Les perles de l'administration
Les célèbres "perles de... sont des textes particulièrement humoristiques puisqu’établis sous forme de listes et dont la drôlerie est principalement basée sur la difficulté de communication et le déphasage entre la frange la moins cultivée de la population et la rigidité des instances administratives auxquelles le hasard de la vie doit parfois les confronter par la voie épistolaire. En gros c’est quand des cons analphabètes doivent écrire à un fonctionnaire de merde et qu’ils racontent n’importe quoi car ils savent à peine aligner deux mots.
C’est hilarant. Et puisque c’est hilarant, la Désencyclopédie se devait d’y consacrer un article. Mais nous n’allons pas ici nous contenter de recopier bêtement ces phrases dont certaines sont archi-connues. Nous avons préféré nous immerger dans les méandres de l’administration pour en retirer la quintessence humoristique, d’autant plus drôle que l’humour est ici totalement involontaire. On notera d’ailleurs que les fonctionnaires ne sont pas aussi obtus et sinistres qu’on a tendance à le dire. Certains y vont aussi parfois de leur petite blague. Allez en route pour le fun.
Faites attention !
Par soucis de moquerie, les noms et adresses n’ont pas été modifiés
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L’orthographe n’est pas son fort !
Lettre adressée à la Caisse des Allocations Familiales de Seine-Saint-Denis le 13 mars 2007 :
Madamme, meussieur,
Je vous écrit pour vous dirre que come mes 3 enfent sont mort tous brulé pendant l’inçendie de mon HLM en jenvier dernié, je n’aie plu besoins qu’on me paye les alocation familial.
Rachida Belkacem, Garge-lé-GaunessesAlors là on se demande où elle a appris le français cette pauvre Rachida ! Et en plus elle oublie carrément les formules de politesse en usage. La réponse de la CAF n’est pas piquée des vers non plus.
Garges-lès-Gonesse, le 13 mars 2007
Madame Belcassem,
Nous avons bien tenu compte de votre courrier et comme convenu vous ne percevrez plus les 435,23 € d’allocations familiales mensuelles. Toutefois vous indiquez dans votre courrier que l’incendie au cours duquel vos enfants ont péri s’est produit en janvier et nous sommes en mars. Vous avec donc indûment perçu la somme de 435,23 € pour le mois de février, ainsi que le prorata pour janvier pendant lesquels vos enfants n’étaient plus à votre charge (vous avez oublié d'indiquer la date de l’incendie donc je ne peux pas vous préciser le montant exact). Merci de calculer la somme globale et de nous la restituer par retour du courrier par chèque ou en remplissant le TIP ci-joint.
Cordialement,
Guichet 143-5323BJTF-LKK84
Reste à espérer que Rachida soit meilleure en maths qu'en français ! Tiens à propos de maths, ce document n'est pas mal non plus.
Nul en maths
Lettre adressée au Trésor Public de Tourcoing le 11 février 2008 :
Madame, monsieur
Je vous écris car je suis dans une situation désespérée. En 2007 j’ai déclaré la somme de 14 356 € au titre de l’impôt sur le revenu pour lesquels je dois payer cette année 849 €. Mais le mois dernier l’entreprise où je travaillais en tant que tourneur-fraiseur depuis 1975 a périclité et je suis désormais sans ressources. En effet il s’avère que mon patron était un voyou et qu’il n’a jamais déclaré aucun de ses employés à l’assurance chômage ou aux caisses de retraites. Autrement dit je n’ai droit à aucune indemnité de licenciement ou allocation chômage. Je ne peux pas non plus prétendre au RMI du fait de mon âge (55 ans) ni aux aides sociales familiales car ma femme est partie avec mes gosses. Je vais devoir bientôt payer le premier tiers de 293 € mais cela m’est totalement impossible. Quelle solution pouvez-vous me proposer ?
Je vous prie d’agréer, madame, monsieur, l’expression de mes salutations respectueuses.
M. Henri Garnier, Tourcoing
Comme on va le voir la réponse de l’administration ne s’est pas faite attendre :
Monsieur Garnier,
Suite à votre courrier du 11 février dernier, je vous informe que vous avez fait une erreur dans vos calculs. Vous nous devez la somme de 283 € au titre du premier tiers de l’impôt sur le revenu et non pas 293 € comme vous l’indiquiez. Voilà qui devrait vous remettre du baume au cœur.
Sincères salutations.
Le percepteur, Hector Malandrin
Et dire que certains continuent d'affirmer que le Fisc nous vole ! C'est plutôt les contribuables qui sont de vrais profiteurs. D'ailleurs en voici un bel exemple :
Un usager qui abuse
Lettre reçue par le maire de Saint-Maurice-les-Brousses, le 2 janvier 2000 :
Suite à la terrible tempête de décembre dernier, nous ne faisons qu’accumuler les malheurs. Un arbre s’est écroulé sur notre maison qui est désormais totalement éventrée et inhabitable. Un autre s’est abattu sur nos deux voitures désormais irréparables. Le gymnase où nous sommes réfugiés depuis une semaine va bientôt fermer et nous n’avons nulle part où aller. Les experts de l’assurance ne sont pas encore passés pour estimer les dégâts et nous attendons de votre part une aide qui nous permettra de nous reloger provisoirement. Nous signalons à votre attention que l’hôtel Formule 1 d’Agen, à 65 km de chez nous, dispose encore de quelques chambres et nous sommes prêts à en partager une avec ma femme et nos 4 enfants le temps qu’il faudra. Merci de nous répondre le plus rapidement possible directement au gymnase Roger Bambuck, le planton nous fera suivre le courrier. Vous êtes notre seul espoir.
Très respectueusement,
M. Jean-Jacques Anselme
En voilà un qui n’a pas froid aux yeux. Et d’ailleurs il s’est bien fait recevoir.
Cher Monsieur Anselme,
Et pourquoi pas le George V ou le Hilton tant que vous y êtes ? Non mais franchement. Et ça veut sa chambre à l’hôtel et tout et tout. Avec le petit déjeuner inclus je suppose ? Vous croyez que parce que je suis Maire je roule sur l’or ? Moi j’habite dans un studio et j’ai une seule bagnole alors me faites pas pleurer avec vos gémissements déplacés. C’est pas la mairie de Paris ici. J’ai pas un appartement de fonction avec domestique et compagnie ; c’est moi qui fais les courses et la bouffe et je dois aller chercher moi-même mes gosses à l’école alors cessez de tout ramener à votre petite personne.
Allez, je fais un geste, je vous donne l’adresse d’un camping à Palavas-les-Flots et je vous fais 10% sur l’emplacement, si vous promettez de voter pour moi aux prochaines élections. Non mais des fois.
Très cordialement,
Hugues Colbert,
Voilà un élu du peuple avec une belle répartie ! Dommage que ce ne soit pas lui qui ait eu affaire à l'énergumène héros bien malgré lui de l'anecdote suivante :
Un drôle d’étourdi
Lettre reçue par le Secrétariat d’État aux Anciens Combattants le 12 novembre 2007 :
Monsieur le Secrétaire d’État,
Bien que d’origine italienne, je sers la France depuis ma plus tendre enfance. En 1914 à l’âge de 17 ans j’ai été mobilisé pour servir sous les ordres du Maréchal Pétain. J’ai reçu deux blessures, une à la hanche, et l’autre à Verdun. En 1939 j’ai de nouveau été appelé sous les drapeaux et j’ai participé à toutes les campagnes, y compris celle de la retraite de 40. Je suis entré en résistance contre les allemands, j’ai été torturé, enfermé dans un camp dont je me suis évadé avant d’être repris. Après la libération, je me suis engagé comme pompier volontaire en plus de mon travail d’ambulancier. J’ai ensuite participé aux conflits en Indochine et en Algérie jusqu’à l’âge de 82 ans. J’ai aujourd’hui 110 ans et je voulais savoir si j’avais droit à une pension d’ancien combattants.
Merci
Lazarre Ponticelli
Réponse du Secrétariat d’État aux Anciens Combattants :
Cher Monsieur Ponticelli,
Pour ce genre de requêtes, vous devez contacter le Ministère de la Défense le plus proche de chez vous.
Très cordialement
Même si cet échange épistolaire est déjà très drôle en soi, il prend une saveur inattendue avec cette nouvelle lettre reçue exactement un mois après la première, soit le 12 décembre 2007 :
Monsieur le Secrétaire d’État,
Bien que d’origine italienne, je sers la France depuis ma plus tendre enfance. En 1914 à l’âge de 17 ans j’ai été mobilisé pour servir sous les ordres du Maréchal Pétain. J’ai reçu deux blessures, une à la hanche, et l’autre à Verdun. En 1939 j’ai de nouveau été appelé sous les drapeaux et j’ai participé à toutes les campagnes, y compris celle de la retraite de 40. Je suis entré en résistance contre les allemands, j’ai été torturé, enfermé dans un camp dont je me suis évadé avant d’être repris. Après la libération, je me suis engagé comme pompier volontaire en plus de mon travail d’ambulancier. J’ai ensuite participé aux conflits en Indochine et en Algérie jusqu’à l’âge de 82 ans. J’ai aujourd’hui 110 ans et je voulais savoir si j’avais droit à une pension d’ancien combattants.
Merci
Lazarre Ponticelli
Exactement la même lettre au mot près ! Nouvelle réponse du secrétariat d’état qui en a vu d’autres :
Monsieur Ponticelli,
Ce n’est pas la peine d’insister, je vous ai déjà dit que ce n’est pas nous qui nous occupions de ce genre de problèmes.
Cordialement
Le mois suivant, rebelote, même lettre, même demande. On comprend l’agacement du secrétariat d’état aux anciens combattants qui répond :
Ponticelli,
Ça commence à bien faire. Arrête de nous emmerder ou je t’envoie les flics.
Gustave BigeardMais rien n’y fit. En février, Lazarre Ponticelli renouvela sa demande exactement dans les mêmes termes. Gustave Bigeard tint sa promesse et envoya un escadron de gendarmes au domicile du suspect. Et là, surprise, Lazarre Ponticelli venait tout juste de trépasser. Mais les gendarmes connaîtront quand même le fin mot de l’histoire grâce à l’arrière-arrière-arrière-petite-fille du prévenu : le vieux bonhomme souffrait de la maladie d’Alzheimer et ne se rappelait pas avoir déjà fait sa demande de pension ! Et le plus drôle, c’est que ça durait comme ça depuis 19 ans mais les premières lettres n’étaient jamais arrivées à destination car avant novembre 2007, il s’agissait non pas d’un Secrétariat d’État aux Anciens Combattants mais d’un Ministère aux Anciens Combattants ; les lettres s’accumulaient donc à la Poste dans le casier « destinataire inconnu ».
Heureusement tout est bien qui finit bien. Et d'ailleurs on ne cesse de râler sur l'incompétence et la fainéantise des fonctionnaires mais ce n'est pas toujours le cas comme le prouve cette dernière histoire qui va sans doute vous réconcilier avec l'administration.
Comme larrons en foire
Il arrive en effet parfois dans ce maelström d’incompréhension qui peut exister entre les contribuables analphabètes et les fonctionnaires obtus, quelques moments de grâce où chacune des deux parties semblent être parfaitement en phase avec l’autre. L’un de ces instants parfaits nous est narré dans l’échange de lettres ci-dessous.
Salut Nico,
On est bien arrivé à Acapulco. Il fait 35° et la mer est à 32°. Le pied quoi. Dis-moi, maintenant que tu es élu à la Présidence de la République il faudrait qu’on reparle de la loi sur la suppression de la publicité à France Télévisions. On était bien d’accord pour mettre ça en place d’ici fin 2008 ?
Sinon j’ai Laurence Parisot à côté de moi. Elle me dit de te rappeler que le bouclier fiscal doit être à 50% maximum, comme on avait prévu. Vincent Bolloré te salue lui aussi et il veut savoir si tu as bien reçu la Rolex en échange du service que tu sais. Il a pu se démerder pour récupérer le numéro de téléphone de Carla Bruni et tu peux l’appeler de sa part, elle est libre en ce moment. Si ça la branche pas je peux te passer celui de Laurence Ferrari.
On se voit à mon retour pour les négociations sur les parachutes dorés et les stocks options et pour le baptême du petit.
Je t’embrasse.
Martin Bouygues
La réponse ne tarda guère.
Martin,
Merci pour ta carte postale qui m’a fait chaud au cœur. Je pense d’ailleurs te rejoindre dès que j’ai 5 minutes car je n’arrête pas de bosser et j’aurais bien besoin d’un peu de repos.
Tout est arrangé pour France Télévisions. Pour être sûr, j’ai même prévu de nommer désormais moi-même les patrons de la chaîne, ça évitera les interférences, haha. Pour le bouclier fiscal je vais même essayer de descendre à 40% car depuis que j’ai décidé de m’augmenter de 200%, je suis concerné moi aussi donc ça fait un peu chier de donner tout mon fric à l’État.
J’ai appelé Carla, elle n’a pas l’air trop farouche donc je pense que j’ai une ouverture de ce côté-là, surtout que le coup du bouclier fiscal devrait l’intéresser elle-aussi. Il faut juste que je trouve un moyen de me débarrasser en douceur de la vieille mais ça ne devrait pas être trop difficile. Tu remercieras Vincent pour la Rolex et dis-lui que pour le compte en Suisse, c’est en cours, il comprendra.
À la semaine prochaine pour le baptême. Tiens d’ailleurs comme cadeau au petit, je vais déplafonner le montant qu’on peut investir sur le Livret A et je vais monter les intérêts à 4%. Ça lui plaira tu crois ?
Bises à tous
Nicolas Sarkozy
Si vous l'avez adoré, vous pouvez encore relancer le débat.