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Lion des cavernes
Lion des cavernes
Leo Pantera spelaeus
Si actuellement l’image du lion est uniquement synonyme de savane africaine, ce n’était pas le cas aux temps préhistoriques. On peut même dire que ce grand carnivore avait les plaines glacées de l’hémisphère nord comme terrain de chasse, de l’Eurasie à l’Alaska. C’était probablement, jusqu’à son extinction, le plus grand prédateur du Paléolithique supérieur, choisissant ses proies parmi les troupeaux de rennes qui traversaient la steppe.
Les hommes préhistoriques devaient rencontrer les lions des cavernes, ou plutôt les éviter, pour ne pas finir comme plat de résistance. La chasse aux lions ayant peu de chance d’aboutir, ils préféraient les peindre ou les graver sur les parois des grottes ou sur d’autres supports, comme sur de l’ivoire de mammouth. Petit détail, ce grand félin doit son nom au fait qu’un grand nombre d’ossements ont été trouvés dans des cavernes, et non pas au fait que l’animal y séjournait, ce qui n’est absolument pas prouvé !
Origine et répartition géographique des lions des cavernes
Mettant fin à de longues discussions sur les origines du lion des cavernes et ses rapports avec d’autres espèces, une étude comparée de l’ADN de ces félins est paru en août 2016. Concernant les lions des cavernes, les chercheurs ont extrait de l’ADN mitochondrial d’un os de la patte d’un individu trouvé dans le Yukon (Canada) et d’une touffe de poils en provenance de Chukotka (Russie). Ils ont comparé les ADN avec ceux des lions actuels africains et prouvé ainsi que, si les deux espèces Panthera leo spelaea et Panthera leo leo (le lion africain actuel), avaient bien eu un ancêtre commun il y 2 millions d’années, elles étaient suffisamment différentes pour être identifiées comme des espèces à part. A ce jour, les plus anciens fossiles de lions sont datés de seulement 1,5 millions d’années…
L’espèce a été décrite en 1810 par l’allemand Georg August Goldfuss.
Caractéristiques des lions des cavernes
En moyenne, le lion des cavernes devait mesurer 2,1 m de long et peser 300 kg. Au niveau de l’épaule les études indiquent une hauteur de 1,20 m. e crâne pouvait mesurer jusqu’à 43 cm. Le poids du lion des cavernes est évalué entre 250 et 350 kg. C’était donc un félin très imposant si l’on considère que certains individus pouvaient atteindre la taille de 2,5 mètres de long.
Le lion des cavernes était approximativement 1/3 plus grand que les lions africains actuels. Les ossements retrouvés indiquent toutefois que la taille de Panthera leo spelaea a diminué avec les temps. Au moment de son extinction il devait avoir atteint la taille des lions africains actuels.
Un dimorphisme sexuel très prononcé a pu faire croire qu’il existait deux espèces : les femelles étaient 20% moins corpulentes que les mâles.
Au travers des représentations sur les parois des grottes ornées, ainsi que des quelques restes retrouvés dans le permafost, il apparaît que le lion des cavernes devait avoir une teinte beige-orange qui variait suivant les saisons. Chez les lionceaux actuels on trouve une robe plus ou moins rayée qui s’unifie avec l’âge. On peut supposer qu’il en était de même il y a 10 000 ans. L’étude des lionceaux découverts dans le pergélisol fin 2015 devrait apporter des éléments tangibles à ce sujet.
D’après la totalité des peintures et représentations préhistoriques le lion des cavernes mâle ne possédait pas cette crinière caractéristique des lions actuels. Le paléontologue Alain Argant définit physiquement le lion des cavernes comme « l’aspect d’une lionne (actuelle) avec un crâne plus volumineux, plus musclé ».
Le lion des cavernes et l’homme préhistorique
Ayant parcouru l’Eurasie entre -500 000 et -11 000 ans, le lion des cavernes était donc sur le même territoire que Homo neanderthalensis (-250 000 -30 000 ans) et Homo Sapiens (-40 000 -10 000 ans).
On peut supposer que la carrure, les griffes et les dents de l’animal ne devaient pas favoriser les contacts avec les humains. Les restes osseux sur les gisements montrent que le lion des cavernes n’était pas au menu des hommes préhistoriques et que l’inverse n’est pas non plus prouvé.
Octobre 2023 une preuve d’utilisation des peaux du lion des cavernes par néandertal
Les fouilles menées en 2019 à Einhornhöhle (grotte de la Licorne) dans les montagnes du Harz (Basse-Saxe, Allemagne) ont mis au jour une faune abondante de la période glaciaire, parmi laquelle se trouvaient quelques ossements du lion des cavernes. Les ossements ont été découverts dans une galerie de grotte à environ 30 mètres de l’entrée aujourd’hui effondrée, dans une couche vieille de plus de 200 000 ans.
Gabriele Russo (Institut des sciences archéologiques de l’Université de Tübingen) a étudié une phalange avec une marque de coupure. Ce type de marque n’apparait que lorsqu’un animal a été dépecé avec un outil pour détacher la peau des griffes.
Un tel comportement montre que les Néandertaliens utilisaient les peaux de lion des cavernes et probablement leurs griffes.
En revanche, Homo sapiens devait bien connaître ce félin qu’il a dessiné et gravé à plusieurs reprises. Sans être un thème récurrent de l’art paléolithique le lion des cavernes était manifestement un sujet digne d’intérêt… Peut-être un concurrent ?
Mode de vie du lion des cavernes
Adapté aux périodes glaciaires, le lion des cavernes chassait dans les plaines glacées, généralement un milieu ouvert de type steppique. Des études (2016) de la composition isotopique de restes osseux ont permis de déterminer son régime alimentaire : le prédateur avait une prédilection pour les rennes mais également pour les jeunes ours. Les mêmes études ont permis de distinguer une grande différenciation des profils isotopiques selon les individus : cela indique que les lions des cavernes étaient des chasseurs solitaires et ne pratiquaient pas la chasse en groupe (ou en meute).
Disparition du lion des cavernes
Le lion des cavernes a disparu avec la dernière glaciation würmienne. On admet généralement qu’il s’est éteint du fait des grandes vagues de froid, de la disparition de ses proies de son territoire (le renne a quitté l’Eurasie lors des hausses de température), de la concurrence avec un autre grand prédateur dont l’influence grandissait : l’homme.
On peut également noter qu’à la fin de la dernière glaciation l’environnement s’est modifié et les prairies et la steppe ont laissé la place à de grandes forêts incompatibles avec les habitudes de chasse des lions des cavernes.
Le lion des cavernes dans l’art préhistorique
Le lion des cavernes n’est pas un thème fréquent dans l’art préhistorique : on estime que seulement 3% des représentations sont identifiées comme des lions.
Pour reconnaître un félin, le préhistorien Marc Azéma indique les éléments principaux : un mufle généralement carré, la matérialisation des vibrisses (moustaches des félins), un corps allongé, une longue queue et de petites oreilles rondes…
Au total, seules 150 représentations de lions sont répertoriées dans tout l’art pariétal (120 uniquement en France). Parmi elles, 75% de ces félins proviennent des grottes Chauvet (75), Roucadour (22) et Lascaux (11).
Art mobilier
Dans l’art mobilier, la rareté des figures de ce grand félin est accentuée puisqu’on n’en n’a découvert qu’une cinquantaine. Le site qui a le plus délivré ce type de figures félines est celui de La Marche (Vienne). Si ces représentations félines dans l’art mobilier sont rares, elles n’en sont pas moins exceptionnelles pour la plupart. L’Homme-lion par exemple est une figure mi-humaine, mi–lion qui a pu faire dire à certains chercheurs que la statuette représentait une sorte de dieu thérianthrope. On peut également citer le lissoir de la grotte de la Vache, où la frise de trois lions qui se suivent permet de séquencer la course de l’animal.
Le lion des cavernes dans les sites et les musées
Des restes fossiles de lions des cavernes ont été retrouvés dans toute l’Eurasie. Les deux régions qui ont donné le plus de fossiles sont la Grande Bretagne et la Sibérie. Toutefois l’Allemagne et la Russie ont permis de mettre au jour un grand nombre d’ossements. La France n’est pas en reste et des parties significatives de squelettes du lion des cavernes sont été exhumés dans plusieurs sites : Trou du renard, Solutré, La Ferrassie, Le Peyrat, Le Closeau, Aurignac, Azé…
En novembre 2015, trois cadavres de lionceaux ont été découverts dans le permafrost en Sibérie, dans un excellent état de conservation.
C.R.
Sources
2023 First direct evidence of lion hunting and the early use of a lion pelt by Neanderthals
A lire sur les animaux ayant côtoyé l’Homme préhistorique
Eric Buffetaut