Identité de Lagrange
En mathématiques, et plus particulièrement en algèbre, l'identité de Lagrange, découverte par Joseph Louis Lagrange, est une formule transformant un produit de sommes de carrés en une autre somme de carrés ; elle a d'importantes conséquences sur les propriétés du produit vectoriel.
Formulations algébriques de l'identité
[modifier | modifier le code]L'identité de Lagrange est[1],[2] :
Elle s'applique à deux familles quelconques (a1, a2, … , an) et (b1,b2, … , bn) de nombres réels ou complexes, ou plus généralement à des éléments d'un anneau commutatif. C’est un cas particulier de l'identité de Binet-Cauchy.
Dans le cas réel, on peut l'exprimer de façon plus compacte avec une notation vectorielle[3] :
où a et b sont des vecteurs de ℝn. Cette expression peut s'étendre à ℂn en remplaçant le produit scalaire par un produit hermitien et le carré d'un nombre complexe z par le carré de son module |z|[4],[2] :
c'est-à-dire :
Le membre de droite de l'égalité étant positif et ne s'annulant que lorsque a et b sont colinéaires, l'identité de Lagrange entraîne l'inégalité de Cauchy-Schwarz[5] et son cas d'égalité dans le cas des espaces euclidiens (tels que ℝn), et son analogue dans les espaces hermitiens (comme ℂn).
Les cas particuliers n = 2 et n = 3 ont des interprétations géométriques :
- pour n = 2, on obtient l'identité de Diophante (qui se généralise en celle de Brahmagupta) :ce qui correspond à la multiplicativité du module dans les complexes puisque, en posant et , cette formule équivaut à ;
- pour n = 3 on obtient l'identité de Legendre[6]:
voir plus bas, dans la section consacrée au produit vectoriel.
Démonstration de la version algébrique
[modifier | modifier le code]La preuve suivante[7] correspond à un calcul algébrique direct, et est par conséquent valable dans tout anneau commutatif.
L'identité de Lagrange en algèbre extérieure
[modifier | modifier le code]Utilisant le produit extérieur, l'identité de Lagrange peut s'écrire :
Elle donne donc la norme du produit extérieur de deux vecteurs en fonction de leur produit scalaire :
L'identité de Lagrange et le produit vectoriel
[modifier | modifier le code]En trois dimensions, l'identité de Lagrange[8] dit que le carré de l'aire d'un parallélogramme est égal à la somme des carrés des aires de ses projections sur les trois plans de coordonnées. Algébriquement, si a et b sont des vecteurs de ℝ3 de norme ||a|| et ||b||, on peut écrire l'identité à l'aide du produit vectoriel et du produit scalaire[9],[10] :
En effet, le membre de gauche vaut
où θ est l'angle formé par les vecteurs a et b ; c'est l'aire du parallélogramme de côtés ||a|| et ||b|| et d'angle θ (voir aussi l'article Déterminant (mathématiques)), et donc le membre de gauche est le carré de cette aire. Le produit vectoriel de droite est défini par
vecteur dont les coordonnées sont (en valeur absolue) les aires des projections du parallélogramme sur les plans yz, zx, et xy respectivement.
En dimension 7
[modifier | modifier le code]Pour des vecteurs a et b de ℝ7, l'identité de Lagrange peut s'écrire, comme dans le cas de ℝ3, sous la forme[11] :
Cependant, le produit vectoriel en dimension 7 n'a pas toutes les propriétés du produit vectoriel usuel. Ainsi, par exemple, il ne vérifie pas l'identité de Jacobi[11].
Interprétation par les quaternions
[modifier | modifier le code]Un quaternion p est défini comme la somme d'un scalaire t et d'un vecteur v :
Le produit de deux quaternions p = t + v et q = s + w est défini par
Le conjugué de q est
et le carré de sa norme est
On a la multiplicativité de la norme, c'est-à-dire que, pour des quaternions p et q, on a[12] :
Les quaternions p et q sont dits imaginaires (ou purs) si leur partie scalaire est nulle, ou encore si
L'identité de Lagrange (en dimension 3) revient simplement à affirmer la multiplicativité de la norme pour les quaternions imaginaires
puisque, par définition,
(La multiplicativité pour des quaternions quelconques donne une autre identité importante : l'identité des quatre carrés d'Euler.)
Références
[modifier | modifier le code]- (en) Eric W. Weisstein, CRC Concise Encyclopedia of Mathematics, CRC Press, , 2e éd., 3252 p. (ISBN 978-1-4200-3522-3, lire en ligne).
- (en) Robert E. Greene et Steven G. Krantz, Function Theory of One Complex Variable, AMS, , 3e éd., 504 p. (ISBN 978-0-8218-3962-1, lire en ligne), « Exercise 16 », p. 22.
- (en) Vladimir A. Boichenko, Gennadiĭ Alekseevich Leonov et Volker Reitmann, Dimension Theory for Ordinary Differential Equations, Vieweg+Teubner Verlag, (ISBN 3-519-00437-2, lire en ligne), p. 26.
- (en) J. Michael Steele, The Cauchy-Schwarz Master Class : An Introduction to the Art of Mathematical Inequalities, CUP, , 306 p. (ISBN 978-0-521-54677-5, lire en ligne), « Exercise 4.4: Lagrange’s identity for complex numbers », p. 68-69.
- C'est d'ailleurs la preuve de Cauchy de cette inégalité. cf A.-L. Cauchy, Cours d'analyse de l'École Royale Polytechnique, Ière partie, Analyse algébrique, Debure frères, (lire en ligne), p. 455
- Jean-Pierre Boudine, L'appel des maths, t. 2, Cassini, p. 145
- Voir par exemple page 4 du chapitre 7 de ce livre de Frank Jones, université Rice.
- C'est en dimension 3 qu'apparaît d'abord l'identité de Lagrange : J.-L. Lagrange, Solutions analytiques de quelques problèmes sur les pyramides triangulaires, Nouveaux mémoires de l'Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Berlin, (lire en ligne), p. 661-692.
- (en) Howard Anton et Chris Rorres, Elementary Linear Algebra : Applications Version, John Wiley & Sons, , 10e éd., 773 p. (ISBN 978-0-470-43205-1 et 0-470-43205-5, lire en ligne), « Relationships between dot and cross products », p. 162.
- (en) Pertti Lounesto, Clifford Algebras and Spinors, CUP, , 2e éd., 338 p. (ISBN 978-0-521-00551-7, lire en ligne), p. 94.
- Lounesto 2001. Voir en particulier § 7.4 Cross products in ℝ7, p. 96.
- (en) Jack B. Kuipers, Quaternions and Rotation Sequences : A Primer with Applications to Orbits, Aerospace, and Virtual Reality, PUP, , 371 p. (ISBN 978-0-691-10298-6, lire en ligne), chap. § 5.6 (« The Norm »), p. 111.