Paul Teitgen
Président Amitié judéo-chrétienne de France | |
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Paul Teitgen, né le à Colombe-lès-Vesoul et mort le à Saint-Cloud, résistant dès 1940 et déporté d'abord au camp du Struthof en Alsace puis à Dachau, pendant la Seconde Guerre mondiale, est secrétaire général de la préfecture d'Alger, chargé de la police générale pendant la guerre d'Algérie, entre août 1956 et septembre 1957. Il est connu pour s'être opposé à l'usage de la torture pendant la Bataille d'Alger.
Histoire
[modifier | modifier le code]Paul Teitgen, né à Colombe-lès-Vesoul[1], a grandi à Nancy dans une famille de démocrates chrétiens. Son père Henri Teitgen et son frère Pierre-Henri Teitgen, ministre de la IVe République, se sont engagés comme lui dans la Résistance[2].
Pendant la Seconde Guerre mondiale :`
Résistant dès 1940, Paul Teitgen organise, à partir de janvier 1943, le Comité de libération nationale en Lorraine dans lequel il a la responsabilité de la désignation des préfets et du Commissaire de la République[1].
Il est arrêté à Lunéville le 6 juillet 1944 puis transféré à la prison de Nancy où il est torturé par la Gestapo. Il est ensuite déporté au camp du Struthof le 19 août 1944 puis transféré au camp de Dachau en septembre de la même année[1]. À Dachau, il se rapproche de Gaston Gosselin, Joseph Rovan et le Père Sommet, fidèles d'Edmond Michelet. Ensemble, ils s'organisent pour partager les ressources et préparer des actions pour protéger les déportés de potentielles mesures massives des nazis face à l'avancée des Alliés.
Après sa libération du camp de Dachau le 29 avril 1945, il est rapatrié dans un avion de journalistes le 31 mai. Soucieux du devoir de mémoire, il devient membre de la Commission d'histoire de l'internement et de la déportation[1].
Il passe avec succès le premier concours de l'École Nationale d'Administration et devient élève de la promotion « France Combattante ». À sa sortie de scolarité, il choisit de servir dans le corps préfectoral[3].
Pendant la guerre d'Algérie
[modifier | modifier le code]Le 20 août 1956, Paul Teitgen est nommé au poste de secrétaire général de la préfecture d’Alger chargé de la police. À ce poste, il devient un témoin privilégié des pratiques de torture commises par l'armée française en Algérie, notamment durant la bataille d'Alger, et contre lesquelles il s'oppose.
Le 24 mars 1957, Paul Teitgen adresse sa lettre de démission à Robert Lacoste[4]. Dans cette lettre, il dénonce explicitement les actes de tortures pratiqués par des militaires français sur les prisonniers algériens ou sur les Français métropolitains favorables à l'indépendance de l'Algérie. Il qualifie la torture de « système » produisant des « crimes de guerre » identiques, selon lui, à ceux de la Gestapo[5],[6]. Il s'oppose aussi aux exécutions extra judiciaires, qu'il estime lui-même à environ 3000 pour la période entre janvier et septembre 1957[7],[8].
Envoyée au ministre-résident en Algérie Robert Lacoste le [9] sa démission est refusée temporairement, puis acceptée finalement le par ce dernier.
Lors du coup d'État du 13 mai 1958, il échappe aux parachutistes qui tentent de l’arrêter. Il est finalement expulsé d’Algérie avec sa famille par le général Raoul Salan.
De retour en France, Paul Teitgen est mis au ban de la préfectorale. Il se retrouve sans affectation réelle au ministère de l'Intérieur pendant 2 ans, sans poste ni traitement. Il quitte ensuite les cadres du ministère de l'Intérieur en étant en poste au Brésil pour une période courte de six mois. Il regagne ensuite la France et intègre alors le Conseil d'État en tant que maître des requêtes.
En décembre 1960, il accepte de témoigner pour la défense des « porteurs de valises » au procès du réseau Jeanson, au cours duquel il rend publique sa lettre à Lacoste[10].
Yves Courrière publie dès 1969 la lettre de démission de Paul Teitgen dans son ouvrage Le temps des léopards consacré à la « bataille d’Alger ». Étudiant cette source, l'historien Guy Pervillé souligne les problèmes historiographiques que posent les estimations de disparus fournies par Courrière sur la base du document de Paul Teitgen[9]. Selon Paul Teitgen, les arrestations suivies d'assignation à résidence, pratiquées par l'armée et notamment les membres de la 10e division parachutiste, entre janvier 1957 et septembre 1957, à Alger, lors de la bataille d'Alger, sont environ au nombre de 24 000.
Pour approfondir
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- Interview de Paul Teitgen dans le film d'André Gazut au sujet des raisons pour lesquelles il refusa la torture, en particulier pour Ferdinand Iveton [1]
Littérature
[modifier | modifier le code]L'Art français de la guerre d'Alexis Jenni, Prix Goncourt 2011, où Paul Teitgen apparaît, notamment dans le chapitre intitulé « Roman VI ».
« Derrière ses grosses lunettes il regardait tout en face, le colonel devant lui, la nécropole d'encre disposée le long des murs, les comptes qui étaient la trace des morts. Il était le seul à tenir le compte des gens. Il finit par démissionner, il s'en expliqua publiquement. »
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Emmanuelle Jourdan, « Paul Teitgen ou la construction d’une idée de la paix », dans L'idée de paix en France et ses représentations au xxe siècle, Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, coll. « Histoire et littérature du Septentrion (IRHiS) », (ISBN 978-2-490296-04-0, lire en ligne), p. 393–421
- « Vesoul. Paul Teitgen : le fonctionnaire qui a dit non à la torture », sur www.estrepublicain.fr (consulté le )
- Florence Cicolella, Jean-Michel Bohé, Karl Monnin et Amélie Goiffon, « Paul Teitgen, le fonctionnaire, originaire de Haute-Saône, qui a refusé la torture en Algérie », sur Youtube.fr, (consulté le )
- « Paul Teitgen, l’homme qui refusa la torture dans la République - 4ACG (Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami(e)s Contre la Guerre) », sur www.4acg.org (consulté le )
- Lettre de Paul Teitgen à Robert Lacoste, 24 mars 1957, in Charlotte Delbo, Les Belles Lettres, Paris, Minuit, 1961, p. 80. Cette lettre n’a été rendue publique par Teitgen qu’en 1960.
- « La lettre de démission de l'ancien secrétaire général à la police », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Raphaëlle Branche, La guerre d’Algérie : une histoire apaisée ?, Paris, Seuil, , p. 213-217
- Riceputi, Fabrice Auteur., Paul Teitgen et la torture pendant la guerre d'Algérie : une trahison républicaine (OCLC 1201709531, lire en ligne)
- « A propos des 3.024 disparus de la bataille d'Alger : réalité ou mythe ? (2004) », sur guy.perville.free.fr (consulté le )
- « Un témoin capital de la torture et des disparitions : Paul Teitgen », sur Alger 1957 - des Maurice Audin par milliers (consulté le )