Au jardin
Le soir fait palpiter plus mollement les plantes
Autour d’un groupe assis de femmes indolentes
Dont les robes, ainsi que d’amples floraisons,
D’une blanche harmonie argentent les gazons.
Une ombre par degrés baigne ces formes vagues :
Et sur les bracelets, les colliers et les bagues
Qui chargent les poignets, les poitrines, les doigts,
Avec le luxe lourd des femmes d’autrefois,
Du haut d’un ciel profond d’azur pâle et sans voiles
L’étoile qui s’allume, allume mille étoiles.
Le jet d’eau dans la vasque au murmure discret
Retombe en brouillard fin sur les bords ; l’on dirait
Qu’arrêtant les rumeurs de la ville au passage
Les arbres agrandis rapprochent leur feuillage.
Pour recueillir l’écho d’une mer qui s’endort
Très loin, au fond d’un golfe où fut jadis un port.
Elles ont alangui leurs regards et leurs poses
Au silence divin qui les unit aux choses.
Et qui fait, sur leur sein qu’il gonfle, par moment
Passer un fraternel et doux frémissement.
Chacune dans son cœur laisse en un rêve tendre
La candeur et la nuit par souffles lents descendre ;
Et toutes respirant ensemble dans l’air bleu
La jeune âme des fleurs dont il leur reste un peu,
Exhalent en retour leurs âmes confondues
Dans des parfums où vit l’âme des fleurs perdues.