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Jean Richardot (1540-1609)

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Jean Richardot
Fonction
Président
Conseil privé
-
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Jean Grusset
Formation
Enfants
Jean Richardot
Pierre Richardot (en)Voir et modifier les données sur Wikidata

Jean Grusset dit Jean Richardot ou le président Richardot, né en 1540 à Champlitte et mort le à Arras, est un homme d'État et diplomate comtois au service des Habsbourg d’Espagne, qui a occupé de hautes fonctions politiques dans les Pays-Bas espagnols, à Bruxelles.

Jeunesse et formation

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Jean Richardot appartient au réseau de familles de Franche-Comté qui ont des postes importants dans l'administration des Pays-Bas des Habsbourg sous le patronage d'Antoine Perrenot de Granvelle. Il naît à Champlitte en 1540, fils de Guillaume Grusset et de Marguerite Richardot. Son oncle maternel est François Richardot, confesseur de Marguerite de Parme, proche collaborateur de Granvelle à qui il a succédé comme évêque d'Arras. François Richardot supervise l'éducation de son neveu et l'introduit dans l'administration des Habsbourg. Jean Grusset adopte le nom de famille de son oncle.

Jean Grusset dit Richardot a deux frères : François Grusset, mort en 1587, prévôt de Champlitte, prieur de Morteau et chanoine de Besançon ; Berthold-Jean, conseiller-maître à la cour des comptes de Lille [1].

Après avoir fait ses humanités au Collège des Oratoriens fondé par les Granvelle à Besançon, Jean Richardot étudie le droit à l'université de Louvain, où il a entre autres professeurs Peter Peckius, dont il restera proche. Il poursuit ses études à Rome et à Padoue en 1564, et obtient son doctorat en droit à l'Université de Bologne en 1565[1].

Grâce à la protection d'Antoine de Granvelle, le roi d'Espagne Philippe II nomme Richardot conseiller au Grand conseil des Pays-Bas à Malines en 1568. Cette même année, en mai, Richardot épouse Anne de Bailliencourt, dit Courcol, qui descend d'une famille noble d'Artois[2].

Sept ans plus tard en 1575, il est promu au Conseil privé, l'un des trois Conseils Collatéraux, qui conseille le gouverneur général des Pays-Bas des Habsbourg, qui est alors Luis de Zúñiga y Requesens.

En 1576, dans la confusion qui suit la mort soudaine de Requesens à Bruxelles, Richardot prend contact avec la révolte des Pays-Bas du Nord et son chef Guillaume le Taciturne. Cela lui donne accès en 1578 auprès de l'archiduc Matthias auquel les États généraux des provinces rebelles avaient offert le poste de gouverneur général. Matthias l'envoie en Artois pour tenter d'empêcher l'Union d'Arras négociée par le nouveau gouverneur général nommé par Philippe II, Alexandre Farnèse. Richardot va en fait suivre l'exemple du comté d'Artois, du Cambrésis, du comté de Hainaut, de Douai, d'Orchies et de Lille et se rallier à Alexandre Farnese.

Un pamphlet anonyme, imprimé à Mons par Rutger Velpius en août ou Le Renart découvert lui est attribué ; le « renart » désigne Guillaume le Taciturne, présenté comme un personnage rusé, responsable de la misère qui frappe les Pays-Bas[3],[4].

Ascension vers le pouvoir, sous Alexandre Farnese

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Alexandre Farnese, gouverneur des Pays-Bas à partir de 1578, ne tarde pas à reconnaître les talents de Richardot, confirme sa qualité de membre du Conseil privé en 1580 et le nomme président du Conseil d'Artois en 1581. L'une de ses premières réalisations a été de persuader les États d'Artois d'accepter le retour de l'Armée de Flandre espagnole.

Peu de temps après, Richardot est anobli par Philippe II (chevalier, par lettres patentes du ) ; il acquiert les seigneuries de Barly, Ottignies, Peteghem, Gammerages, Aubers, Lewarde, Lembeek, Dottignies, Lassus, Tielt-ten-hove, Asper et Zingem[1]. Le , il est nommé conseiller du Conseil d'État, le plus haut des Conseils collatéraux.

Farnese emploie Richardot dans de nombreuses négociations auprès des villes de Flandre et de Brabant : Ypres, Bruges, Gand, Bruxelles et Anvers. Il est également le chef de la délégation qui rencontre les envoyés d'Élisabeth Ire reine d'Angleterre à Bourbourg en 1587, dans une tentative de mettre fin aux hostilités entre l'Angleterre et l'Espagne. Farnèse envoie Richardot deux fois à la cour de Madrid ; en 1583-1584, il est chargé d'obtenir davantage d'hommes et d'argent pour la guerre dans les Pays-Bas ; en 1589, il est envoyé pour justifier l'échec de Farnese de ses préparatifs de guerre contre l'Angleterre depuis les Pays-Bas, à la suite de l'anéantissement de la flotte espagnole, l'Invincible Armada en 1588.

La mort de Farnèse en entraîne momentanément la disgrâce de Richardot. Pierre-Ernest Ier de Mansfeld, nouveau gouverneur des Pays-Bas espagnols, tente même sans succès de le retirer du Conseil d'Etat ; son successeur en 1595, Pedro Enríquez de Acevedo, comte de Fuentes, tout en lui étant hostile, reconnaît les capacités de Richardot.

Chef-président du Conseil privé sous les archiducs

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La carrière politique de Jean Richardot reprend après l'installation à Bruxelles en de l'archiduc Albert d'Autriche comme nouveau gouverneur général. Le il est nommé à la tête du Conseil privé. À partir de ce moment, Richardot est l'un des plus influents conseillers des Habsbourg des Pays-Bas et de ses souverains, l'archiduc Albert et à partir de 1598 son épouse l'infante Isabelle Claire Eugénie d'Autriche.

Il est partisan d'une pacification générale dans les Pays-Bas ; ses adversaires, en faveur de la poursuite de la guerre contre les Provinces-Unies et ses alliés anglais et français, l'attaquent souvent comme manquant de loyauté à la couronne espagnole. En dépit de cette opposition, la politique de Richardot va progressivement l'emporter. Victor Brant voit en lui un politique pragmatique : « La physionomie d’ensemble du Président Richardot est celle d’un lettré, d’un magistrat actif, d’un politique souple, d’un négociateur avisé, mais non celle d’un homme d’État de grande allure, à dessein précis, à principes réfléchis et nets. »[5].

Jean Richardot est au centre des négociations, appuyé par l'audiencier du Conseil privé, Louis Verreycken. Entre février et , les deux font équipe avec Jean-Baptiste II de Taxis dans les négociations menant à la Paix de Vervins entre Philippe II et Henri IV. Deux ans plus tard, c'est en revanche l'échec lors des discussions pour mettre un terme à la guerre entre Élisabeth Ire et Philippe III, qui ont lieu à Boulogne, interrompues pour des questions de préséance.

Conférence de Somerset House en 1604, tableau attribué à Juan Pantoja de la Cruz. Jean Richardot est assis à gauche, à la deuxième place, entre Louis Verreycken et Charles d'Arenberg.

L'arrivée au pouvoir en 1603 de Jacques Ier d'Angleterre présente une nouvelle occasion diplomatique. Richardot, Verreycken et Charles d'Arenberg participent, entre mai et , à la conférence à Somerset House, qui élabore le Traité de Londres de 1604[6].

Lors des discussions visant à conclure un traité de paix avec les Provinces-Unies protestantes, Ambrogio Spinola et Jean Richardot sont les négociateurs pour les Habsbourg à la conférence de La Haye de février à . L'espoir de parvenir à une paix définitive se heurte cependant à des questions irréconciliables de religion et le commerce. Avec la médiation de la France et de l'Angleterre, une trêve de douze ans réussit à être signée à Anvers en .

Jean Richardot avec les négociateurs de la Trêve de douze ans sur une gravure du XVIIIe siècle

Mort et descendance

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Presque immédiatement après la conclusion de cette Trêve, les archiducs sont confrontés à la guerre de succession entre les duchés de Juliers, de Clèves et de Berg ; Henri IV et l'archiduc Albert sont profondément divisés sur la manière de faire face à la crise. Pour aggraver les choses, Henri II, prince de Condé choisit ce moment pour s'enfuir à Bruxelles avec son épouse, Charlotte Marguerite de Montmorency, espérant ainsi la soustraire aux attentions amoureuses du roi de France. Dans l'espoir d'éviter une guerre, Richardot se rend à la cour de France en avec des instructions pour assurer Henry IV de la neutralité d'Albert dans les deux affaires. Pour mettre en scène son mécontentement, Henry IV reçoit la délégation à l'extérieur, obligeant le presque septuagénaire ministre à rester tête nue au soleil pendant plus d'une heure. Gravement atteint d'hyperthermie, Richardot meurt le sur le chemin du retour, dans la résidence de son fils Jean Richardot, évêque d'Arras[7]. Il est enterré à Bruxelles dans la chapelle du Saint-Sacrement de la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule.

Rubens, dessin pour l'épitaphe de Jean Richardot, 1609, conservé au Rijksmuseum à Amsterdam.

Jean Richardot et sa femme Anne de Bailliencourt ont eu douze enfants, dont :

Un tableau conservé au musée du Louvre représentant un père et son fils, attribué anciennement à Rubens, a été considéré comme le portrait de Jean Richardot et de l'un de ses fils[9] ; il a été réattribué à Van Dyck et daté du premier quart du XVIIe siècle dans la première période anversoise de l'artiste[10] ; il représenterait sans certitude Guillaume Richardot et l'un de ses fils[11].

Notes et références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Jean Richardot » (voir la liste des auteurs).
  1. a b c et d Jürgen Vanhoutte 2004.
  2. « Famille de Bailliencourt dit « Courcol » ».
  3. (en) « Rutger Velpius and the first prints made in Mons », sur Université de Mons.
  4. « Le Renart découvert », sur Université de Mons.
  5. Victor Brants 1901.
  6. Charles Giry-Deloison, « L'Angleterre et les Pays-Bas espagnols, 1600-1630 », Revue du Nord, vol. 4, no 377,‎ , p. 671-686 (lire en ligne).
  7. Edmund H. Dickerman 1974
  8. Baudouin d’Ursel 2014.
  9. Auguste Castan, « Le portrait du président Richardot au musée du Louvre, restitué à Rubens », Société d'Émulation du Doubs,‎ , p. 11-38 (ISSN 1149-8730, lire en ligne).
  10. Notice no 000PE003322, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture
  11. La base Joconde donne comme autre attribution : Portrait de Jan Woverius et son fils.

Bibliographie

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  • Victor Brants, Un ministre belge au XVIIe siècle : Jean Richardot, chef-président du Conseil privé des Pays-Bas, 1597-1609, vol. 8, Académie royale de Belgique, , 831–914 p..
  • Joseph-François Rossignot, « Jean Richardot, chef-président du conseil privé des Pays-Bas (1597-1609) », Société d'Émulation du Doubs,‎ , p. 114-122 (ISSN 1149-8730, lire en ligne).
  • (nl) Willem Jan Marie Eysinga, De wording van het Twaafjarig Bestand van 9 april 1609, Noord-Hollandsche Uitgevers Maatschappij, .
  • (nl) Hugo De Schepper, « Richardot », dans Nationaal Biografish Woordenboek, Bruxelles, , p. 762-775.
  • (en) Edmund H. Dickerman, « Henry IV and the Juliers-Cleves Crisis: The Psychohistorical Aspects », French Historical Studies, Duke University Press, vol. 8,‎ , p. 626–653 (ISSN 0016-1071, DOI 10.2307/285856)
  • (nl) Jürgen Vanhoutte, Jean Richardot, Chef-président van de Geheime Raad onder de aarthertogen (1597-1609). Een man en zijn familie, Leyde, Seminarie Nieuwe Tijd, 1995-1996, 85 p..
  • (en) Paul C. Allen, Philip III and the Pax Hispanica, 1598-1621 : The Failure of Grand Strategy, New Haven (Conn.), Yale University Press, , 335 p. (ISBN 0-300-07682-7, lire en ligne).
  • (nl) Jürgen Vanhoutte, « "Van robins tot très grands nobles" : carriereplanning en huwelijksstrategiebij het geslacht Richardot in de Zuidlejijke Nederlanden (1540-1701) », dans Adel en macht : politiek, cultuur, economie, Maastricht, Shaker publishing, (ISBN 90-423-0252-6), p. 17-55.
  • Hugo De Schepper, « Les Comtois au gouvernement des Pays-Bas et de la Franche-Comté : 1579-1609 », dans La Franche-Comté et les anciens Pays-Bas, XIIIe – XVIIIe siècles. T. 1, Aspects politiques, diplomatiques, religieux et artistiques, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, coll. « Les Cahiers de la MSHE Ledoux ; 15 », (ISBN 978-2-84867-276-2, DOI 10.4000/books.pufc.24727, lire en ligne), p. 190-193.
  • Baudouin d’Ursel, « Princes en Belgique, Richardot Steenhuyse, 1672 », Le Parchemin, no 409,‎ , p. 4-18 (lire en ligne).
  • Paul Delsalle, « Le Chanitois Jean Richardot, à la tête des Pays-Bas et de la Franche-Comté (1540-1609) », dans Champlitte, place forte du comté de Bourgogne : XIIIe – XVIIe siècles, Vy-lès-Filain, Éditions Franche-Bourgogne, (ISBN 979-10-96159-00-0), p. 221-230.

Liens externes

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