La Souterraine (salle)
La Souterraine est le surnom du grand coffre-fort appartenant à la Banque de France dans le 1er arrondissement de Paris. D'une superficie de plus de 10 000 m2, elle abrite depuis les réserves en or de la France.
Situation et accès
[modifier | modifier le code]Il est situé dans le sous-sol de l'hôtel de Toulouse, rue La Vrillière.
Historique
[modifier | modifier le code]Du début du XXe siècle à la Seconde Guerre mondiale
[modifier | modifier le code]Les caves de l'hôtel de Toulouse, siège historique de la Banque de France, servent au XIXe siècle à stocker les réserves de l'institution[1].
La décision de construire cette salle a été prise vers . En effet, Paris avait été bombardée pendant le siège de puis pendant la Première Guerre mondiale, et on craignait une nouvelle occupation ennemie ou une insurrection populaire[2].
Elle est construite de à par 1 200 ouvriers qui se relaient jour et nuit[2]. Sa construction a nécessité 10 000 tonnes d'acier, 20 000 tonnes de ciment, 50 000 tonnes de sable, 150 000 m3 de remblais et constitue à l'époque le plus grand coffre-fort du monde[3].
L'auteur Stefan Zweig demande en à visiter le lieu et obtient cette chance grâce à l'entregent de son éditeur[4]. Il écrit au sujet de la Souterraine : « le paradis et l'enfer de Dante possédaient sept cercles ; les caves de la Banque de France, elles, en ont peut-être davantage encore »[5].
Dans le contexte de l'incertitude politique de l'entre-deux-guerres, la Banque de France et le ministère de l'Intérieur mettent en place des plans d'exfiltration de l'or. En , une note interne de la Banque met en place un plan d'évacuation des réserves en cas d'attaque ennemie. Le Deuxième Bureau, ancêtre de la DGSE, propose également à la Banque de France en un plan d'exfiltration[6]. À cette époque, environ 4 800 tonnes d'or sont stockées dans la Banque, sur les 5 083 tonnes détenues au total par la Banque de France[7].
La Banque ouvre la Souterraine à la presse pour la première fois en , dans le cadre de l'Exposition internationale qui se déroule, pour la première fois, à Paris. 2 800 tonnes d'or, en lingots et en pièces, sont alors stockées ; c'est 1 600 tonnes de plus qu'en , mais 2 100 de moins qu'en [6].
De la Seconde Guerre mondiale à aujourd'hui
[modifier | modifier le code]Les accords de Munich font craindre le pire au gouvernement français. Dès , le gouverneur signe un ordre d'évacuation : dans le mois qui suit, 396 camions et 160 wagons acheminent plus de 1 600 tonnes d'or de la Souterraine à des zones en sécurité[8]. Lorsque la Seconde Guerre mondiale commence, la France envoie 400 tonnes d'or au Canada et en Turquie en sur ordre du gouverneur, Pierre-Eugène Fournier[6].
Lors de l'avancée des troupes allemandes en mai 1940, la Banque, en accord avec le gouvernement, met en action le plan d'évacuation de l'or de la Banque de France.
La Wehrmacht prend Paris et envoie des émissaires prendre le contrôle de la Banque de France le à 19 h 15[6]. La Souterraine est quasi entièrement vide[9]. Lorsque les nazis font l'inventaire, il ne reste aucun or, aucune devise, et seulement 200 000 à 300 000 francs en billets dans les 800 coffres de la Banque[6].
Le stock français, dispersé entre le Sénégal, la Martinique et les États-Unis, est rapatrié en sur demande du dirigeant du Gouvernement provisoire de la République française, Charles de Gaulle[7].
La Banque de France met à exécution un plan d'évacuation des réserves d'or lorsque l'intervention soviétique dans la guerre de Corée en fait craindre une invasion de l'Europe. Le gouvernement décide d'envoyer l'or dans les colonies françaises. En , le ministre des Finances Maurice Petsche enjoint le gouverneur Wilfrid Baumgartner d'« accentuer la dispersion de l'encaisse-or » en Afrique, et notamment à Oran et à Brazzaville où sont acheminées par mer 130 tonnes de métal jaune. L'or est rapatrié en partie (16 tonnes) en , par voix aérienne, et le reste par le Dixmude en [1],[10].
En , un des employés gérant la Souterraine découvre dans un des coffres des documents historiques relatifs à la gestion de la salle et de ses réserves pendant la Seconde guerre mondiale[11].
En , la Banque de France détient encore des vieilles réserves monétaires comme des pièces de 20 dollars américains, dont la valeur est aujourd'hui estimée aux alentours de 2 000 dollars par pièce[11].
Description
[modifier | modifier le code]L'accès à la Souterraine se fait en deux étapes. Il faut d'abord prendre un ascenseur, qui s'arrête au quatrième étage sous terre. Il faut ensuite emprunter un second ascenseur, qui permet de descendre au huitième sous-sol. L'accès à la salle est hautement sécurisé grâce à une porte blindée de 8 tonnes et un bloc de ciment de 17 tonnes qui, en venant s'encastrer dans une tourelle pivotante, forment une barrière infranchissable. La tourelle de béton et d'acier pèse 130 tonnes.
La Souterraine fait 11 000 m2, d'un seul tenant. Elle se trouve au huitième sous-sol, à 26 mètres de profondeur. Elle compte 658 piliers, chacun d'entre eux pouvant supporter un poids de 410 tonnes. Le plafond en béton de la Souterraine mesure 6,5 mètres d'épaisseur[12] ; il est séparé de la rue par de la roche et une nappe phréatique[13],[14].
L'or, conditionné en palettes, en boîtes ou dans des armoires, repose dans des chambres fortes sises dans des serres, ainsi que dans des armoires métalliques[11].
En , la Souterraine stocke de l'or d'une valeur de 110 milliards d'euros environ[2]. 90 % du stock d'or français y est enterré, les 10 % restant étant à la Banque d'Angleterre et à la Réserve fédérale des États-Unis[13].
Elle stocke non seulement l'or français, mais aussi celui de divers pays cherchant à sécuriser leur stock d'or[5]. Le nom des pays dépositaires d'or dans la Souterraine n'est pas communiqué par la Banque de France. Il est révélé en que l'Allemagne y stocke une partie de ses réserves[13]. La Banque révèle en que 55 % des 100 tonnes de pièces détenues dans la Souterraine sont d'origine étrangère[11].
En , un autre coffre géant est créé à La Courneuve afin d'y conserver les billets[15]. Le coffre est le plus grand coffre-fort d'Europe[16].
La Souterraine peut également servir d'abri anti-aérien car elle est équipée de cuisines, de lavabos et de réfrigérateurs, permettant à 3 000 personnes de s'y réfugier en cas de conflit[2].
Dans la fiction
[modifier | modifier le code]Si la construction de la Souterraine est fortement médiatisée dans les années , son existence l'est beaucoup moins depuis. Bertrand Puard publie en le quatrième tome de sa série policière Les Effacés, qui met en scène un vidage de la Souterraine[17].
Paul Vecchiali en fait également un lieu de l'intrigue de son roman L'Affaire Pallas[18].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Georges Valance, « Stocks d'or : 6 cachettes de la Banque de France », Les Échos, (consulté le ).
- Katia Clarens, « À la Banque de France, 100 milliards d'euros en sous-sol », Le Figaro, .
- Didier Bruneel, L'or : Les secrets de l'or, Paris, Le Cherche Midi, , 206 p. (ISBN 978-2-7491-2189-5).
- Arnaud Manas, Zweig & la Souterraine : l'or de la Banque de France, Paris, Artelia édition, , 96 p. (ISBN 978-2-919096-05-3, lire en ligne).
- Marie Charrel, « Pourquoi les banques centrales se ruent sur l’or », Le Monde, (consulté le ).
- Tristan Gaston-Breton, Sauvez l'or de la Banque de France ! : l'incroyable périple, –, Paris, Le Cherche midi, coll. « Documents », , 183 p. (ISBN 2-74910-045-3 et 2-7028-7430-4).
- « L'or itinérant de la Banque de France », sur tresordupatrimoine.fr (version du sur Internet Archive).
- (en) David Marsh, The Euro : The Politics of the New Global Currency, Yale University Press, , XII-340 p. (ISBN 978-0-300-12730-0), p. 26 [lire en ligne (page consultée le 2021-03-31)].
- ?, « ? », dans Michel Margairaz, Banques, Banque de France et Seconde Guerre mondiale (journée d'étude organisée par la Mission historique de la Banque de France le ), Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque Albin Michel Histoire », , 199 p. (ISBN 2-226-13286-4 et 978-2-226-37826-2, lire en ligne).
- Frédérique Duyrat, « Didier Bruneel, Les secrets de l’or, », Revue numismatique, vol. 6, no 172, , p. 579–580 (lire en ligne, consulté le ).
- Céline Raux-Samaan, « Interview de Didier Bruneel », sur tresordupatrimoine.fr (version du sur Internet Archive).
- « , visite de la Souterraine, la réserve d'or de la Banque de France », sur ina.fr, Institut national de l'audiovisuel, (consulté le ).
- « Un trésor de plusieurs dizaines de milliards d'euros enterré à Paris », BFM Business, (consulté le ).
- Jean-Pierre Robin, « La Banque de France garde son or sous l'eau », Le Figaro, (consulté le ).
- Grégoire Allix, « La Banque de France inaugure son coffre-fort géant à La Courneuve », Le Monde, (consulté le ).
- Arthur Marcadé, « À La Courneuve, la Banque de France inaugure le plus grand coffre-fort d'Europe », Le Figaro, (consulté le ).
- Bertrand Puard, Les Effacés, t. 4 : Face à face, Paris, Hachette, , 360 p. (ISBN 978-2-01-203563-8 et 978-2-01-203464-8, lire en ligne).
- Paul Vecchiali, L'Affaire Pallas, Paris, L'Archipel, coll. « Cœur noir », , 293 p. (ISBN 978-2-8098-1569-6 et 978-2-8098-1593-1, lire en ligne), chap. 46 (« La valse des lingots »).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]