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De nouvelles hypothèses sur l’origine et le développement du Natoufien
De nouvelles hypothèses sur l’origine et le développement du Natoufien
De nouvelles datations sur le site Natoufien de Shubayqa 1, en Jordanie, remettent en cause les théories dominantes sur les premiers campements permanents…
Le Natoufien est une culture de transition entre l’Épipaléolithique et le Néolithique. Ce sont les plus anciens campements découverts avec des outils pour la culture de plant
Il y a environ 15 000 ans, on trouve les premières traces de culture dite « natoufienne » dans ce qui est aujourd’hui le Moyen-Orient. Cette culture, à mi-chemin entre les modes de vie nomades et les sédentaires, a des origines diverses et complexes, peut-être encore plus que ce que supposaient les chercheurs. Cette découverte résulte de nouvelles études menées par une équipe de scientifiques et d’archéologues du Weizmann Institute of Science (Israël) et de l’Université de Copenhague (Danemark).
Les chasseurs-cueilleurs de culture natoufienne se sont répandus en Israël, en Jordanie, au Liban et en Syrie sur une période comprise entre – 14 500 et – 11 500 ans. Ils ont été parmi les premiers hommes à véritablement construire des maisons durables et à cultiver des plantes. Ces avancées étaient très probablement les conditions préalables à l’émergence de l’agriculture à l’époque néolithique. De précédentes études avaient suggéré que le centre de cette culture était la région du Mont Carmel et de la Galilée, et qu’elle s’était ensuite étendue à d’autres parties de la région. La nouvelle étude de l’équipe de Copenhague-Weizmann, publiée dans Scientific Reports, remet en question cette théorie de la «région centrale».
Une datation précise par AMS
La nouvelle étude est basée sur des découvertes archéologiques provenant d’un site Natoufien situé en Jordanie, à environ 150 km au nord-est d’Amman. Le site Shubayqa 1 a été fouillé, de 2012 à 2015, par une équipe de l’Université de Copenhague dirigée par le Dr Tobias Richter. Les fouilles ont permis de mettre au jour un site Natoufien bien préservé, qui comprenait, entre autres, un vaste ensemble de restes de plantes carbonisées. Ces restes botaniques, rares dans les sites de cette période dans la région, ont permis à l’équipe de Weizmann-Copenhague de valider un nombre de datations bien supérieur à n’importe quel site natoufien en Israël ou en Jordanie ! La datation a été entreprise par le professeur Elisabetta Boaretto en utilisant la méthode radiocarbone AMS (Spectrométrie de Masse par Accélérateur). E. Boaretto est à la tête du laboratoire AMS de recherche Dangoor (D-REAMS). C’est l’un des rares laboratoires qui travaille avec la coûteuse technique AMS qui permet d’analyser même les plus petits restes organiques d’un gisement et de les dater très précisément. Avec le spectromètre de masse spécialement conçu par le laboratoire, les chercheurs sont capables de révéler la quantité de carbone 14 dans un échantillon jusqu’à l’atome unique. Sur la base de la demi-vie des atomes de carbone-14 radioactifs, la datation faite dans son laboratoire est précise à 50 ans près, en plus ou en moins. Pour assurer la plus grande précision, l’équipe a sélectionné uniquement des échantillons provenant d’espèces végétales éphémères ou de leurs parties – par exemple, des graines ou des brindilles.
Plus de vingt échantillons provenant de différentes couches stratigraphiques du gisement ont été datés. Les dates ont montré, entre autres choses, que le premier campement s’est établi très peu de temps après les premières datations obtenues dans le nord d’Israël. Soit les Natoufiens se sont développés très rapidement dans la région (ce qui est l’explication la moins probable), soit les techniques natoufiennes sont apparues plus ou moins simultanément dans différentes parties de la région.
« La plus ancienne date de Shubayqa 1 montre que les chasseurs-cueilleurs Natoufiens étaient plus polyvalents que ce que l’on pensait auparavant. Les recherches antérieures avaient lié l’émergence de la culture natoufienne à la richesse de la zone boisée méditerranéenne. Mais les premières dates de Shubayqa montrent que ces dernier chasseurs-cueilleurs du Pléistocènes ont également pu vivre dans des zones de steppes plus ouvertes, à l’est », explique M. Richter. Leurs principaux moyens de subsistance étaient constitués de plantes sauvages, de tubercules, ainsi que de la chasse aux oiseaux, à la gazelle et d’autres animaux.
Ces nouvelles dates ne concordent pas toujours avec l’idée que le changement climatique était le principal moteur de l’abandon ou de la réinstallation, bien qu’il ait clairement joué un rôle.
Pour les chercheurs, la théorie de la «zone centrale» est peut-être due, en partie, au fait que les sites du Mont Carmel sont, jusqu’à présent, les mieux conservés et étudiés. En plus de remettre en question l’idée que le Natoufien commence dans une région et s’étend ensuite plus largement, l’étude suggère que les natoufiens qui vivaient il y a 15 000 à 12 000 ans étaient ingénieux et pleins de ressources. Ils ont appris à utiliser de nombreuses plantes et animaux là où ils étaient, et à les entretenir d’une manière qui a conduit à une véritable installation dans les lieux.
Les auteurs de l’étude indiquent que le développement de l’agriculture a forcément eu plusieurs origines et que «le mode de vie néolithique était un processus hautement variable et complexe qui ne peut être expliqué sur la base de modèles à cause unique».
La découverte d’autres sites aussi anciens devraient confirmer cette analyse.
C.R.
Sources
Fermented beverage and food storage in 13,000 y-old stone mortars at Raqefet Cave, Israel: Investigating Natufian ritual feasting
Sciencesdirect
ScienceDaily
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