Déchoucage
Le déchoucage (déchoukaj en créole haïtien) est un terme haïtien réapparu à la fin du régime dictatorial des présidents Duvalier père et fils et qui vient du français « dessouchage », c'est-à-dire extraire la souche après l'abattage d'un arbre. Le déchoucage consiste, à Haïti, à détruire jusqu'à leur fondation les maisons appartenant aux notables ou bourreaux liés aux différents despotes. Le terme a été repris dans les Antilles françaises comme l'élimination d'un élément de mémoire, essentiellement des statues renvoyant à la période esclavagiste, dans le cadre d'un processus de dé-commémoration.
Dans les Antilles françaises
[modifier | modifier le code]Martinique
[modifier | modifier le code]En Martinique, en lien avec des revendications anticolonialistes notamment, plusieurs statues sont détruites (ou "déboulonnées", soit retirées de leur socle) au début des années 2020. Mais plusieurs événements de ce style ont eu lieu dès les années 1970.
Victor Schoelcher
[modifier | modifier le code]Victor Schoelcher, connu pour avoir poussé la signature du décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848 figure sur de nombreuses statues. Au fil des années plusieurs statues sont supprimées de l'espace public, de manière légales ou illégales. Il lui est notamment reproché de symboliser le pouvoir français et seul acteur de la libération des esclaves au détriment du travail (et du sacrifice) de plusieurs d'entre eux (comme le Tanboyé Romain) pour obtenir leur liberté, et d'avoir soutenu la classe bourgeoise dans la transition[1].
À Rivière-Pilote, dans les années 1970, le conseil municipal, dirigé alors par Alfred Marie-Jeanne a enlevé la statue de Schoelcher figurant devant la mairie[2],[3],[4],[5].
En la statue de Schoelcher située au bourg de Schoelcher est défigurée puis restaurée en 2014[6],[7].
Le , jour de commémoration de l'abolition de l'esclavage en Martinique, les deux statues de Victor Schoelcher présentes à Fort-de-France et à Schoelcher sont retirées par la force par des manifestants[8],[9],[10]. Elles étaient l'œuvre d'Anatole Marquet De Vasselot et de Marie-Thérèse Lung-Fu[11].
Les manifestants reprochent au gouvernements national et local "de ne célébrer que des hommes blancs, et d’occulter les figures des esclaves qui se sont révoltés"[12] ; et à Schœlcher en particulier, d'avoir permis une indemnisation financière des anciens maîtres blancs, en compensation de l'abolition[13]. Cette destruction peut aussi se traduire comme un objectif de supprimer l'image de Schoelcher du mouvement abolitionniste[14]. Les réactions politiques sont cependant presque unanimement critiques envers ces déboulonnages[1].
En , la statue de Schoelcher dans la commune du Diamant est elle aussi décapitée[15]. La statue avait été érigée pour les 150 ans de l'abolition de l'esclavage, en même temps que la statue du Nèg mawon à l'entrée du bourg et le monument mémoriel du Cap 110 de l'Anse Caffard[16].
En la commune du Lamentin décide de retirer le buste de Schoelcher également[17].
Joséphine de Beauharnais
[modifier | modifier le code]Joséphine de Beauharnais, née le aux Trois-Îlets en Martinique, est la première épouse de l’empereur Napoléon_Ier. On lui attribue notamment le rétablissement de l'esclavage par son mari même si ce fait est disputé par des historiens[18],[19].
En 1991, la statue de Joséphine de Beauharnais située sur la Savane à Fort-de-France est décapitée[20] et ne sera jamais réparée malgré une nouvelle tête commandée par la mairie[21]. Elle avait déjà été déplacée en 1974 en bordure de la Savane par l'administration municipale d'Aimé Césaire pour la rendre moins visible[22]. En 2017 notamment des manifestations ont lieu pour enlever cette statue complètement[23]. Le , la statue de Joséphine de Beauharnais est retirée par des manifestants[24].
Aux Trois Ilets, une plaque dédiée à Joséphie de Beauharnais située devant l'église du bourg (où elle a été baptisée) a été cassée le [25].
Pierre Belain D'Esnambuc
[modifier | modifier le code]Pierre Belain d'Esnambuc est un marin et colon français à l'origine de la première colonie française en fondant en 1635 le Fort Saint-Pierre de la Martinique et la ville de Saint-Pierre. Sa statue à Fort-de-France est détruite en en même temps que celle de Joséphine de Beauharnais[24] en raison de son rôle dans la colonisation de l'ile, la traite négrière et le massacre des autochtones. Didier Laguerre, maire de Fort-de-France, avait prévu de demander au conseil municipal le d'acter la dépose officielle de la statue[26],[27].
Ernest Deproge
[modifier | modifier le code]Le buste d'Ernest Deproge, ancien avocat et député martiniquais opposé aux Békés, installé en 1925 place Fabien à Fort-de-France[28] est déboulonné par des inconnus dans la nuit du 9 au [29].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Statues de Schœlcher : raisons et réactions
- Alfred Marie-Jeanne soutient les auteurs de la destruction des statues de Victor Schoelcher
- Destruction des statues de Schoelcher : Alfred Marie-Jeanne solidaire, a lui-aussi déboulonné une statue de Victor Schœlcher
- Le déboulonnement des deux statues de Victor Schoelcher en Martinique est légitime
- À propos du dechoukaj des statues de Schoelcher
- Schoelcher retrouve son visage !
- Petit tour du monde des monuments esclavagistes détruits par des activistes
- Deux statues de Victor Schoelcher détruites le , jour de la commémoration de l'abolition de l'esclavage en Martinique
- Deux statues de Victor Schœlcher brisées par des manifestants en Martinique
- Vidéo du déchoucage de la statue de Schoelcher à Fort-de-France
- D'où venaient les statues "déboulonnées" de Victor Schoelcher ?
- Pourquoi des militants ont-ils détruit des statues de Victor Schœlcher (et est-ce justifié) ?
- Vidéo de revendication des activistes
- (Débats) Du regard sur les statues…
- La statue de Victor Schoelcher décapitée au Diamant
- Diamant : le buste de Victor Schoelcher vandalisé
- « Le buste de Victor Schoelcher démonté par la municipalité du Lamentin », sur RCI (consulté le ).
- Déboulonnage de la statue de Joséphine: le cri de colère de l’historien Patrice Gueniffey
- Pierre Branda, Joséphine : Le paradoxe du cygne, Perrin, coll. « Tempus » (no 794), 2020 (1re éd. 2016), 576 p. (ISBN 978-2-262-08556-8).
- "Enlever la tête de Joséphine fut très simple"
- Hommages colonialistes, violation de la laïcité : en France, les statues de la discorde
- Du « déboulonnage » de la statue de Joséphine de Beauharnais.
- Faut-il déboulonner les statues des esclavagistes dans l'hexagone et Outre-mer ?
- Les statues de Joséphine de Beauharnais et de Pierre Belain D'Esnambuc renversées par des activistes en Martinique
- Deux plaques dédiées à Joséphine de Beauharnais et à Léon Papin Dupont détruites sur la façade de l'église des Trois-Îlets
- Le maire de Fort-de-France annonce son intention de « déposer » la statue de Pierre Belain d’Esnambuc
- Didier Laguerre : « Nous prendrons les mesures pour protéger le patrimoine municipal »
- https://www.patrimoines-martinique.org/ark:/35569/a011426186902GjZ7CH
- Peggy Pinel-Fereol, « Le buste d'Ernest Deproge déboulonné et renversé à Fort-de-France - Martinique la 1ère », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Audrey Célestine, Valérie-Ann Edmond-Mariette et Zaka Toto, « De la décapitation à la destruction : les « dechoukaj » de statues en Martinique », dans Sarah Gensburger et Jenny Wüstenberg (dir.), Dé-commémoration : Quand le monde déboulonne des statues et renomme des rues, Paris, Fayard, (ISBN 978-2-213-72205-4), p. 241-249.
- Jacqueline Lalouette, Les statues de la discorde, Paris, Passés composés, , 239 p. (ISBN 978-2-3793-3640-9).
- Bertrand Tillier, La disgrâce des statues : Essai sur les conflits de mémoire, de la Révolution française à Black Lives Matter, Paris, Éditions Payot & Rivages, coll. « Histoire Payot », , 288 p. (ISBN 978-2-228-93162-5).
- Françoise Vergès, De la violence coloniale dans l'espace public, Shed Publishing, , 192 p. (ISBN 2957749807)
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Déboulonnage
- Traite négrière occidentale
- Décolonisation de l'espace public
- Dé-commémoration
- Escrache
- Cancel culture