Ayant succédé en 1973 au championnat international des marques (en vigueur de 1970 à 1972), le championnat du monde des rallyes comprend généralement une douzaine manches, comprenant les plus célèbres épreuves routières internationales, telles le Rallye Monte-Carlo, le Safari ou le RAC Rally. Depuis 1979, le championnat des constructeurs a été doublé d'un championnat pilotes, ce dernier remplaçant l'éphémère Coupe des conducteurs, organisée à seulement deux reprises en 1977 et 1978. Le calendrier 1984 intègre douze manches pour l'attribution du titre de champion du monde des pilotes mais seulement dix sélectives pour le championnat des marques (le Rallye de Suède et le Rallye de Côte d'Ivoire en étant exclus). Les épreuves sont réservées aux catégories suivantes :
Groupe N : voitures de grande production de série, ayant au minimum quatre places, fabriquées à au moins 5000 exemplaires en douze mois consécutifs ; modifications très limitées par rapport au modèle de série (bougies, amortisseurs).
Groupe A : voitures de tourisme de grande production, fabriquées à au moins 5000 exemplaires en douze mois consécutifs, avec possibilité de modifications des pièces d'origine ; poids minimum fonction de la cylindrée.
Groupe B : voitures de grand tourisme, fabriquées à au moins 200 exemplaires en douze mois consécutifs, avec possibilité de modifications des pièces d'origine (extension d'homologation portant sur 10% de la production[2]).
Comme l'année précédente, le championnat du monde 1984 se joue entre Audi et la Scuderia Lancia, tenante du titre. Après le triplé réalisé au Rallye Monte-Carlo (Walter Röhrl l'emportant devant ses coéquipiers Stig Blomqvist et Hannu Mikkola), la marque allemande a brillamment remporté la première manche. Victorieux en Suède où seul le classement des pilotes était pris en compte, Blomqvist est quant à lui favori pour le titre des conducteurs.
C'est en 1967 que César Torres, avec le patronage de la compagnie aérienne TAP, mit sur pied l'organisation du premier rallye TAP. Comme le Rallye Monte-Carlo, son parcours comprend plusieurs itinéraires de concentration à partir de grandes villes d'Europe. Longtemps dominée par Jean-Pierre Nicolas et sa Renault 8 Gordini, l'épreuve fut finalement remportée par le Portugais José Albino, sur une voiture identique, seulement onze des cinquante-sept équipages engagés parvenant à terminer la course[3]. Par son organisation remarquable et son tracé sélectif, le rallye TAP (qui deviendra rallye du Portugal en 1975) acquiert rapidement une renommée internationale et intègre le championnat d'Europe des rallyes dès 1970, puis le championnat du monde en 1973. Le premier choc pétrolier a contraint les organisateurs, à partir de 1974, à restreindre le parcours au seul territoire portugais, abandonnant les itinéraire de concentration. S'étant imposé à quatre reprises entre 1975 et 1981, Markku Alén détient le record de victoires sur cette épreuve.
Quatre Rally 037 groupe B ont été préparées chez Abarth : trois sont directement engagées par la Scuderia Lancia pour Markku Alén, Attilio Bettega et Henri Toivonen (qui effectue sa première course dans l'équipe), la dernière étant engagée par le Jolly Club pour Massimo Biasion. Pesant 960 kg, ces berlinettes sont motorisées par un quatre cylindres de 2111 cm3, placé en position centrale arrière. Alimenté par un système d'injection mécanique Bosch Kugelfischer associé à un compresseur volumétrique Abarth, il développe 325 chevaux à 8000 tr/min. Au côté des voitures d'usine, le pilote local António Rodrigues s'aligne sur sa 037 personnelle. Les Lancia sont chaussées de pneus Pirelli[6].
Audi
Audi Sport a engagé quatre Quattro A2 groupe B, trois pour ses pilotes habituels Hannu Mikkola, Walter Röhrl et Stig Blomqvist, la quatrième étant la voiture de reconnaissance de Blomqvist, confiée pour la circonstance au pilote sud-africain Sarel van der Merwe. Dotés d'une transmission intégrale, ces coupés pèsent 1100 kg. Leur moteur cinq cylindres de 2 121 cm3, en position longitudinale avant, est alimenté par un système d'injection électronique Bosch associé à un turbocompresseur KKK. Avec une pression de suralimentation d'un bar et demi, il développe plus de 350 chevaux à 7000 tr/min. Les Audi utilisent des pneus Michelin[6].
Toyota
Le Toyota Team Europe aligne deux Celica TCT groupe B, confiées à Björn Waldegård et Juha Kankkunen. Ces coupés à transmission classique pèsent 1050 kg ; ils sont équipés d'un moteur quatre cylindres de 2090 cm3, avec injection électronique Nippondenso et turbocompresseur KKK. La puissance maximale ressort à 360 chevaux à 8500 tr/min. La marque est également représentée en groupe A, avec notamment la présence des Corolla des pilotes privés Jorge Ortigão, António Coutinho et Kiyoshi Inoue. Les Toyota ont opté pour des pneus Pirelli[6].
Renault
Renault Portugal engage deux 5 Turbo groupe B, dont la préparation a été assurée par les ateliers Bozian en région lyonnaise, pour Jean Ragnotti et Joaquim Moutinho. Ces petites berlines à moteur central arrière pèsent 960 kg. Équipé d'un système d'injection Bosch K-Jetronic et suralimenté par un turbocompresseur Garrett, leur petit quatre cylindres de 1397 cm3 développe plus de 300 chevaux à 7000 tr/min. Elles sont chaussées de pneus Michelin[6].
Nissan
Le Team Nissan Europe a engagé une 240RS groupe B, initialement prévue pour Timo Salonen. Durant les reconnaissances, une hernie discale a cependant contraint le pilote finlandais à céder sa place à son compatriote Erkki Pitkänen, qui n'a disposé que de quelques jours pour prendre la voiture en mains et découvrir brièvement le parcours. Ce coupé de 1030 kg est animé par un moteur quatre cylindres de 2340 cm3 alimenté par deux carburateurs double corps Solex développant 260 chevaux à 8000 tr/min. Pitkänen utilise des pneus Dunlop de fabrication japonaise[2].
Volkswagen
Pilotant la Golf GTI engagée par Volkswagen Motorsport, Kalle Grundel est le favori du groupe A. Pesant 900 kg, sa petite berline est munie d'un moteur quatre cylindres de 1781 cm3, placé en position transversale avant, alimenté par injection mécanique Bosch K-Jetronic. La puissance disponible est d'environ 165 chevaux. Grundell utilise des pneus Pirelli[6].
Citroën
Comme l'année précédente, Christian Dorche pilote sa Visa Chrono groupe B privée. Petite traction de 800 kg, la Visa Chrono dispose d'un moteur quatre cylindres de 1434 cm3, alimenté par deux carburateurs Weber double corps, développant 135 chevaux. Elle est chaussée de pneus Michelin[2].
Les soixante-dix équipages prennent le départ depuis le circuit d'Estoril, le mercredi matin[4]. Ils doivent accomplir une triple boucle comprenant trois tronçons chronométrés, soit neuf épreuves spéciales (sur bitume) pour cette demi-étape. Le terrain est favorable aux Lancia, Henri Toivonen se montrant d'emblée extrêmement rapide pour sa première course au sein de l'écurie italienne, pulvérisant les records de l'année précédente. Il remporte les cinq premières spéciales, à l'issue desquelles il possède déjà dix-sept secondes d'avance sur Markku Alén et plus de vingt sur ses deux autres coéquipiers, Massimo Biasion et Attilio Bettega. Au sein de l'équipe Audi, c'est Walter Röhrl, cinquième, qui résiste le mieux ; malgré la moindre compétitivité de la lourde Quattro sur l'asphalte, le pilote allemand a concédé moins de trente secondes, alors qu'Hannu Mikkola et Stig Blomqvist (ralenti par un problème de commande d'embrayage) accusent un retard de l'ordre de la minute et sont même devancés par la Lancia du pilote privé António Rodrigues. Cependant, dans le deuxième passage du secteur de Sintra, Toivonen, surpris par les gravillons et les feuilles mortes, part en travers à la sortie d'un virage à droite ; il parvient presque à contrôler la glissade mais la route est étroite et l'arrière de sa voiture heurte brutalement un arbre[4]. Les dégâts sont trop importants et le jeune Finlandais est contraint à l'abandon. Comptant une dizaine de secondes d'avance sur Biasion et Bettega, qui font pratiquement jeu égal, Alén hérite du commandement de la course. Röhrl, maintenant quatrième, est à moins de vingt secondes. Il précède Rodrigues, Mikkola, la Renault 5 Turbo de Jean Ragnotti et la Toyota de Juha Kankkunen, alors que Blomqvist n'est que neuvième. Au cours du troisième passage, Bettega déborde Biasion pour le gain de la deuxième place, tandis que Mikkola prend le meilleur sur Rodrigues. Alén achève le parcours avec un avantage de onze secondes sur Bettega et de dix-sept sur Alén. Röhrl est toujours quatrième, provisoirement car le champion allemand a heurté un roché aussitôt après l'arrivée de la huitième épreuve spéciale ; ayant dû faire réparer la suspension avant de son Audi, il encourt sept minutes de pénalisation routière. Séparés d'une minute et respectivement quatorzième et quinzième au classement général, Kalle Grundel (sur Volkswagen) et le pilote local 'Pêquêpê' (sur Opel) se disputent la victoire en groupe A.
En fin d'après-midi, les concurrents quittent la région de Sintra en direction du nord. Les six épreuves chronométrées restantes se disputent encore sur asphalte, les étapes suivantes devant se disputer sur terre. Bettega et Biasion se rapprochent d'Alén et prennent l'avantage sur lui en début de nuit, dans le secteur de Figueiró dos Vinhos. Biasion prend la tête de la course, trois secondes devant Bettega. Alén ne compte alors que douze secondes de retard mais dans l'épreuve suivante le Finlandais crève et perd plus d'une minute, cédant provisoirement la troisième place à Röhrl. Ce dernier doit cependant décompter ses sept minutes de pénalisation routière à l'arrivée de l'étape. Alors que les trois Lancia officielles rallient le parc fermé de Póvoa de Varzim aux trois premières places (Biasion conservant pour une seconde la tête devant Bettega), Röhrl rétrograde en douzième position. Quatrième derrière Alén, Mikkola compte près de deux minutes et demie de retard sur les premiers. Il précède Ragnotti d'une trentaine de secondes. Septième juste derrière Blomqvist, Rodrigues est le premier des pilotes locaux ; ne voulant pas abîmer sa belle Lancia sur les pistes de terre, le Portugais ne prendra pas le départ de l'étape suivante[4]. Toujours en tête du groupe A, Grundel, quatorzième du classement, compte désormais trois minutes d'avance sur 'Pêquêpê'.
Les équipages restant en course repartent de Póvoa de Varzim le jeudi après-midi, après une matinée de repos, en direction de Viana do Castelo. C'est dans ce district que se déroulent les premières épreuves sur piste. Les Audi se montrent logiquement les plus rapides, Röhrl enchainant les meilleurs temps dans les quatre premiers secteurs chronométrés. Les Lancia résistent bien, cependant, et conservent les trois premières places. Plus expérimenté que Biasion sur la terre, Bettega a pris le commandement de la course et à mi-étape, compte plus d'une demi-minute d'avance sur son compatriote. Ayant nettement réduit son retard sur ses coéquipiers, Alén parvient à maintenir Mikkola à distance, l'écart entre les deux Finlandais restant stable. Alén va alors réaliser des prouesses durant les épreuves nocturnes, parvenant à se montrer plus rapide que les pilotes Audi. Après avoir réalisé quatre meilleurs temps consécutifs, il reprend la tête de la course et regagne Póvoa avec un avantage de quarante secondes sur Bettega et de cinquante-cinq sur Biasion, ce dernier n'ayant plus que quelques secondes d'avance sur Mikkola. Röhrl a effectué une belle remontée jusqu'à la cinquième place, alors que Blomqvist est retombé derrière son coéquipier après avoir perdu dix minutes dans le dernier tronçon, suspension cassée. Parti dixième, Björn Waldegård est remonté à la septième place sur sa Toyota, devant Ragnotti et Kankunnen. Dixième sur sa Renault 5, Joaquim Moutinho est le premier des pilotes locaux. Il devance Grundel, toujours largement en tête du groupe A.
Les équipages repartent de Póvoa le vendredi matin, en direction de Viseu. Le terrain accidenté et caillouteux favorise les Audi et dès la première épreuve chronométrée Mikkola déborde Biasion et Bettega, réduisant son retard sur Alén à quarante secondes. Il réalise le meilleur temps dans le secteur de Fafe avant de prendre le commandement, pour une seconde, dans la spéciale de Cabreira. Toujours aux avant-postes, il va dès lors accroître rapidement son avance sur son rival. Alors qu'il réduisait régulièrement son retard sur Bettega et Biasion, Röhrl se met sur le toit dans une épingle ; les spectateurs aident l'équipage à remettre l'Audi sur ses roues mais un début d'incendie au moment de repartir lui fait alors perdre plus de vingt minutes. Le pilote allemand plonge à la dixième place, ayant perdu toute chance d'obtenir un bon résultat. Blomqvist prend alors la cinquième place, devant Waldegård, mais ce dernier renonce peu après, arbre de transmission endommagé ; son coéquipier Kankkunen avait renoncé peu avant, suspension cassée. Blomqvist n'ira pas beaucoup plus loin : reparti après une série de tonneaux aux abords de Viseu, le Suédois heurte un arbre quelques kilomètres plus loin ; l'équipage est indemne mais l'Audi est irréparable. Mikkola achève l'étape avec quarante-trois secondes d'avance sur Alén. La victoire se jouera entre ces deux hommes, Bettega et Biasion, respectivement troisième et quatrième, ayant pris plusieurs minutes de retard au cours de la journée. Les nombreux abandons permettent à Ragnotti de pointer au cinquième rang, loin devant Röhrl et Grundel.
L'étape finale, disputée le samedi avec un départ de nuit, ne comporte que huit secteurs chronométrés, dont la très sélective épreuve d'Arganil, longue de près de soixante kilomètres, à parcourir deux fois. Attaquant au maximum, Alén y frappe un grand coup lors du premier passage, son temps record lui permettant de se rapprocher à dix secondes de Mikkola. Les deux champions finlandais font ensuite pratiquement jeu égal dans les deux épreuves suivantes. Avec seulement onze secondes d'écart entre les deux voitures de tête, le deuxième passage dans Arganil, de jour cette fois, va être décisif. Mikkola jette toutes ses forces dans la bataille et améliore de plus d'une demi-minute le record d'Alén. Le pilote Lancia a également largement amélioré sa performance, mais a cependant concédé quatre secondes à son rival. Alén ne s'avoue pas encore battu, mais malgré sa hargne il ne peut empêcher Mikkola de réaliser le meilleur temps dans les quatre dernières épreuves et de rallier Estoril avec un avantage final de vingt-sept secondes, remportant pour la troisième fois la manche portugaise. Ayant en fin de parcours pointé volontairement en avance aux contrôles horaires afin de permettre à Alén de retarder ses départs pour éviter la poussière soulevée par la voiture de tête, Bettega et Biasion ont perdu plusieurs minutes mais n'en conservent pas moins leurs troisième et quatrième places respectives, devant Ragnotti et Röhrl. Sans rival dangereux depuis l'abandon de 'Pêquêpê' la veille, Grundel, septième, s'impose en groupe A. Seulement vingt voitures sont parvenues à terminer la course.
Attribution des points : 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1 respectivement aux dix premières marques de chaque épreuve, additionnés de 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1 respectivement aux huit premières de chaque groupe (seule la voiture la mieux classée de chaque constructeur marque des points). Les points de groupe ne sont attribués qu'aux concurrents ayant terminé dans les dix premiers au classement général[2].
Seuls les sept meilleurs résultats (sur dix épreuves) sont retenus pour le décompte final des points.