Accueil / Accueil – articles / Les champignons de Lascaux
Les champignons de Lascaux
Presque simultanément le gouvernement et un comité de préservation de Lascaux ont communiqué sur l’état de la grotte, et les mesures urgentes à prendre.
La grotte de Lascaux, un chef d’oeuvre en péril ?
Cela fait plusieurs années que la grotte de Lascaux est victime d’attaques de champignons. Apres Fusarium Solani c’est maintenant Ulocladium et Gliomastix (depuis juillet 2007) qui envahissent les parois et surtout certaines peintures. Des traitements successifs (antibiotiques, chaux vive, fongicides…) sont utilisés à pour supprimer l’intrus. Mais à chaque fois une nouvelle algue ou un champignon réapparaît.
C’est en fait l’équilibre de la grotte qui est rompu. C’est donc tout le système d’aération et de climatisation qui est à revoir.
Trop peu d’informations
L’ennui c’est que cela fait plusieurs années que les informations sur l’état de la grotte de Lascaux ne nous parviennent que de l’étranger ! Les voix qui s’élèvent (comités de préservation ou associations de défense…) sont américaines et trouvent une certaine audience dans la presse (Times).
En France les nouvelles étaient quasiment inexistantes et une sorte d’omerta couvrait les études de la grotte et l’avancée des champignons.
De nouvelles mesures ont été prises.
La Ministre Christine Albanel en coordination avec le Comité scientifique a décidé de prendre les mesures suivantes :
– application rapide d’un traitement biocide
– fermeture totale de la grotte pendant 3 mois
– changement du système de « climatisation » prévu pour 2008
Par ailleurs, Madame la Ministre s’est engagée à ce que soit mis en place une information régulière de l’avancée des travaux effectués dans la grotte de Lascaux.
Une affaire à suivre donc…
Ci-dessous, les textes des communiqués de presse
– du gouvernement
– de l’association
Comité international de la Grotte de Lascaux et la Drac (gouvernement)
A l »issue de la réunion du comité scientifique international de la Grotte de Lascaux, la Direction Régionale des affaires culturelles (Drac) en Aquitaine communique :
Le comité scientifique international de la grotte de Lascaux s’est réuni à Bordeaux, les 19 et 20 novembre 2007, au ministère de la Culture et de la Communication-direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d’Aquitaine.
Créé en 2002 à l’initiative du ministère de la Culture et de la Communication et renouvelé en 2006, ce comité, présidé par Marc Gauthier, inspecteur général honoraire de l’Archéologie, a tenu sa 16e séance en présence de Michel Clément, directeur de l’architecture et du patrimoine, de Francis Idrac, préfet de la région Aquitaine, et de Jean-François Tallec, préfet de la Dordogne.
Le comité a examiné les résultats du constat d’état engagé en 2004. Ce constat d’état a pu être effectué grâce aux relevés 3D réalisés en 2003. Les simulations numériques présentées au comité ont clairement démontré l’influence des évolutions climatiques observées depuis 1982 dans un contexte de réchauffement climatique global. Il a examiné les différentes solutions de remplacement de la machine de régulation d’air, inadaptée au contexte actuel. Il a fait le point sur l’état sanitaire de la grotte.
Depuis l’année 2001, la grotte de Lascaux a vu l’apparition de nombreuses moisissures blanches (Fusarium Solani). Pour stopper le développement de ces moisissures qui risquaient à terme de nuire à l’intégrité des parois ornées, des mesures d’urgence ont été proposées dès 2001 par le Laboratoire de recherche des monuments historiques et mises en œuvre. A ce jour, les moisissures blanches ont en grande partie disparu.
En revanche, quelques groupes de « taches » noires, liées au développement de moisissures à pigment de mélanine sont apparues et évoluent de manière diversifiée : certaines ont disparu, d’autres se sont récemment densifiées. Ces « taches » font l’objet d’une surveillance constante de la part de l’équipe des restaurateurs et des responsables de la cavité. Les espèces fongiques à l’origine des « taches » noires en question ont été identifiées par le Laboratoire de recherche des monuments historiques en liaison avec l’Institut national de la recherche agronomique (INRA).
Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, sur la base des conseils du Comité scientifique, a décidé de prendre les mesures suivantes :
– un traitement biocide localisé des « taches » noires sera effectué selon le protocole validé par le comité scientifique. Les modalités de mise en œuvre seront fixées prochainement.
– la grotte sera mise au repos pour une durée de trois mois qui se traduira par la cessation de toute activité humaine. Cette mesure interviendra à la suite du traitement.
– le remplacement du dispositif d’assistance climatique sera engagé en 2008.
– une information régulière sur l’état de la grotte, sur l’avancement des travaux du comité scientifique et le suivi des mesures prises sera mise en ligne sur le site internet du Ministère de la Culture et de la Communication. La Ministre a réaffirmé l’engagement constant du ministère de la Culture et de la Communication sur une base de 500 000 euros par an, en plus des frais de personnel scientifique présent sur place.
La grotte de Lascaux, à Montignac (Dordogne), une des plus exceptionnelles grottes ornées paléolithiques par le nombre et la qualité de ses œuvres, a été classée au titre des monuments historiques dès sa découverte, en 1940. Elle est inscrite depuis 1979 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
Depuis 2004, le comité scientifique a établi un programme global de conservation qui organise les interventions à prévoir et les programmes de recherche nécessaires avec l’objectif d’aider la cavité à retrouver un écosystème contrôlé capable de limiter les risques de rechute. La prise en compte de la conservation de la cavité dans toute sa dimension environnementale a également abouti à la décision conjointe de l’Etat et des collectivités territoriales de mettre en œuvre les mesures de sanctuarisation de l’ensemble de la colline de Lascaux.
Le ministère de la Culture et de la Communication, pleinement conscient de sa responsabilité en matière de conservation, s’est constamment efforcé de veiller au maintien à long terme d’un état sanitaire satisfaisant de la cavité. II a tenu régulièrement informés les responsables de l’UNESCO et du Comité du Patrimoine mondial. La revue « Monumental » a publié en décembre 2006, le détail complet des actions entreprises pour la conservation de la grotte.
Paris, le 20 novembre 2007
Communique de presse du Comité international pour la préservation de Lascaux
Le Comité international pour la préservation de Lascaux s’est donné pour objectif de participer à la sauvegarde de la grotte de Lascaux, haut lieu du patrimoine de l’humanité. Notre comité et les scientifiques, techniciens, artistes, hommes de terrain qui connaissent bien la grotte de Lascaux pour y avoir travaillé longuement sont alarmés par une nouvelle altération grave des paramètres climatiques et biologiques qui conditionnent la conservation des fresques préhistoriques. Ils sont consternés par l’improvisation et le manque de méthode scientifique qui président à la gestion de la crise qui s’est déclarée en 2000. Devant l’opacité de l’information fournie par le ministère de la Culture et de la Communication, nous avons décidé de porter le débat sur la place publique.
Notre comité n’ignore pas que la conservation des peintures et gravures de la grotte avait été menacée par la fréquentation touristique intensive et par une première machine de conditionnement d’air inappropriée. Il sait également qu’en 1963, sous l’impulsion de votre prédécesseur André Malraux, des mesures avaient été prises, avec la mise en place d’une commission scientifique et administrative chargée d’étudier les causes de cette dégradation et d’y apporter les remèdes appropriés : fermeture de la grotte au public, installation d’un système d’assistance climatique douce, strictes mesures sanitaires et contrôle régulier des paramètres climatiques et biologiques. Au prix de l’application stricte des prescriptions de cette commission, la grotte a connu, de 1966 à 2000, une période de stabilité microclimatique et biologique exceptionnelle, favorable à la conservation des parois ornées. Depuis 2000, la grotte souffre du relâchement, voire de l’abandon des mesures sanitaires et de contrôle scientifique.
Les travaux importants entamés en 2000 ont provoqué des dégradations multiples et répétées et ont rompu l’équilibre bioclimatique indispensable à la conservation des peintures et gravures. Cette conservation n’est plus assurée. Les informations émanant des instances officielles de votre ministère affirment que la situation est sous contrôle et que des études scientifiques en cours depuis 2002 vont mettre un terme à cette crise. Plusieurs de leurs affirmations sont contradictoires. Certains gestionnaires de la grotte nient la présence de taches noires sur les parois ornées, symptôme le plus récent d’un déséquilibre continu depuis sept ans. D’autres admettent leur présence mais minimisent leur impact : «Elles ne se trouvent que dans des parties confinées de la grotte.» Or ces parties «confinées» sont les galeries et voûtes les plus décorées. Elles détiennent des milliers de gravures enchevêtrées parmi les fresques.
Au nom de quel système de valeurs se permet-on ainsi de classer ce qui compte et ce qui compte moins parmi les chefs-d’œuvre de Lascaux : leur place dans la grotte ? Leur facture artistique, leur lisibilité ? Quel archéologue nierait que tout est important parmi les vestiges découverts dans un site ? Quel artiste minimiserait la détérioration d’une partie d’une œuvre d’art simplement parce qu’elle est plus difficile à voir pour un œil non averti ? Est-ce l’approche que l’on a réservée au chef-d’œuvre de Michel-Ange lors de la restauration de la chapelle Sixtine ? Est-ce celle qui doit être adoptée pour la grotte de Lascaux, «chapelle Sixtine de la Préhistoire» ? Le violent contraste entre la position des services de votre ministère et celle de personnalités reconnues pour leur compétence conduit notre comité à s’interroger. Pourquoi d’anciennes erreurs ont-elles été répétées ? Pour quelles raisons l’avis de ceux qui avaient réussi à stabiliser l’état de la grotte pendant plus de trente ans n’a-t-il pas été sollicité ou entendu ? Pourquoi n’a-t-on pas maintenu le protocole de conservation efficace établi il y a quarante ans ?
La grotte est un organisme vivant complexe, qui demande une approche scientifique globale. Sauver Lascaux est avant tout une question de méthode. Or nous ne voyons pas d’approche globale des mécanismes physiques, chimiques et biologiques et des interactions avec les interventions humaines dans la grotte. Pour prendre les mesures urgentes visant à rétablir l’équilibre microclimatique et à préparer l’avenir, il est indispensable de faire une analyse critique de la gestion depuis dix ans qui permette de comprendre ce qui a provoqué le développement anarchique des micro-organismes. Ce travail considérable ne peut se faire que dans l’objectivité et la transparence du débat scientifique. Ce que seule pourrait assurer une instance scientifique supérieure, placée directement sous votre autorité, indépendante des administrateurs en poste et ouverte au débat public. Dirigée par un scientifique rompu à la pratique d’une recherche interdisciplinaire, elle bénéficierait de l’aide de compétences reconnues mais écartées jusqu’ici. Elle s’imposerait ainsi à l’administration pour répondre aux urgences actuelles et jeter les bases d’une conservation pérenne de ce patrimoine exceptionnel de notre passé.
Devant l’urgence et la gravité de la situation, nous vous demandons, Madame la ministre, de faire de la sauvegarde de la grotte de Lascaux une action prioritaire et d’engager à cet effet une nouvelle structuration du conseil scientifique de la commission mise en place par votre prédécesseur en juillet 2002. Aujourd’hui il y a urgence, les peintures sont en péril.
D’autres pages sur le sujets
2006 Propagation Fusarium solani à Lascaux
2007 Les champignons de Lascaux
2011 Visite de Lascaux