Johann Chapoutot
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Johann Chapoutot, né le [1] à Martigues (Bouches-du-Rhône), est un historien spécialiste d'histoire contemporaine, du nazisme et de l'Allemagne.
Biographie
[modifier | modifier le code]Jeunesse et études
[modifier | modifier le code]Johann Chapoutot grandit à Martigues. Au lycée, étudiant en classe de première littéraire, son professeur d'histoire l'inscrit au concours général d'histoire (), dont le sujet est « Un ou des fascismes dans l'Europe de l'entre-deux-guerres ? »[2]. Il est lauréat du concours[3]. Il obtient un baccalauréat littéraire[4].
Il est admis au lycée Henri-IV, puis à l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud (promotion , classé premier au concours d'entrée dans la série « Langues vivantes[5] »). Il obtient l'agrégation d'histoire en . Il est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris (promotion ).
Il est docteur en histoire en [6], puis habilité à diriger des recherches (HDR) en . Durant sa soutenance d'HDR, la présidente du jury, Laurence Badel lui dit : « Mais enfin, c'est terrible ce qu'on lit [dans votre HDR] ! Et puis on ne sait plus trop où vous êtes parce que [les nazis] parlent à travers vous. ». Chapoutot considère qu'il y a peut-être dans cette remarque l'insinuation sous-jacente qu'il faudrait catégoriquement refuser la démarche compréhensive culturaliste concernant les nazis car on pourrait soupçonner celui qui a cette démarche de sympathie à l'égard de la « pensée nazie »[7].
Parcours professionnel
[modifier | modifier le code]Professeur d'histoire contemporaine à Sorbonne Université (ancienne université Paris-Sorbonne ou université Paris-IV) depuis , il a auparavant été successivement maître de conférences à l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble (–)[8], puis professeur à l'université Sorbonne-Nouvelle (Paris-III, –)[8]. Il a également été membre de l'Institut universitaire de France[9] (–). Lauréat de la fondation Humboldt, il a été chercheur invité à la Freie Universität de Berlin (–).
En 2015, il remet en question la pertinence de rééditer Mein Kampf d'Adolf Hitler, car elle encouragerait une lecture « hitléro-centriste » du nazisme, depuis longtemps dépassée[10]. Il se montre favorable à la publication d'éditions scientifiques et critiques, notamment en format dématérialisé[2].
En , il participe en tant que spécialiste du nazisme avec Christian Ingrao au documentaire Hitler et les Apôtres du mal qui dépeint « Hitler en dilettante et paresseux », « ne supportant pas l’effort intellectuel de longue haleine », mais sachant parfaitement s’entourer[11].
Il enseigne l'histoire de l'Allemagne, en particulier son histoire contemporaine depuis , les sociétés européennes au XIXe siècle (–), ainsi que l'histoire mise en regard avec le cinéma[12],[13],[14].
Il a également publié des travaux généraux sur l'histoire de l'Allemagne et sur l'Europe des dictatures de l'entre-deux-guerres.
Thèses et travaux
[modifier | modifier le code]Histoire culturelle du nazisme
[modifier | modifier le code]Johann Chapoutot pratique une histoire culturelle du nazisme : pour comprendre celui-ci, il faut « prendre au sérieux »[15] les idées et les représentations des nazis. Il s'attache à montrer combien elles s'inscrivent dans une tradition culturelle européenne et occidentale (ainsi a-t-il préfacé l'ouvrage de James Q. Whitman sur Le Modèle américain d'Hitler[16]). Ces thématiques ont été l'objet de sa thèse de doctorat (Le National-socialisme et l'Antiquité, ) et de son mémoire d'habilitation (La Loi du sang, ).
« Révolution culturelle » nationale-socialiste
[modifier | modifier le code]Avec la parution de son ouvrage La Révolution culturelle nazie ()[17], Chapoutot approfondit sa thèse en s'appuyant sur une abondante bibliographie, aussi bien allemande qu'européenne. Son but est le même : exposer la cohérence intellectuelle et culturelle du projet national-socialiste développé par Adolf Hitler[18].
La thèse exposée par Chapoutot est en effet que le national-socialisme n'est absolument pas « un accident de l'histoire », mais que, bien au contraire, il a construit un système de pensée, distinct de la tradition chrétienne et européenne, un raisonnement « purifié de ses scories humanistes et universalistes ». Ce système n’en est pas moins rationnel et cohérent, pourvu d’une logique que l’esprit peut décortiquer et appréhender. Il s’agit d’un monde en soi, dont les adeptes ont intégré les règles, une fois qu’ils avaient opéré sur eux-mêmes cette « révolution culturelle ». La « révolution culturelle » est d’abord une révolution conservatrice : elle vise à « revenir à l’origine, à ce qu’était l’Homme germanique, son mode de vie et son attitude instinctuelle à l’égard des êtres et des choses ». Elle définit aussi le corps social comme la communauté du peuple (Volksgemeinschaft), suivant une vision organiciste de la société. L’individu n’existe qu’en tant que membre du groupe, et son existence ne se justifie que si son action est bénéfique pour celui-ci[18].
La « révolution culturelle » s'appuie aussi sur une conception raciste de l’histoire, qui entraîne la nécessité d'une lutte pour la préservation de la race, menacée par un péril biologique. Mais la menace n’est pas seulement biologique, elle est aussi intellectuelle, morale. Il s’agit de désaliéner la race germanique du christianisme, de la philosophie des Lumières, du matérialisme, en lui rendant son authenticité, et de restituer sa virilité originelle à la race nordique, que les influences extérieures ont dévirilisée. Cette révolution ou ce « retour aux sources » doit se faire à la fois collectivement et individuellement, par un travail de chacun sur lui-même[18].
Continuité « contre-révolutionnaire »
[modifier | modifier le code]La thèse de Chapoutot place le national-socialisme dans une continuité « contre-révolutionnaire », qui se nourrit du romantisme allemand, exaltant le retour à la tradition, mais dans le cadre du peuple et de la nation, de conserve avec une découverte, encore pré-scientifique, des concepts de race. Elle souligne l'hostilité des nazis pour la Révolution française et ses principes.
Chapoutot donne en exemple le discours du de Joseph Goebbels, qui clame « nous avons effacé l'année de l'histoire allemande »[17] ou la déclaration d'Alfred Rosenberg en , suivant laquelle « avec la révolution nationale-socialiste, la philosophie et la pensée juridique de la Révolution française prennent fin ». Chapoutot écrit donc que, si le national-socialisme a été révolutionnaire, il l'a été au sens pré-révolutionnaire du terme, puisque, en fait, la réflexion normative nazie veut retrouver la « nature et la naissance de la race, enfouie sous les sédiments de siècles d'acculturation judéo-chrétienne ». De manière proprement contre-révolutionnaire, la « révolution », dans le lexique national-socialiste, signifie « retour circulaire à l'origine », ce qui était bien le sens du mot avant que les révolutionnaires français ne s'en saisissent dans les années –. Chapoutot insiste sur le fait que « l'archétype nazi, c'est bel et bien l'archaïque : cet homme ancien, dont on va retrouver la beauté, grâce à la statuaire grecque, dont on va refaire le corps, grâce au sport et à la médecine, et dont on va retrouver l'instinct grâce à la science »[17].
Publications
[modifier | modifier le code]Ouvrages
[modifier | modifier le code]- Le National-socialisme et l'Antiquité, Paris, PUF, coll. « Le nœud gordien », , 532 p. (ISBN 978-2-13-056645-8) ; rééd. coll. « Quadrige », , 643 p. (ISBN 978-2-13-060899-8).
- L'Âge des dictatures : Fascismes et régimes autoritaires en Europe de l'Ouest, –, Paris, PUF, coll. « Licence / Histoire », , 262 p. (ISBN 978-2-13-056846-9) ; rééd. Fascisme, nazisme et régimes autoritaires en Europe, –, coll. « Quadrige », , 295 p. (ISBN 978-2-13-061875-1).
- Le Meurtre de Weimar, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », , 128 p. (ISBN 978-2-13-058050-8) ; rééd. coll. « Quadrige », , 96 p. (ISBN 978-2-13-065304-2) Prix Eugène-Colas de l'Académie française.
- Le Nazisme : Une idéologie en actes, Paris, La Documentation française, coll. « Documentation photographique » (no 8085), .
- Histoire de l'Allemagne : à nos jours, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? » (no 4020), , 128 p. (ISBN 978-2-13-059442-0) ; 2e édition, (ISBN 978-2-13-078796-9) ; 3e édition, (ISBN 978-2-7154-0814-2).
- La Loi du sang : Penser et agir en nazi, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », , 567 p. (ISBN 978-2-07-014193-7) Prix Émile Perreau-Saussine [19].
- Des soldats noirs face au Reich : Les massacres racistes de (avec Jean Vigreux), Paris, PUF, , 175 p. (ISBN 978-2-13-062169-0).
- La Révolution culturelle nazie, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », , 282 p. (ISBN 978-2-07-011769-7) ; rééd. coll. « Tel » (no 443), , 305 p. (ISBN 978-2-07-299248-3).
- Comprendre le nazisme, Paris, Tallandier, , 426 p. (ISBN 979-10-210-3042-8).
- Hitler (avec Christian Ingrao), Paris, PUF, , 212 p. (ISBN 978-2-13-080029-3).
- Le sang et la science : l'organisation Ahnenerbe, héritage des ancêtres, les Germains et les Juifs, –, Paris, Crif, coll. « Les études du Crif » (no 50), , 40 p. (BNF 45648029)
- Libres d'obéir : Le management, du nazisme à aujourd'hui, Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », , 169 p. (ISBN 978-2-07-278924-3).
- Les 100 mots de l'histoire, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? » (no 4059), , 128 p. (ISBN 978-2-13-073517-5).
- Le Grand Récit : introduction à l'histoire de notre temps, Paris, PUF, , 377 p. (ISBN 978-2-13-082536-4).
- “Chaque geste compte” : Manifeste contre l'impuissance publique (avec Dominique Bourg), Paris, Gallimard, coll. « Tracts » (no 44), , 59 p. (ISBN 978-2-07-302024-6).
Ouvrages collectifs
[modifier | modifier le code]- Alya Aglan, Johann Chapoutot et Jean-Michel Guieu, L'heure des choix, –, Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire franco-allemande » (no 9), , 321 p. (ISBN 978-2-7574-0919-0).
- Dominique Bourg, Gauthier Chapelle, Johann Chapoutot, Philippe Desbrosses, Xavier Ricard Lanata, Pablo Servigne et Sophie Swaton, Retour sur Terre : 35 propositions, Paris, PUF, , 96 p. (ISBN 978-2-13-082653-8).
- Johann Chapoutot, Christian Ingrao, Nicolas Patin, Le monde nazi. 1919-1945., Tallandier, 2024, 640 p.
Articles
[modifier | modifier le code]- Avec Arno Gisinger, Emmanuelle Polack, Juliette Trey et Christoph Zuschlag, « Art dégénéré et spoliations des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale », Perspective, no 1, , p. 13–36 (DOI 10.4000/perspective.8968, lire en ligne).
Direction de collection
[modifier | modifier le code]- Histoire de la France contemporaine en dix volumes (–)[20]
Comités de rédaction
[modifier | modifier le code]- Depuis : membre du comité de rédaction de la Revue historique[21]
- Depuis : membre du comité de rédaction de Vingtième Siècle : Revue d'histoire[21]
Distinctions
[modifier | modifier le code]- Prix du livre RH Syntec Conseil (Le Monde / Sciences Po) pour Libres d'obéir : Le management, du nazisme à aujourd'hui ()[22].
- Prix Biguet de l'Académie française pour Libres d'obéir : Le management, du nazisme à aujourd'hui ()[23].
- Prix national Cherasco Storia pour Il Nazismo e l'antichità (Italie, )[24].
- Prix Maurice Baumont de l'Académie des sciences morales et politiques pour La Révolution culturelle nazie ()[25].
- Yad Vashem International Book Prize for Holocaust Research pour La Loi du sang (Israël, )[26].
- Prix Pierre Simon « Éthique et réflexion » pour La Loi du sang ()[27].
- Prix Émile Perreau-Saussine de philosophie politique de Madame Figaro pour La Loi du sang ()[19].
- Prix Eugène-Colas de l'Académie française pour Le Meurtre de Weimar ()[21].
- Prix du livre de la région Rhône-Alpes pour Le National-socialisme et l'Antiquité ()[21].
- Prix Dèzes, décerné par le Comité français des sciences historiques pour le travail de thèse ()[21].
- Harvard University - Harvard Certificate of Distinction in Teaching ()[21].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « Chapoutot, Johann (–....) », notice de personne, Catalogue général, sur catalogue.bnf.fr, Bibliothèque nationale de France, création , mise à jour (BNF 15803159).
- Comprendre le nazisme.
- « Le palmarès du concours général », Le Monde, .
- Le Grand Récit.
- Arrêté du portant ordre de classement au concours d'entrée en première année à l'École normale supérieure de Fontenay - Saint-Cloud, Journal officiel de la République française, no 219, , p. 14467, NOR MENS9802252A, sur Légifrance.
- Sujet de thèse de Johann Chapoutot : Le National-socialisme et l'Antiquité (sous la dir. de Robert Frank et d'Étienne François) (thèse no 2006PA010722), Paris, Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, , 762 p. (SUDOC 126587817, présentation en ligne).
- Johann Chapoutot : Peut-on faire l'histoire du nazisme ? - Conférence PSL, Martin Saintemarie (, 117:10 minutes), consulté le
- « Johann Chapoutot professeur des universités », sur ihtp.cnrs.fr (consulté le ).
- « Site de l'Institut universitaire de France », sur iufrance.fr (consulté le ).
- Philippe Douroux, « Interview - Johann Chapoutot : “Cette focalisation sur Mein Kampf a l’inconvénient d’encourager une lecture hitléro-centriste du nazisme” », sur Libération, .
- Christine Rousseau, « Un Adolf Hitler dilettante mais sachant s’entourer », Le Monde, .
- Johann Chapoutot sur France Inter.
- « CV de Johann Chapoutot sur le site de l'université Pierre-Mendès-France », sur upmf-grenoble.fr (consulté le ).
- « Joël Cornette et Johann Chapoutot : “La France est une invention” », sur Le Monde, .
- La Loi du sang, p. 519 et 522.
- James Q. Whitman (trad. de l'anglais par Christophe Jaquet), Le Modèle américain d'Hitler : Comment les lois raciales américaines inspirèrent les nazis, Paris, Armand Colin, , 287 p. (ISBN 978-2-200-62029-5).
- La Révolution culturelle nazie, p. 73, 210, 274–275.
- Agnès Graceffa, « Johann Chapoutot, La Révolution culturelle nazie », Lectures, (ISSN 2116-5289, DOI 10.4000/lectures.22523, lire en ligne, consulté le ).
- « Prix Émile Perreau-Saussine », sur livreshebdo.fr, Livres Hebdo (consulté le ).
- Emmanuel Hecht, « Histoire de France : quatre contrevérités dévoilées », L'Express, .
- « Institut d’histoire du temps présent », sur ihtp.cnrs.fr (consulté le ).
- « Le Prix du Livre RH attribué à Johann Chapoutot et Sophie Bernard » , sur focusrh.com, (consulté le )
- « Prix Biguet », sur academie-française.fr
- (it) « Il Premio Nazionale Cherasco Storia a Johann Chapoutot », sur cuenodice.it.
- « Prix Maurice Baumont », sur asmp.fr.
- « International Book Prize Awarded to Prof. Johann Chapoutot », sur yadvashem.org (consulté le ).
- « Palmarès - Le Prix « Ethique et réflexion » », sur Prix Pierre Simon (version du sur Internet Archive).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Nicolas Charles, « Entretien avec Johann Chapoutot : le nazisme et Hitler », sur Nonfiction, .
- Thibault Le Texier, « La Reductio ad Hitlerum de Johann Chapoutot : quand l'idéologie l'emporte sur la rigueur historique », Revue d'histoire moderne et contemporaine, vol. 67, no 3, , p. 171–187 (DOI 10.3917/rhmc.673.0173, lire en ligne).
Liens externes
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- Ressources relatives à la littérature :
- Ressources relatives à l'audiovisuel :
- Ressource relative à plusieurs domaines :
- Ressource relative à la recherche :
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Historien français du XXe siècle
- Historien français du XXIe siècle
- Historien du nazisme
- Universitaire français du XXIe siècle
- Professeur à Sorbonne Université
- Professeur de l'université Paris-Sorbonne
- Enseignant à l'université Sorbonne-Nouvelle
- Enseignant à l'université Pierre-Mendès-France - Grenoble II
- Lauréat du concours général
- Agrégé d'histoire
- Auteur ayant écrit sur Martin Heidegger
- Élève du lycée Henri-IV au XXe siècle
- Élève de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud
- Élève de l'Institut d'études politiques de Paris
- Docteur en histoire de l'université Paris I Panthéon-Sorbonne
- Naissance en juillet 1978
- Naissance à Martigues
- Lauréat du prix Biguet