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L’art de la préhistoire
Sous la direction de Carole Fritz Le livre de l'art de la préhistoire Comité éditorial : Michel Barbaza, Geneviève Pinçon, Gilles Tosello
Monumental… à tous les sens du terme !
Présentation par l’éditeur :
Plus de cinquante années après la parution de Préhistoire de l’art occidental d’André Leroi-Gourhan, premier volume de leur célèbre collection « L’Art et les grandes civilisations », les éditions Citadelles & Mazenod réactualisent de manière ambitieuse, et à l’échelle mondiale, l’ensemble des connaissances sur l’un des temps de création les plus passionnants de l’humanité. Écrit par une équipe de chercheurs internationaux, l’ouvrage propose un panorama des arts de la Préhistoire de l’Europe à l’Australie, en passant par l’Asie, l’Afrique et les Amériques. Les recherches sur les sites les plus récemment étudiés y sont présentées, tels la région de la rivière Pecos, aux États-Unis d’Amérique, et Narwala Gabarnmang, en Australie.
Alors que les premières manifestations graphiques apparaissent avec Homo sapiens en Afrique du Sud il y a plus de 75 000 ans, l’art figuratif émerge en Europe au début du Paléolithique supérieur, vers – 40 000. Une floraison de manifestations artistiques (objets, grottes, abri-sous-roche ornés…) ont été mises au jour dans le monde entier, avec leurs particularités régionales, mais aussi de nombreux traits communs. Ces témoignages sont un moyen unique d’aborder la pensée de sociétés sans écriture. Animaux, humains, êtres hybrides, signes, ces images peintes, gravées, piquetées, sculptées ou modelées déclinent l’identité d’hommes et de femmes, tous différents dans leur compréhension du monde et dans leur mode de vie, mais si semblables dans leur façon de le rendre tangible.Avec plus de 600 illustrations, cette vaste synthèse présente les premiers chefs-d’œuvre de l’humanité et, à l’aune des nouvelles technologies (datation, caractérisation des matières picturales, modélisation 3D…), livre des clés de compréhension sur les sources, la matérialité et le sens de la création artistique
626 pages
Grand format : 25,5 x 32,9 cm
Editions Citadelles & Mazenod
Collection : L’art et les grandes civilisations
Prix 205 euros
La chronique de Pedro Lima
Voici un ouvrage au sujet duquel l’adjectif de « monumental » n’est pas galvaudé, tant cet « Art de la préhistoire », paru aux mêmes éditions Citadelles & Mazenod un demi-siècle après la somme d’André Leroi-Gourhan « Préhistoire de l’art occidental », embrasse l’art préhistorique sous toutes ses formes peintes, gravées et sculptées.
Pourtant, comme le précise Carole Fritz, qui en a dirigé la réalisation avec un comité éditorial composé de Gilles Tosello, Michel Barbaza et Geneviève Pinçon, le propos est différent de celui du « maître », qui avait produit une oeuvre personnelle, où il partageait sa propre vision de l’art paléolithique, basée sur une conception supposément dualiste et structuraliste du monde par les sociétés de chasseurs-cueilleurs. Ici, c’est l’oeuvre collective de 28 auteurs qui est mise en partage avec le public, et donc une véritable « vision partagée, dans laquelle l’interaction entre chercheurs et disciplines se place au centre de nos interrogations contemporaines ».
L’ouvrage, composé de près de 600 pages extrêmement soignées dans leur composition et la qualité de leurs illustrations, s’organise en deux parties bien distinctes. La première constitue un voyage, certes savant mais toujours très vivant, à la rencontre d’un art rupestre global, présent sur tous les continents, sous le titre de « Centres mondiaux de l’art rupestre » : on y découvre, ou re-découvre avec plaisir, non seulement les sanctuaires paléolithiques d’Europe occidentale que sont Lascaux, Chauvet-Pont d’Arc et tant d’autres grottes et abris richement ornés, mais aussi les figures rupestres d’Azerbaïdjan, d’Asie des steppes, d’Amérique du nord et du sud, ou encore de Chine, d’Inde et d’Australie. Autant de foyers artistiques décrits, dans leurs techniques et leurs chronologies, par les meilleurs spécialistes, et qui rappellent, si besoin était, l’universalité chez Homo sapiens de cette pratique particulière qu’a constitué la dépose de décors polychromes, au moyen de pigments minéraux variés, sur des supports rocheux.
Dans une deuxième partie intitulée « L’art préhistorique aujourd’hui », les auteurs apportent un éclairage plus pointu et sélectif sur des points précis de l’étude des formes picturales par la recherche contemporaine, et sur les questions symboliques et sociales que soulève cette pratique millénaire. Concernant les méthodes d’étude, leurs progrès sont rappelés, comme par exemple l’évolution des moyens de relevés de l’art, au moyen de calques ou de films plastiques réalisés sur site jusqu’aux relevés photographiques scientifiques et l’apport de l’outil numérique tridimensionnel. Les méthodes pointues de datation et d’analyse physico-chimique des pigments sont également décrites avec précision.
Les auteurs s’avancent également sur le terrain passionnant de la circulation, sur les vastes territoires paléolithiques et postérieurement, des objets, des images et des concepts qui leur furent associés… les productions artistiques sous toutes leurs formes acquérant, bien au-delà du plaisir esthétique qu’elles nous procurent à-travers les âges et même si cette recherche de beauté n’était peut-être pas absente des motivations de leurs auteurs, « une fonction de marqueur culturel » à-même d’expliquer la très longue permanence de l’art préhistorique.
Revenant sur une conception quelque peu restrictive d’un art paléolithique réduit à une série de symboles représentés sous forme d’animaux associés à des signes géométriques, les auteurs avancent au contraire une vision plus riche, selon laquelle l’ornementation pariétale aurait pu « traduire une structure narrative en l’adaptant à l’espace de chaque site » en fonction de choix rigoureux, cohérents et réfléchis.
Un ouvrage à conseiller à tous les amoureux de l’art préhistorique, et au-delà, à toutes celles et ceux que la complexité des productions artistiques et symboliques humaines, à travers les millénaires et les continents, passionne et interroge.
Pedro Lima est journaliste scientifique, auteur de l’ouvrage Tout Lascaux.
Les auteurs
Collectif sous la Direction de Carole Fritz
Michel Barbaza , Carolyn Boyd, Jean Clottes, Margaret W. Conkey, Bruno David, Jean-Jacques Delannoy, Meenakshi Dubey-Pathak, Malahat Farajeva, Carole Fritz, Diego Garate, Jean-Michel Geneste, Robert G. Gunn, Sarah de Koning, Tilman Lenssen-Erz, Jérôme Magail, Josephine McDonald, Stéphane Petrognani, Olivia Rivero, Éric Robert, Juan Francisco Ruiz López, José Luis Sanchidrián Torti, Georges Sauvet, Gilles Tosello, Peter Veth, Denis Vialou, Agueda Vilhena Vialou, Chen Zhao-Fu.
Sommaire de L’art de la Préhistoire
I. Centres mondiaux de l’art rupestre
Europe
L’art du Paléolithique supérieur I L’art de l’Europe postglaciaire : renouveau climatique et bouleversement des représentations mentales I Art rupestre du Levant espagnol I L’art schématique en Europe
> Chronologie de l’art du Levant espagnol
Gobustan (Azerbaïdjan)
Art rupestre et chronologie de Gobustan I Abris, sépultures et tumulus I Variabilité stylistique
Asie des steppes
Art et nomadisme I Une société sans écriture à l’origine d’une syntaxe iconographique I Stèles ornées et architectures ordonnées I
Cosmologie et mythologie des steppes
Inde
Répartition de l’art rupestre indien I Les représentations : nature et techniques I De quand datent ces images ? I La conservation des sites
ornés
> La datation de l’art rupestre
Chine
Diversité et chronologie de l’art rupestre chinois I L’art rupestre de Chine et les minorités ethniques I L’iconographie de l’art rupestre chinois I Du réalisme à l’abstraction I Huashan : un art rupestre parmi les plus monumentaux du monde
Afrique australe
Origines I Caractéristiques générales et aspects régionaux I Des sites exceptionnels I Cosmogonie de l’art rupestre de l’Afrique australe
Sahara
Un Sahara vert entre deux périodes d’aridité extrême I Le processus de néolithisation : des chasseurs-cueilleurs semi-sédentaires aux chasseurs-pasteurs itinérants I Les débuts controversés de l’art saharien I D’innombrables gravures au contexte chrono-culturel incertain I Peintures Têtes rondes et bovidiennes : un surprenant contraste I L’art des Têtes rondes : une expression tournée vers l’absolu I Le réalisme bovidien I Le fonds mythologique de la Protohistoire : la rupture du Caballin
Amérique du Sud
Les gravures et les eaux terrestres et maritimes I Rupestre dans les airs et sur mer I Au bout du monde, en Patagonie rupestre I
Loin, au Nordeste, un art rupestre du quotidien I Au coeur calcaire du continent, des régions rupestres individualisées I Espaces rupestres ouverts ou fermés du Mato Grosso
Amérique du Nord
Quelques approches de l’art rupestre nord-américain I Un site emblématique : les canyons du Lower Pecos
Australie
Historiographie de la recherche sur l’art rupestre australien I Recherche actuelle de l’art australien I Chronologies régionales de l’art rupestre australien I Séquences de style régional I Nawarla
Gabarnmang, un site majeur
> Les états de paroi
II. Comprendre et interpréter l’art préhistorique
Art et symbolisme
Comportement symbolique I Apparition de l’art figuré I Symbolisme, emblème de la modernité ? I L’art rupestre et le propre de l’homme
> Un patrimoine à préserver pour les générations futures
Iconographie et société
Symbole et société I Variétés formelles des arts rupestres I Mouvement et animation I La marque sociale de l’art rupestre I L’homme, l’animalité et la violence
Art et territoire
La circulation des idées au Paléolithique supérieur I D’autres objets, d’autres concepts qui ne voyagent pas… I La circulation des idées dans les arts post-paléolithiques
> Comment étudier une paroi ornée ?
L’artiste, le geste et la matière
Transformation et utilisation de la matière picturale I Gravure, piquetage et sculpture I Pratique artistique et symbolisme I L’identité des artistes I Et si l’artiste était une femme ?
> Les couleurs minérales
500 siècles d’art rupestreL’art paléolithique : un siècle d’interprétations I Archéologie de l’art paléolithique I Interprétations actuelles
Un extrait de L’art de la préhistoire
A v
Sur le continent européen, l’art préhistorique a d’abord dû être accepté par le monde savant au début du xxe siècle avant de pouvoir exister dans les esprits et être étudié en tant que tel. Deux ensembles doivent être distingués en fonction de leur chronologie : le plus ancien, l’art du Paléolithique supérieur, majoritairement conservé en milieu souterrain mais aussi sous abri rocheux, correspond à la dernière période glaciaire, entre 40 000 et 11 000 ans BP. Une profonde rupture, à la fois climatique et culturelle, se place à cette période charnière. Au cours des dix millénaires suivants, l’art préhistorique, presque exclusivement réalisé à l’air libre, connaît une expansion géographique et une grande diversification qui accompagnent à la fois un fort développement démographique et des changements économiques, conduisant les sociétés préhistoriques d’un mode de subsistance fondé sur la chasse et la collecte à l’émergence de l’agriculture, de la domestication et des premières cités.
L’art du Paléolithique supérieur Même s’il a connu des phases tempérées, le Paléolithique supérieur est caractérisé par un froid sec et rigoureux qui culmine avec le dernier maximum glaciaire, il y a un peu plus de 21 000 ans. En Europe, cette période voit l’arrivée de l’homme moderne (Homo sapiens) qui succède assez rapidement à l’homme de Néandertal, présent depuis au moins 200 000 ans. Selon des données chronologiques récentes, la disparition des derniers Néandertaliens se situerait vers 40 000 avant le présent, ce qui implique que les premiers hommes modernes ont dû commencer à s’implanter plus tôt. Au cours des trente millénaires que dure cette période, la culture matérielle des groupes de chasseurs-cueilleurs européens s’est profondément modifiée. Les archéologues distinguent cinq grandes phases basées sur les changements observés dans l’outillage et les armes et qu’ils dénomment Aurignacien, Gravettien, Solutréen, Badegoulien, Magdalénien, noms donnés d’après ceux des sites sur lesquels elles ont été reconnues pour la première fois (Aurignac, la Gravette, Solutré, Badegoule et la Madeleine). Ces phases chronologiques définissent aussi des complexes culturels dont certains ont connu une diffusion paneuropéenne, tandis que d’autres sont plus limités dans l’espace. Coïncidant pratiquement avec l’arrivée de l’homme moderne en Europe occidentale, les premières manifestations plastiques voient le jour, ce qui permet de dire que, dans cette région du monde, l’art apparaît comme une production des Homo sapiens porteurs de la culture aurignacienne. Parmi les manifestations de caractère artistique indéniable, bien situées dans le temps, les plus anciennes représentations figuratives prennent la forme de statuettes d’ivoire en Allemagne puis, presque simultanément en France, celle de gravures sur bloc dans les habitats sous abri rocheux, en pied de falaise, et de peintures et gravures dans des grottes profondes. À partir de ce moment, l’art, à la fois pariétal et mobilier, ne cesse de se développer et d’acquérir une place déterminante dans la vie culturelle des sociétés préhistoriques. Le réchauffement climatique qui marque le début de l’Holocène, il y a 11 000 ans, voit la fin du Paléolithique supérieur.