, Gibraltar.
Mémorial au général Sikorski à Europa Point, Gibraltar.
Caractéristiques de l'accident
Date4 juillet 1943
SiteAéroport de Gibraltar
Coordonnées 36° 48′ nord, 5° 13′ ouest
Caractéristiques de l'appareil
Type d'appareilConsolidated B-24 Liberator
CompagnieEscadron n°511 de la RAF (en)
No  d'identificationAL523
Lieu d'origineGibraltar
Lieu de destinationLondres
PhaseDécollage
Passagers11 (est.)
Équipage6
Morts16 (est.)
Blessés1

Géolocalisation sur la carte : Gibraltar
(Voir situation sur carte : Gibraltar)
Écrasement du B-24 de Władysław Sikorski

L’accident du B-24 à Gibraltar en 1943 entraîna la mort de quelque seize personnes, dont le général Władysław Sikorski. Sikorski était le commandant en chef de l'armée polonaise et le premier ministre du gouvernement polonais en exil. Le Liberator II de Sikorski s’abîma au large de Gibraltar presque immédiatement après le décollage, le pilote de l'avion étant le seul survivant. Bien que cet écrasement fut considéré comme un accident, une controverse sur la mort de Sikorski débuta en raison du contexte politique.

Pour de multiples raisons liées aux conséquences du pacte germano-soviétique, les relations entre l’Union soviétique et la Pologne étaient d’autant plus tendues qu’après 1941 avait été révélé le massacre de Katyń, où plus de 20 000 militaires polonais avaient été exécutés par le NKVD en 1940 (mais que l’URSS attribuait à l’Allemagne nazie). Bien que, par pragmatisme, le général Władysław Sikorski fut ouvert à une certaine normalisation des relations polono-soviétiques, le général Władysław Anders y était farouchement opposé tant que l’URSS ne reconnaîtrait pas ses responsabilités[1]. Pour remonter le moral des troupes, Sikorski entama une tournée d’inspection des forces polonaises stationnées au Moyen-Orient en mai 1943, tendant vers les affaires politiques lorsque c’était nécessaire[1].

Le , alors que Sikorski retournait à Londres après avoir inspecté les forces polonaises déployées au Moyen-Orient, son avion, un Consolidated B-24 Liberator de la Royal Air Force, numéro de série (en) AL523, mis en œuvre par l’escadron n°511 de la RAF (en), s’écrasa en mer 16 secondes après son décollage de l’aéroport de Gibraltar à 23h07[1],[2],[3].

Le Liberator II était un modèle LB-30 construit comme un avion transport non armé et opéré par l’escadron no 511 du RAF Transport Command sur les vols entre le Royaume-Uni et Gibraltar.

En , le pilote, le lieutenant Eduard Prchal, décrivit les événements : « J’avais reçu le feu vert de la tour et nous avions commencé notre décollage. J’ai tiré sur le manche et l'avion avait commencé à monter. Quand j’étais à 150 pieds, j’ai poussé le manche de l’avion en avant pour gagner de la vitesse. Soudain, j’ai découvert que je n’étais pas en mesure de tirer sur le manche. Le mécanisme était bloqué ou verrouillé ». L'avion perdit ensuite rapidement de l'altitude. Prchal ferma les quatre manettes et avertit les autres à travers l’interphone « Attention, écrasement ». L'avion s’est abîmé en mer[4].

Sikorski, sa fille, Tadeusz Klimecki (en) (son chef d'état-major), et huit autres passagers furent tués. Alors que le nombre officiel de ceux qui ont péri était de onze personnes, le nombre exact de passagers n’est pas connu. Sur les six membres d’équipage à bord, seul Prchal survécut[1],[5].

Passagers et équipage

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Le seul survivant de l’accident fut le pilote, le lieutenant Eduard Prchal, un des six membres d’équipage de l’avion[1]. Les onze passagers tués étaient :

Conséquences

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Le corps de Sikorski fut recueilli par le destroyer de la marine polonaise, l’ORP Orkan, et transporté en Grande-Bretagne[2]. Il fut ensuite enterré dans une fosse bordée de briques au cimetière militaire polonais à Newark-on-Trent, en Angleterre, le 16 juillet de cette année[1]. Winston Churchill prononça un éloge à ses funérailles[3]. Les corps de sa fille, des quatre autres passagers et de l’équipage restèrent introuvables et la présence de sa fille à bord entra d’ailleurs dans le champ de la controverse[12]. Quoi qu’il en soit, la mort de Sikorski marqua un effondrement de l’influence polonaise parmi les alliés anglo-américains : il avait été le plus prestigieux chef du gouvernement polonais en exil à Londres, et ce fut un grave revers pour la cause polonaise[13].

Enquête sur l’écrasement et controverse

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Une commission d’enquête britannique fut convoquée le , sur l’ordre du maréchal de l’air Sir John Slessor en date du [14]. Le , la Cour conclut que l’accident avait été causé par le « blocage des gouvernes » qui avait rendu l’avion incontrôlable après le décollage[15]. Le rapport notait qu’« il n'avait pas été possible de déterminer comment le blocage s’était produit » mais qu’un sabotage était néanmoins exclu[16]. Slessor ne fut pas satisfait du rapport et le 28 juillet ordonna à la cour de poursuivre son enquête pour savoir, tout d’abord, si les gouvernes étaient bien bloquées ou non, et si elles l’étaient, de déterminer pour quelle raison. En dépit d’une enquête plus approfondie, la cour ne put répondre aux doutes de Slessor[17]. Le gouvernement polonais refusa d’approuver ce rapport en raison des contradictions qui y étaient mentionnées, et de l’absence de résultats concluants[18].

Le contexte politique de l'événement, couplé avec diverses circonstances curieuses, donna immédiatement lieu à des soupçons au sujet de la mort de Sikorski, l’accident pouvant résulter d’un complot soviétique, britannique, ou les deux, ou même polonais[1],[13],[19],[20],[21]. Certaines sources modernes notent que l’accident n’est pas entièrement expliqué : par exemple Jerzy Jan Lerski dans son « Dictionnaire historique de la Pologne » (Historical Dictionary of Poland - ), à l'entrée « Gibraltar, Catastrophe de », note qu’« il y a plusieurs théories expliquant l’événement, mais le mystère n’a jamais été totalement résolu »[22]. Cependant, que Roman Wapiński (en) écrivit dans son entrée biographique sur Sikorski dans le Dictionnaire biographique polonais en , qu’aucune preuve concluante d’acte répréhensible n’a été trouvée, et que la cause officielle de la mort de Sikorski est accidentelle[1].

En , Sikorski fut exhumé et ses restes furent examinés par des scientifiques polonais, qui en , conclurent qu’il était mort de blessures compatibles avec un accident d’avion, et qu’il n’y avait pas de preuve que Sikorski avait été assassiné, excluant les théories selon lesquelles il aurait été abattu ou étranglé avant l'écrasement. Cependant, ils n’excluaient pas la possibilité d’un sabotage de l’avion, hypothèse qui est encore étudiée par l'Institut polonais de la mémoire nationale[23],[24],[25]. L’enquête se poursuivait encore en mais le fait que certains documents de l’époque soient encore classifiés ne facilite pas l’éclaircissement de la question[26].

En , Jerzy Zięborak passa en revue la preuve recueillie par la commission d’enquête en ainsi que d’autres documents disponibles à cette date. Sa conclusion fut que l’accident avait résulté d’une combinaison de facteurs. Tout d’abord, l’aéronef était surchargé et son centre de gravité se situait au-delà de la limite permise. Deuxièmement, la vitesse de l’avion au décollage était trop faible en raison de ce poids excessif. Enfin, le pilote automatique avait été activé juste après le décollage, contrairement à ce que prévoyait le manuel de vol, et qui causa un effet similaire au grippage des gouvernes comme noté par le copilote. Une preuve fut trouvée que le pilote survivant Eduard Prchal, exerçait effectivement les fonctions du copilote pendant le décollage, ce qu’il n’avait pas dit au moment de l'enquête[27].

Jerzy Zięborak rejeta l’opinion du général MacFarlane selon lequel l’état mental de Prchal pendant le décollage était la raison de l’accident[28]. Il compara ensuite l’article de Prchal, écrit dix ans après, avec les documents relatifs à l'écrasement. Il s’avéra que non seulement Prchal avait décrit faussement l’accident, mais qu’il avait oublié certains détails qu'il avait mentionnés lors de ses rencontres avec les pilotes. Les différences portaient même sur le type de ses propres blessures mentionnées dans l’article et celles rapportés dans l’examen médical après l’accident. L’auteur se demanda comment il était possible que Prchal ait complètement pu oublier ces détails de l’accident, ainsi que le nombre de victimes. La raison de ces différences, à savoir si Prchal avait menti délibérément dans son article ou s’il souffrait d’une sorte d’amnésie partielle à la suite de ses blessures, ne fut pas discutée[29]. Cependant, Jerzy Zięborak pense que Prchal avait menti sur le sujet du gilet de sauvetage[30].

Malgré les lacunes du rapport, les résultats des enquêtes de la cour furent finalement entérinés. L’auteur conclut que ce fut une solution opportune pour les gouvernements Alliés, que les détails de la procédure de vol impliquant des personnalités ne soient pas publiés dans le rapport de la commission pendant la guerre[31].

Le crash de l'avion du Général Sikorski figure dans un film britannique de 1958) (l'ennemi silencieux) retraçant de façon romancée la vie du Commander Lionel Crabb et les raids italiens d'hommes grenouilles sur Gibraltar à partir de l'épave du pétrolier Olterra, échoué dans la partie espagnole de la rade de Gibraltar et transformé en base secrète pour commandos de nageurs de combat.

Si Lionel Crabb, à l'époque le plus performant des plongeurs autonomes britanniques, a bien participé à la récupération des cadavres et des documents dans l'épave de l'avion, les séquences du film montrant un combat au poignard de plongeur entre hommes grenouilles anglais et italiens pour s'approprier un dossier diplomatique polonais secret relève de la licence artistique… et inspirera un autre film où figurent des nageurs de combat: le bien plus célèbre Opération Tonnerre un opus de la série James Bond, avec Sean Connery et l'actrice française Claudine Auger.

Références

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  1. a b c d e f g h i et j (pl) Roman Wapiński (en), « Władysław Sikorski », dans Polski Słownik Biograficzny, zeszyt 154 (T. XXXVII/3), , p. 475
  2. a b c d e et f (pl) Tadeusz A. Kisielewski, Zamach : Tropem zabójców Generała Sikorskiego, Rebis, , 320 p. (ISBN 978-83-7301-767-2, lire en ligne)
  3. a et b (en) Michael Alfred Peszke, The Polish Underground Army, The Western Allies, And The Failure of Strategic Unity in World War II, Jefferson (N.C.), McFarland, , 244 p. (ISBN 978-0-7864-2009-4, lire en ligne), p. 101
  4. "Pilot of General Sikorski's aircraft claims libel damages from German playwright." Times [London, England] 3 May 1972: 3. The Times Digital Archive. Web. 18 Aug 2013
  5. (pl) « • Komu zaszkodzi ekshumacja generała », Focus.pl, (consulté le )
  6. a b c et d (en) « Commemorative ceremonies in Gibraltar marking the 70th of the tragic death of Gen Wladyslaw Sikorski and members his entourage in the Gibraltar air crash », sur Service des anciens combattants et des victimes d'oppression (pl), (version du sur Internet Archive)
  7. a et b « Komisja Historyczna do spraw Opracowania Dokumentacji na temat Śmierci Gen. Władysława Sikorskiego – Inne organy doradcze powołane do rozpatrywania określonej sprawy lub grupy spraw – BIP Rady Ministrów i Kancelarii Prezesa Rady Ministrów », Bip.kprm.gov.pl, (consulté le )
  8. (pl) Józef Szczypek, Władysław Sikorski : fakty i legendy, Krajowa Agencja Wydawnicza, , 262 p. (ISBN 978-83-03-00671-4, lire en ligne), p. 231
  9. a b et c (en) Piotr Żaroń et Władysław Sikorski, Armia Andersa, Wydawn. Adam Marszałek, (ISBN 978-83-86229-54-3, lire en ligne), p. 202
  10. « Pinder, Harry », Commonwealth War Graves Commission (consulté le )
  11. 'Brig. J. P. Whiteley, M. P.' (obituary) in The Times dated 7 July 1943, p. 7
  12. John Coates. "Sikorski: Was It Murder?" Times [London, England] 4 July 2003: 10[S]. The Times Digital Archive. Web. 18 Aug 2013.
  13. a et b (pl) Stanczyk, Zbigniew L., « Tajemnica gen. Sikorskiego », Przegląd Polski Online", (version du sur Internet Archive)
  14. Zięborak (2012) p49
  15. (en) Michael Alfred Peszke, The Polish Underground Army, The Western Allies, And The Failure of Strategic Unity in World War II, Jefferson (N.C.), McFarland, , 244 p. (ISBN 978-0-7864-2009-4, lire en ligne), p. 102
  16. "General Sikorski's Death." Times [London, England] 21 September 1943: 2. The Times Digital Archive. Web. 18 Aug 2013.
  17. Zięborak (2012) p120-124
  18. (en) Michael Alfred Peszke, The Polish Underground Army, The Western Allies, And The Failure of Strategic Unity in World War II, Jefferson (N.C.), McFarland, , 244 p. (ISBN 978-0-7864-2009-4, lire en ligne), p. 103
  19. (en) Thom Burnett, Conspiracy Encyclopedia, Franz Steiner Verlag, , 320 p. (ISBN 978-1-84340-381-4, lire en ligne), p. 47
  20. (en) Nicholas Atkin, Michael Biddiss et Frank Tallett, The Wiley-Blackwell Dictionary of Modern European History Since 1789, John Wiley & Sons (ISBN 978-1-4051-8922-4, lire en ligne), p. 389
  21. (en) Norman Davies, No Simple Victory : World War II in Europe, 1939–1945, Penguin, , 544 p. (ISBN 978-0-14-311409-3, lire en ligne), p. 165
  22. (en) Jerzy Jan Lerski, Historical Dictionary of Poland, 966–1945, Greenwood Publishing Group, , 750 p. (ISBN 978-0-313-26007-0, lire en ligne), p. 160
  23. "No evidence Polish hero murdered" BBC News, 29 January 2009
  24. (pl) « IPN ujawnił jak zginął Sikorski », Tvn24.pl, (consulté le )
  25. (pl) « Śledztwo ws. śmierci gen. Sikorskiego przeniesione z Katowic do Warszawy », Wiadomosci.gazeta.pl, (consulté le )
  26. (pl) Polskapresse Sp. z o.o., « Przełom w sprawie tajemniczej śmierci gen. Władysława Sikorskiego? », Wiadomosci24.pl, (consulté le )
  27. Zięborak (2012) p54-59, 84–87, 91–101, 140–141, 270–273, 310–344
  28. Zięborak (2012) p291
  29. Zięborak (2012) p146-150
  30. Zięborak (2012) p272
  31. Zięborak (2012) p344
Bibliographie
  • (pl) Jerzy Zięborak, Studium katastrofy Liberatora AL523 : Gibraltar 1943, Wydawnictwa Naukowe Instytutu Lotnictwa, , 400 p. (ISBN 978-83-63539-03-0, lire en ligne)</

Pour approfondir

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Sur les autres projets Wikimedia :

  • (en) Jan Bartelski, Disasters in the Air : Mysterious Air Disasters Explained, Crowood Press, Limited, , 295 p. (ISBN 978-1-84037-204-5, lire en ligne), « Is the Gibraltar Disaster a Real Mystery? »
  • (en) David John Cawdell Irving, Accident : the death of General Sikorski, Kimber, (lire en ligne)
  • (pl) Tadeusz A. Kisielewski, Gibraltar'43 : jak zginął generał Sikorski, Świat Książki – Bertelsmann Media, , 352 p. (ISBN 978-83-247-0850-5, lire en ligne)
  • Dead Men's Secrets the Mysterious Death of General Sikorski: History Channel DVD, ASIN: B0007V0YCQ
  • (pl) Jerzy Zięborak, Studium katastrofy Liberatora AL523 : Gibraltar 1943, Wydawnictwa Naukowe Instytutu Lotnictwa, , 400 p. (ISBN 978-83-63539-03-0, lire en ligne)