Crabe

« Alors que le Soleil brillait sur la Terre des Hommes, et que les Hommes vivaient en paix en leurs diverses sociétés, et que le fil du temps s'écoulait comme le ruisseau s'écoule entre les pierres, et que la parole des prophètes avait perdu son emprise sur le cœur des Hommes, alors que le Cosmos était encore réglé dans un ordre parfait et défini, s'exécuta la prophétie de Krustikk-Rhab. Les Hommes l'avaient oubliée, mais cette prophétie portée aux sens du prophète Krustikk-Rhab bien avant que la civilisation fut faite civilisation, prévoyait l'arrivée du crabe géant démoniaque aux millions de pinces en diamant noir, l'horreur tapie du fond des mers qui vomit le désespoir et les cauchemars, la manifestation démoniaque d'une volonté supranaturelle gardienne du destin des Hommes, l'abomination à la carapace lisse comme de l'acier et impénétrable comme la porte des enfers, l'organisme grouillant du désir de mort de de désespoir, la créature que l'on avait nommée le Cancer. Sorti des plus profondes et noires eaux de l'océan le plus dense, il fit trembler les berges du monde des Hommes lors de son apparition. Son apparition rendit fou tous ceux qui posèrent le regard sur lui, leurs âmes comprenant en un instant l'inéluctabilité de la volonté absurde de Dieux démoniaques tapis dans l'obscurité la plus pure de la dimension la plus sombre. Alors que les citoyens de la ville maudite aux deux millions de vices s'enfuyaient, eux-mêmes qui se réclamaient comme "Les membres et citoyens de St-Tropez", les pieds de la Bête immonde firent trembler la Terre. Dix millions d'âmes s'éteignirent alors dans la folie la plus pure, condamnés à errer sans fin dans la dimension du Vide. Le Cancer, en faisant claquer ses innombrables pinces noires comme l'ébène, emporta six cent millions d'âmes supplémentaires, les cerveaux de leurs enveloppes corporelles éclatés par la force du message lancé par les Dieux fous. En moins de temps qu'il ne faut à l'Homme pour compter jusqu'à six, le crabe géant avait réduit le nombre de vies sur Terre au milliardième de ce qu'il avait pu être. Puis, emportant avec lui les milliards de cadavres fumants et nauséabonds, dont les corps témoignaient encore par spasmes de la folie la plus pure dans laquelle les âmes dont ils étaient autrefois propriétaires erraient, le monstre gravit la plus haute cime de la plus haute montagne du plus haut pays, et, dans une impulsion dont la folie ne peut être comprise par une âme mortelle, déclara ces mots aux Dieux, aux vivants, aux morts, et à ce qu'il restait d'humain dans l'Univers :

-AU TROISIÈME TOP IL SERA SEIZE HEURES, VINGT-QUATRE MINUTES. TOP ! TOP ! TOP ! »

Qu'est-ce qu'un crabe ?

Le crabe est un animal à carapace lisse, pourvu de pinces et de pattes. Il vit sous l'eau ou sur la terre, souvent entre des rochers ou dans le sable. Il est classé en tant que crustacé décapode.

Un truc comme ça ?

Euh...

L'habitat du crabe

On l'a déjà mentionné, le crabe vit soit dans des trous dans le sable, soit au milieu de galets. Les galets, personne n'aime ça parce que ça fait mal aux pieds,à moins d'être un gros con de Breton ou de Normand qui s'endort bourré dans son vomi sur une plage, enfin si on peut appeler "plage" un champ de cailloux. Comme on n'est pas des gros cons, on va plutôt s'intéresser aux trous dans le sable. Vous savez, ces petits trous que les enfants s'amusent tant à combler en marchant dessus, songeant avec délice et sadisme aux milles tortures que doivent subir les pauvres et innocents crabes vivant là-dessous. Pauvres petits choupinous d'amour de crabes qui souffrent alors qu'on vient d'obstruer leur trou. Il y avait une blague à faire sur l'occlusion intestinale là, je me suis foiré.

Pour en savoir plus sur ce qu'il se passe dans ces trous, faisons appel au grand animateur d'émissions sur la nature et ex-candidat aux présidentielles , le grand, le beau, celui qui sent bon et qui est doté d'un charisme insurmontable, j'ai nommé Nicolas Hulot !

-Ma femme m'a quitté.

Étant donné que notre cher animateur n'a plus aucune crédibilité, pas une seule société de production n'a daigné nous prêter du matériel pour filmer les crabes dans leur trou. Nous allons donc nous contenter de demander à Nicolas d'introduire le dictaphone de ma grand-mère dans l'habitat des douces petites bêtes.

-Je fais ça pour l'argent.

Maintenant que nous avons notre micro dans leur habitat, écoutons ce qu'il se passe là-dedans.

— Albert ! Viens voir ! Dehors, c'est Nicolas Hulot !

— Mais qu'est-ce que tu racontes ?

— Mais si ! Je te jure ! Hulot, l'animateur, le candidat, il est là dehors et il obstrue notre entrée avec un dictaphone !

— Mais enfin Germaine, qu'est-ce qu'on en a à cirer d'un has been pareil ?

— Has been peut-être, mais il était quand même sur TF1.

— Écoute, je suis désolé mais là j'ai autre chose à faire. On a un poulpe dans la chambre du petit, et s'il rentre de l'école et qu'il voit ça, il va encore avoir trop peur d'y dormir.

— Encore un poulpe ? Mais le dépoulpiste nous a dit qu'ils pouvaient plus passer.

— Il a dit qu'avec les marées en ce moment c'est pas sûr. La régie nous a dit d'attendre une semaine et le prochain cycle lunaire, que leur cycle de ponte reprenne, qu'ils s'en aillent, et de les rappeler si on a encore de ces saloperies.

— Mais pourquoi chercher à s'en débarrasser s'ils reviennent de toutes les façons, et qu'il y a Nicolas Hulot sur le palier ?

— Parce qu'en attendant Michael va bientôt rentrer de l'école primaire et qu'il y a un gros poulpe gluant dans son lit !

— Bon, mais quand même... Nicolas Hulot...

— Germaine, tu commences à m'emmerder ! Tu vas voir ce que je vais lui dire moi à ton Nicolas Hulot à la con !

— Albert, enfin, du calme ! Ne fais pas de bêtise ! Reviens ici !

Ah ? Il semble qu'un des crabes essaie de sortir du trou où nous avons inséré notre dictaphone, et qu'il se dirige vers notre présentateur. Peut-être n'a-t-il pas peur des humains, et cherche-t-il à voir qui sont ces intrus en sa demeure. Le voilà, ce petit chou dont la mignonesse ne saurait être égalée par quelque autre élément organique de notre bonne vieille terre, se dirigeant, trottinant sur ses petites pattes, en direction de Nicolas Hulot.

Ouch.

Aïe.

Ouh là là.

Eh ben j'en ai entendu des sermons et des remontrances, mais là ça atteint un cap. Il a vraiment du vocabulaire pour un crabe. Le voilà qui retourne dans son trou. Et Nicolas qui pleure.

Reproduction du crabe

Nicolas s'étant suicidé, nous pouvons reprendre notre sujet. La reproduction des crabes est fondamentalement intéressante, voire même fascinante. Pour mieux observer le phénomène, nous avons pris un couple de crabes, mâle et femelle, et les avons installés dans un douillet trou dans le sable, ceci afin de créer des conditions favorables à un rapport sexuel. Observer ce phénomène nous permettra de répondre à de nombreuses questions. Par où le crabe sort-il son pénis ? Est-ce qu'il fait du bruit quand il jouit ? La femelle crabe atteint-elle l'orgasme plus facilement que les humaines ? Le mâle aime-t-il qu'on lui mette un doigt dans le cul ? Je dois vraiment passer pour un gros pervers en posant ce genre de question, mais dites-vous que c'est la nature. Il n'est plus de notre temps d'avoir des préconceptions et de la gêne vis-à-vis de ce sujet. Si vous en avez, de la gêne, c'est peut-être que vous avez des problèmes. Avez-vous dépassé le stade anal ? Un bon psychothérapeute peut permettre de savoir où l'on en est au niveau de ses pulsions. Il faut faire attention en se cherchant un psy : s'il ne fait que vous écouter et s'endort quand vous lui parlez, cessez de le consulter, cherchez quelqu'un qui apporte des réponses à votre questionnement. Je ne tiens pas à étaler ma vie privée, quoique me voulant honnête et qu'à ce niveau-là, entre vous, lecteur, et moi, spécialiste animalier, s'est tissé un lien de confiance spécial, mais ma psychothérapie m'a beaucoup aidé. Comment le sais-je ? Eh bien parce qu'autour de moi, c'est ce que semblent confirmer les gens. En tout cas, c'est ce que ne cesse de me répéter la colonie de martiens qui vit à l'arrière de mon crâne.

Bon, maintenant qu'on a bien parlé, voyons où en sont nos amoureux.

On peut pas dire que ce soit la méga partie de pinces en l'air. Allez les enfants ! Je veux du sexe ! Je veux que vous laissiez vos âmes s'oublier à la carapace de l'autre ! Qu'à côté, les orgies romaines rappellent un épisode des Télétubbies ! Que vous vous étreigniez l'un l'autre, comme si vous vous étiez aimés toute votre vie et que le monde allait disparaître !

Rien. Ils sont peut-être timides. On devrait peut-être leur échauffer les mœurs avec un film pornographique. Nous sommes dans une société progressiste, que diable. En régie, on a quelqu'un qui s'y connaît en pornos ? Oui ? Qui ça ? Shôtaro ? Mais c'est qui ce mec ? Ah, ok. Les petits crabes, notre stagiaire japonais va vous passer une vidéo pas piquée des vers ! Regardez bien l'écran, ça va vous rendre tout fous fous !

Ça a pas l'air de les exciter des masses. Voire le contraire... Régie, je peux voir la cassette du film qu'on leur passe ?

Interlude

Le Japon.

Fichier:Japon.gif

Terre de contrastes, extrême de l'Orient. Peuple travailleur et volontaire, à la culture phénoménale. Des estampes à la calligraphie, en passant par la nourriture et les vieilles qui se font baiser le trou de balle par des poulpes géants.

Maintenant que vous êtes familiers avec ce qu'est un crabe, j'aimerais ici rétablir une vérité : ce que les gens appellent "bâtonnets de crabe" et savourent avec de la mayonnaise ou assimilé, ne sont PAS des bâtonnets de crabe. Ce sont des surimi. La viande de crabe est bien trop délicieuse pour avoir été découverte par un peuple qui pense qu'un poulpe peut faire l'amour à une femme. N'importe quel pays aurait été capable de faire cuire un crabe pour en goûter la chair et trouver cela bon. Mais certainement pas une civilisation qui pratique encore la peine de mort. Un peuple de gens petits, fourbes, aux femmes plates. Un peuple persuadé que des monstres avec un bec et une carapace vivent dans l'eau. Un pays qui ne peut pas intervenir militairement à l'extérieur de son pays. Un peuple qui croit que c'est le dernier chic de se peroxyder les cheveux en criant "banzai", ou de faire l'amour avec des poulpes. Un peuple dont la culture consiste à vomir dans des ventilateurs. Des gens qui, pour s'exciter, au lieu, comme nous, de regarder des paires de blondes se rouler des galoches, s'assoient au bord de bateaux et regardent se traîner au fond de la mer des bancs d'invertébrés aux tentacules grotesques. Une bande de sous-hommes, incapables de cuisiner du poisson correctement, le mangeant alors cru, et qui font subir à un innocent documentiste animalierien le visionnage d'une vingtaine de nains obèses gays moustachus vêtus de cuir qui s'enculent au son d'une cornemuse sept heures durant.

ALORS QUE MOI TOUT CE QUE JE VOULAIS C’ÉTAIT DE VOIR DES CRABES EN TRAIN DE BAISER.

Conclusion

C'est la dernière fois que je travaille avec des étrangers.

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